EVASION. L'Inrap de Dijon vient de mettre au jour la riche demeure d'un négociant de la seconde moitié du 14ème siècle, au hameau de Cestres, à Saint-Martin-du-Mont (Côte-d'Or).
Peu ordinaire par la qualité des vestiges, la découverte restera dans les annales des médiévistes car, fait rare, les archéologues ont mis un nom sur le propriétaire des lieux.
Huguenin Jacquin était un négociant en laine qui commerçait avec l'Italie par l'intermédiaire des foires de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), incontournables à l'époque pour la circulation des marchandises du centre-est de la France jusqu'à la Méditerranée.
Une matrice de sceau et des poids monétaires servant au contrôle des pièces de monnaie a mis les archéologues sur la piste d'un marchand, mais c'est le recoupement avec des archives écrites qui a permis de l'identifier.
A cette époque du Moyen-Age, les Lombards étaient massivement présents sur les foires du royaume de France pour acheter de la laine, des chevaux et même de l'usure. Et les plateaux du Châtillonnais étaient propices à l'élevage du mouton.
La thèse rédigée en 1976 par l'universitaire Henri Dubois "Les foires de Chalon et le commerce dans la vallée de la Saône à la fin du Moyen-Âge (vers 1280 - vers 1430) " répertorie minutieusement les commerçants installés dans ce secteur, à une quarantaine de kilomètres de Dijon.
On y trouve, Huguenin Jacquin, résidant et même, maire de Cestres.
Il est cité en 1360, comme l'intermédiaire d'un certain Antonio dei Grassi, marchand milanais, dont il était plège, c'est-à-dire caution. En 1376, le Bourguignon devient son créancier et fait saisir les laines de son client. Châtelain de Talant, à la périphérie de Dijon, il est aussi en quelque sorte le grossiste de la duchesse Marguerite de Flandres.
Si la mémoire collective a complètement oublié Huguenin Jacquin, le nom du lieu-dit où sa demeure a été mise au jour, "La Vie aux Maires", ainsi qu'une stèle à proximité, corrobore la thèse des archéologues. Lui même maire, Huguenin Jacquin était issu d'une lignée de maires, et son petit-fils Guillaume le fut aussi.
«Il est rare de pouvoir mettre en lumière une activité et le profil socio-économique des occupants», affirme Patrick Chopelain, chercheur à l'unité mixte de recherche CNRS-université de Bourgogne ARTeHIS et responsable de la fouille. «Il est aussi peu commun de révéler une maison moyen-âgeuse de la classe sociale de notre marchand», poursuit-il.
En bon état de conservation, les vestiges enfouis à guère plus de deux mètres de la surface du champ, révèlent un bâtiment rectangulaire d'au moins 19 m sur 8, bâti avec des pierres calcaires taillées et empilées sans mortier.
L'objet le plus "parlant" est un imposant foyer de 7,5 m2, au centre de la pièce principale, formé de dalles disposées en couronne. Il rappelle les cheminées sarrasines équipées d'une hotte suspendue au plancher supérieur, comme on en trouve en Bresse (Saône-et-Loire) ou les tuyés francs-comtois.
La fouille a aussi dégagé une pièce supposée être la cuisine compte tenu des pichets découverts, ainsi qu'une chambre. Et, preuve du niveau social de son occupant, de très nombreuses parures de vêtements et pièces de monnaie dont certaines à l'effigie d'Eudes IV, duc de Bourgogne (1315-1349).
Cette belle découverte n'aurait pas eu lieu sans la prescription faite par la Drac (direction régionale des affaires culturelles), au vu de la richesse archéologique du secteur et sans l'initiative d'un particulier, de faire bâtir une maison dans ce champ de cailloux.
Toute cette histoire disparaîtra sous les pelleteuses dans une semaine, mais les archéologues, avec force photos, objets et mesures, vont en affiner les contours.

Bonjour, J’aimerais que l’on m’explique comment l’archéologue en charge de ce chantier fait sortir de son chapeau le sieur Huguenin Jacquin, alors que la matrice de sceau très lisible semble appartenir à (si ma lecture est bonne) Barthelemy de Flavigny (S.BARTI.AVVNAT.DE FLAVIGN.)… J’attends avec impatience le rapport de fouille.
Passionnant reportage sur cette demeure de 14ème (mais) trop court, à mon goût....... Une suite est-elle envisagée au fil des travaux, avant que les pelleteuses ne détruisent cette mémoire? Je compte sur la journaliste Ch. Perruchot afin qu'elle nous initie à la vie de ce négociant en laine ainsi que sa famille, à travers les fouilles archéologiques. Pourquoi pas ? Ce serait une accroche passionnante pour un futur livre. J'espère une suite. MERCI"
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