La reconquête par Strasbourg (Bas-Rhin) de ses bassins portuaires est bien entamée. La Zac Deux-Rives qui l’organise arrivera sur le bureau de celui ou celle qui endossera le costume de maire, à la suite de Roland Ries, le « père » du projet. Il est peu probable que le destin du projet bascule en fonction du résultat des élections, mais des inflexions pourraient porter sur le rythme d’avancement et sur la densité des constructions.
Les deux mandats depuis 2008 de Roland Ries, maire de Strasbourg qui ne se représente pas, auront été marqués par la création de la zone d’aménagement concerté (Zac) Deux-Rives, fin 2013, puis par sa mise en route opérationnelle, comme outil d’urbanisation d’un ensemble de terrains largement à l’abandon, qui généraient une sorte de vide entre les bordures du centre-ville et le Rhin. Ces surfaces sont considérables : 150 hectares, dont 74 hectares formant cette Zac. Son aménageur, la SPL des Deux-Rives, porte l’ambition de la construction d’un peu plus de 400.000 m2 pour l’accueil de 4.700 logements et locaux d’activités représentant 5.000 emplois.
À ce jour, quelque 150.000 m2 ont été attribués. Ils comprennent de la construction neuve et des changements de destination de bâtiments existants. Le processus d’urbanisation suit un tracé de proche en proche à partir du centre-ville, dans le prolongement de la transformation d’autres anciens bassins portuaires, situés à proximité plus immédiate de l’ellipse historique de Strasbourg.
Achevée pour l’essentiel, cette première métamorphose a fait pousser le centre commercial Rivétoile, la Maison universitaire internationale ou la bibliothèque-médiathèque André Malraux sur la presqu’île Malraux, la tour Elithis et plusieurs centaines de logements dans l’écoquartier Danube qui a essuyé les plâtres du concept au tournant des années 2010. Ces constructions forment le cœur de « Deux-Rives », le nom donné à l’ensemble du vaste morceau de ville façonné sur 5 km d’ouest en est pour un total prévu d’1 million de mètres carrés, à ne pas confondre avec la Zac du même nom qui désigne la partie la plus orientale, ayant donc vocation à représenter environ 40 % des surfaces construites.
Les aspirations « vertes » de tout candidat à priori satisfaites

Le destin de cette Zac peut-il basculer en fonction du résultat des élections ? C’est peu probable au niveau de ses fondamentaux. Le « coup » est aujourd’hui largement parti pour imaginer difficilement un retour en arrière. En outre, les préceptes d’un développement urbain écologique, sujet qui font fureur dans la campagne actuelle, ont été intégrés dès l’origine.
Choix avait été fait de confier le pilotage de la maîtrise d’œuvre urbaine à une agence d’urbanisme mais surtout de paysage, la parisienne TER. Son plan-guide « s’organise autour de l’eau, selon le principe de la révélation de bras et petits bassins rhénans qui avaient été enfouis au fil des aménagements passés », décrit son dirigeant Henri Bava. De quoi donc satisfaire a priori les aspirations « vertes » de tout candidat, même s’il faudra encore attendre de voir jusqu’à quel point la théorie deviendra la réalité.
Les inflexions, s’il y en a, pourraient porter sur le rythme d’avancement du projet et sur la densité des constructions. La Zac ne manque pas de place et elle souhaite la faire occuper en majorité par le non-bâti qui devrait représenter 70 % de la surface finale.
À contrario, le projet compte ériger plusieurs constructions de hauteur, de l’ordre de 15 étages, comme « signal » d’une nouvelle silhouette urbaine. La poursuite de ce parti pris n’est pas garantie, dans un contexte où les candidats rivalisent de promesses sur les « ceintures vertes », les îlots de fraîcheur et un urbanisme à visage humain.

Durant cette campagne, la première phase de Deux-Rives (presqu’île Malraux, Danube, avenue du Rhin…) donne lieu à des critiques de « sur-densification » et « bétonisation » qui pourraient rejaillir sur cette phase suivante. La tête de liste PS, Catherine Trautmann, par ailleurs présidente du Port autonome, a toujours veillé à ce que les intérêts économiques de celui-ci ne soient pas sacrifiés sur l’autel de l’urbanisation qui émerge à ses portes.
Le LR (Les Républicains) Jean-Philippe Vetter s’affiche d’abord comme le défenseur de l’emploi et les deux favoris, Alain Fontanel (LaREM) et Jeanne Barseghian (EELV), sont en pleine compétition sur qui sera le meilleur chantre du développement durable.
Une des rares piques de pré-campagne ayant concerné directement les Deux-Rives a donné lieu au scénario pas le plus attendu. En décembre, Alain Fontanel, en bonne partie co-concepteur politique des Deux-Rives comme 1er adjoint de Roland Ries, a demandé le retrait d’une délibération qui ouvrait la voie à un programme immobilier jusqu’à 15 étages, qu’il a jugé non compatible avec la préservation des espaces verts. Or ce programme avait été initié par l’adjoint à l’urbanisme, Alain Jund, le leader local d’EELV.
Les critiques de surdensification urbaine ont un petit côté populiste qui n'est pas sans inquiéter: si on ne densifie pas les centres-villes, on ira construire en banlieue, en étendant à l'infini les zones bâties, en mitant le territoire et en générant des flux de transports en commun ou individuels automobiles.Un remède largement pire que le mal, et infiniment plus coûteux pour la collectivité qu'une bonne et belle tour de 15 étages (on ne parle pas non plus de 100 ou 200 étages!) à proximité du centre ville.