Le fabricant d’isolants en composites thermodurcissable pour l’industrie est reparti avec Cécile Allemann, forte de presque 30 ans de responsabilités locales et internationales au sein du groupe Von Roll, l’ancien propriétaire. Elle remet en route l’usinage, moyennant un investissement de 2,3 millions d’€ et envisage de recruter 17 personnes en deux ans.


Devenir cheffe d’entreprise n’était pas inscrit dans les gènes de Cécile Allemann, la présidente depuis fin février dernier d’Isola Composite France à Delle (Territoire de Belfort). Mais son parcours de presque trente ans de responsabilités locales et internationales dans les ventes au sein du groupe Von Roll faisait d’elle un recours possible en cas de nécessité. Or celle-ci s’est imposée, en plusieurs temps.

Fin mai 2020, Von Roll Isola France, la filiale à Delle de produits composites de ce groupe suisse, avait été placée en redressement judiciaire, au même titre que sa « sœur » voisine Delle Fil. L’actionnaire a d’emblée fait savoir qu’il se désengagerait du site et qu’il faudrait donc trouver un repreneur… ou fermer. Malgré quelques marques d’intérêt de concurrents étrangers, ainsi que celle d’un entrepreneur local, aucune offre ferme ne se dessinait. D’où l’élaboration d’un projet autour de Cécile Allemann, qui a été déposé au tribunal de commerce et validé le 23 février 2021, de sorte à déboucher sur un plan de continuation, sous la dénomination d’Isola Composite France.

 

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Près d’un an plus tard, la nouvelle vie du site s’est mise en place, avec la perspective d’être durable et un premier bilan plus qu’encourageant : au 31 mars prochain, terme d’un premier exercice, le chiffre d’affaire devrait s’élever à 10,5 millions d’€, « alors que nous avions annoncé 9 millions d’€ au tribunal », indique la présidente d’Isola Composite France. La confirmation dans le temps passe par une modernisation des équipements. « Nous investissons 2,3 millions d’€, au nom de plusieurs priorités : réduire les délais de livraison, augmenter la productivité, diminuer la pénibilité de certains postes », énonce t-elle.

 

Remise en route de l’usinage avec une machine à commande numérique 5 axes

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Cécile Allemann, dirigeante de Isola Composite France (à droite) en compagnie de Corinne Boiston, responsable des opérations. © Mathieu Noyer

 
« Et puis, nous remettons en route l’usinage. Ce maillon de la chaîne de process est essentiel, il apporte la valeur ajoutée. Sa réduction de voilure dans les années précédentes avait grandement contribué à fragiliser le site », poursuit la dirigeante. La société peut s’appuyer sur certains équipements restés sur place, mais elle prévoit surtout de renforcer et de moderniser son parc de matériel d’usinage, notamment par l’installation d’une machine à commande numérique 5 axes.


L’usine de Delle peut compter sur la fidélité de clients. Très majoritairement étrangers (80 % d’activité à l’export dont 20 % en Amérique du Nord et 15 % en Asie), il a fallu les convaincre que la procédure française du redressement judiciaire ne signifiait pas la disparition de l’entreprise. Pour les isolants en composites thermodurcissables qui constituent la fabrication de Delle, les débouchés se situent dans les secteurs de l’énergie (des éléments de stators et de rotors, pour General Electric par exemple), des moteurs haute tension ou encore de l’électronique, en vue d’applications de nature multiples : renfort mécanique, isolation électrique, isolation thermique de machines, maintien à plat de circuits imprimés lors de la pose de composants…

 

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« L’univers de la mobilité nous apporte des perspectives plus nouvelles », relève Cécile Allemann. La charge de véhicules électriques, l’isolation de piles à combustible constituent des activités où les spécialités d’Isola Composite commencent à trouver leur place.  « Nous sommes positionnés comme un acteur de niches au milieu de nos concurrents », estime Cécile Allemann.

Quant à l’emploi, son balancier repart dans l’autre sens. Il était passé de 53 salariés en fin de redressement judiciaire à 42 au redémarrage et les embauches depuis ont fait remonter les effectifs à 49, avec la perspective de se poursuivre. Le recrutement de 17 personnes en deux temps cette année et en 2023 est envisagé par Cécile Allemann, « car nous sommes sous-dimensionnés. »

Mais quelques concours financiers de plus, bancaires et publics, ne nuiraient pas pour soutenir un programme somme toute ambitieux. Isola Composite en a obtenu de la Région Bourgogne-Franche-Comté pour le recrutement ainsi que de l’UIMM (avance remboursable). Elle postule au fonds Maugis local (*) et escompte rencontrer quelques oreilles attentives, à ce niveau et sur d’autres dossiers à l’étude.

 

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Isola Composite France fabrique des isolants en composites thermodurcissables pour l’industrie en se positionnant comme un acteur de niches au milieu de ses concurrents. © Mathieu Noyer
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Symbole d’une prospérité d’un autre temps, le site de près de 30.000 m2 qu’a investi Isola Composite est sur-dimensionné pour ses besoins, au point de représenter un niveau de charges fixes insupportable économiquement. C’est là qu’entre en jeu la Communauté de communes du Sud Territoire (CCST), selon le principe déjà mis en œuvre avec succès sur le site des Forges de Grandvillars pour le groupe Lisi notamment, et inspiré du « modèle » de la Sempat (Tandem aujourd’hui) à Belfort : racheter les locaux pour permettre à l’industriel de se concentrer sur sa gestion et ses investissements industriels, en versant des loyers à la collectivité. 
Sur le site Von Roll, la communauté de communes rachète en direct les bâtiments – alors qu’à Grandvillars, elle a agi via sa Sem Sud Territoire –, elle loue en un bail de 12 ans, les 10.000 m2 nécessaires à Isola Composite et opérera la démolition-restructuration du reste, pour d’autres usages économiques.
Son troisième lieu d’intervention principal se situe à présent à Beaucourt, sur les 6.000 m2 bâtis du site ex-Japy des Fonteneilles et moyennant 4 millions d’€ de travaux, à nouveau en direct mais pour une reconversion d’une autre nature, en équipements publics et logements. A Beaucourt comme sur Von Roll, elle bénéficie d’aides d’Etat au titre du nouveau fonds friches.

(*) Le fonds Maugis est constitué de la pénalité, de 50 millions d’€, qu’a du payer General Electric pour ne pas avoir créé le millier d’emplois promis lors du rachat de la branche énergie d’Alstom en 2015. Il est affecté à des projets économiques dans le Territoire de Belfort, sélectionnés sur candidature.

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