L’usine jurassienne de l’équipementier suédois a été choisie pour mettre en oeuvre une technologie brevetée qui allège le poids des bielles des avions entre 10 et 20 %. Il s'agit une ligne de placement de fibre automatisée de six robots qui rend les pièces en composite moins lourdes.
Pour une fois, ce n’est ni à Toulouse, ni à Seattle qu’une nouvelle page de l’aéronautique s’ouvre. Mais à… Lons-le-Saunier. Loin des grands fiefs d’Airbus et Boeing, le chef-lieu du Jura abrite une usine du groupe suédois SKF. Or celui-ci y a dévoilé, ce mardi 29 mars, une ligne de fabrication entrant dans la confection des moteurs d’avions, dont la technologie rebat les cartes de la décarbonation de l’aviation en apportant une contribution significative à la diminution du poids des appareils.
SKF a investi 2,5 millions d’€ depuis 2019 sur place pour cette ligne de « placement de fibre » entrant dans la production des bielles en composite, l’une des spécialités de l’usine jurassienne. « La technique conventionnelle repose sur la découpe de toiles et l’application d’enduit. La nouvelle consiste à enrouler le fil autour d’une matrice, de façon à rendre les pièces plus résistantes, plus compactes, et surtout moins lourdes », expose Philippe Peroz, président de SKF France.
Pour les bielles elles-mêmes, la diminution de poids générée « se situe entre 10 et 20 % », poursuit le dirigeant. L’impact sur un avion complet qui passerait sur la balance n’est pas évalué, il est bien sûr sensiblement moindre. Mais l’usine de Lons-le-Saunier apporte sa contribution, que le groupe sait en revanche chiffrer en terme d’émissions de C02 : 100.000 tonnes de moins sur la durée de vie d’un appareil.
En l’occurrence, le résultat des investissements s’intègre directement dans des Airbus A-350 montés à Toulouse, depuis le début de cette année. « Avec les A-330, ce sont ces types d’appareils à double couloir, d’une capacité de l’ordre de 350 à 550 places qui se prêtent le mieux à la mise en œuvre », souligne Philippe Peroz.
Comme le constructeur européen est parti pour de longues années de production du modèle, à une cadence pour l’heure de huit par mois, SKF Lons gagne fortement en visibilité, sur un marché de l’aéronautique exceptionnellement secoué depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19. Quant à Airbus, l’usine jurassienne, qui le fournit en exclusivité, lui fait prendre une longueur d’avance sur son rival américain sur ce sujet-clé de la décarbonation.
Un procédé breveté qui est en fait une première mondiale

Que la nouvelle ligne soit un concentré de high-tech et qu’elle dessine un point de plus sur la carte des industries 4.0, on ne peut en douter. Six robots en jalonnent le parcours, au milieu d’une batterie d’automatismes, pour guider le fil, aller chercher des pièces en carbone, parmi des interventions multiples. Ils vont puiser et collecter des pièces stockées à – 18° degrés, là où l’homme ne s’aventure qu’avec parcimonie.
Le président de SKF France en atteste en outre du statut de première mondiale dans son domaine. « La paternité de la technologie du placement de fibre revient à Boeing. Mais le constructeur américain ne l’applique qu’à la coque des avions. Nous, nous la déployons sur la structure de l’appareil, donc dans sa motorisation et nous sommes les seuls à le faire, avec un procédé breveté », expose Philippe Peroz.

Comme l’usine de Lons-le-Saunier intervient précisément à ce maillon de la longue chaîne de fabrication des avions, c’est elle qui s’imposait naturellement pour accueillir le nouvel investissement. Celui-ci s’est accompagné de formations et de préparations pour le groupe d’opérateurs qui la mettent en œuvre : une quinzaine de collaborateurs ont été directement concernés par cette mutation technologique, sur l’effectif de 300 personnes du site, que le projet a permis de stabiliser.
La présentation, en revanche, du projet comme « accompagnant l’industrie aéronautique dans son ambition de fabrication d’avions à hydrogène d’ici à 2030 », selon les termes du communiqué de SKF, demande à être prise avec précaution, comme l’admet son président France lui-même. « En soi, le placement de fibre n’apporte pas la clé pour une carburation alternative », indique-t-il.
Mais le site de Lons-le-Saunier se contente déjà bien volontiers de son avancée. Celle-ci le conforte, au sein de SKF France qui compte huit usines (*) pour un effectif de 3.000 personnes et un chiffre d’affaires annuel de 850 millions d'€. Ses dernières innovations sont ainsi être testées au centre de R&D hexagonal de Valence (Drôme). Elle le légitime au sein du vaste outil mondial du groupe suédois de 43.000 salariés, 103 sites de production et 7,6 milliards d’€ de chiffre d’affaires.
Ayant franchi le demi-siècle d’existence – elle a été créée en 1971 – l’usine est pleinement située dans le cœur d’activité de sa maison-mère, dont le nom complet comporte le mot « roulement » (le K de Kulager en suédois). Le roulement forme l’identité de SKF Lons-le-Saunier. Outre les bielles en composite, celle-ci se décline dans les roulements à billes, les rouleaux et les articulations pour applications aéronautiques (train d’atterrissage, attaches moteur, voilure) à hauteur de 600.000 pièces par an.
Photos fournies par l'entreprise.
(*) Cet appareil industriel disparaîtra à la fin de cette année, dans l’usine de l'Yonne, sous-traitante de l’automobile qui emploie 40 personnes.