L’enquête publique portant sur une nouvelle répartition des prélèvements de Nestlé Waters dans deux nappes souterraines des Vosges se clôture ce 31 mai. Un collectif d’associations estime que la multinationale suisse qui emploie 780 salariés à Vittel et Contrexéville, fragilise la ressource en eau potable dans un contexte de réchauffement climatique.


La clôture d’une enquête publique ce 31 mai braque à nouveau les projecteurs sur les sources de Vittel et de Contrexéville, à 40 km à l’ouest d’Epinal (Vosges). Nestlé Waters qui les exploite, a produit en 2021, plus de 1,3 milliard de bouteilles d'eaux minérales des marques Vittel, Contrex et Hépar, avec 780 salariés.

L’enquête publique vise à obtenir une autorisation unique par nappe : elle porte sur deux des trois réserves d’eaux souterraines, également appelées « nappes aquifères » ou « gîtes hydrominéraux ». Il s’agit des gîtes A et B, des calcaires « Muschelkalk » situés entre 10 et 80 mètres de profondeur. La multinationale suisse disposait jusqu’à présent d’autorisations réglementaires multiples, les forages ayant été hérités des différentes sociétés d’embouteillage qui se sont succédés.

Certains sont très anciens, car les eaux minérales sont conditionnées à Vittel depuis 1857. Par ailleurs, sur plus de 130 captages, 27 seraient réellement en activité. « En demandant une autorisation unique par nappe, Nestlé Waters répond aux souhaits exprimés par les services de l’État et les collectivités », déclare Ronan Le Fanic, directeur de Nestlé Waters Vosges.

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Plus de 1,3 milliard de bouteilles ont été produites en 2021 par Nestlé Waters dans les Vosges. © Philippe Bohlinger


La procédure administrative vise également une nouvelle répartition des prélèvements entre les forages et les gîtes A et B. Il ne s’agit pas d’accroître des volumes autorisés, mais d’augmenter les prélèvements réellement effectués ces dix dernières années. Ce projet préoccupe le collectif Eau 88 qui fédère l’UFC Que Choisir et trois associations de protection de l’environnement dont Vosges Nature Environnement. Ses militants craignent qu’une hausse des prélèvements dans les deux nappes en question, ne fragilisent la ressource en eau potable dans un contexte global de réchauffement climatique.

Ce scénario s’est déjà produit sur la troisième nappe exploitée plus en profondeur par Nestlé Waters pour les eaux destinées à l’export, le gîte C. Depuis une vingtaine d’années, la nature ne compense plus les pompages dans cette nappe dite « des grès du trias inférieur » (GTI), située 150 mètres sous terre. Elle est utilisée pour l’embouteillage d’eaux minérales, mais aussi pour les thermes de Vittel, la production de la fromagerie Ermitage (650 salariés) et les besoins en eau potable de la ville de Vittel et de plusieurs syndicats intercommunaux.

 

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Ces derniers mois, Nestlé Waters a annoncé réduire drastiquement ses prélèvements dans ce gîte C, passant d’un million de m3 à 200.000 d’ici 2023. Il faut dire que la société vient d’arrêter de commercialiser en Allemagne et en Autriche sa marque « Vittel Bonne Source » en provenance de cette nappe surexploitée, son principal distributeur Lidl les ayant retiré de ses enseignes outre-Rhin des suites de leur boycott par les consommateurs. Pour favoriser le retour à l’équilibre de cette nappe profonde, la multinationale suisse s’est parallèlement engagée à rétrocéder des forages dans les autres nappes à la commune de Vittel.


Impact social de la baisse des prélèvements

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Bernard Schmitt du collectif Eau 88 regrette l’absence d’approche globale à l’échelle des trois réservoirs d’eau. © Philippe Bohlinger


Si le Collectif Eau 88 se satisfait de ces décisions de Nestlé Waters, son porte-parole Bernard Schmitt regrette l’absence d’approche globale, à l’échelle des trois réservoirs d’eau. Une problématique également pointée du doigt par la Mission régionale d’autorité environnementale du Grand Est.

Pour Bernard Schmitt, « il n’est pas raisonnable de valider les prélèvements de Nestlé Water dans les gîtes A et B en amont de ce qui sera décidé dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux Sage GTI en cours d’élaboration. Nous regrettons qu’une fois de plus, la priorité soit accordée aux industriels. Par ailleurs, si nous disposons de données sur le gîte C, nous ne connaissions pas le modèle de fonctionnement des deux autres en relation avec les ruisseaux ». Dans ce contexte, le collectif Eau 88 déplore que l’observatoire indépendant préconisé par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse tarde à voir le jour.

 

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L’enquête publique ne vise pas à déplacer le problème d’une nappe à l’autre, se défend Nestlé Waters qui s’engage sur « un volume de prélèvement constant par rapport à la situation antérieure », précise un porte-parole du groupe. Yannick Duffner, délégué syndical CFDT, appréhende pour sa part l’impact social des réductions de prélèvement d’eau.

« L’arrêt de la commercialisation de Vittel Bonne Source en Allemagne et en Autriche représente une perte de 200 millions de cols soit environ 15% de la production annuelle. Nous nous attendons à l’annonce prochaine d’un plan de départs volontaires qui pourrait concerner 150 emplois directs ». Le dynamisme du territoire pourrait en être affecté alors que Vittel a récemment vu fermer l'un des deux domaines du Club Med.

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