La Fédération régionale des travaux publics de Bourgogne-Franche-Comté a tenu son assemblée générale annuelle le 28 juin à la Saline Royale d’Arc et Senans (Doubs). L’occasion de faire le point sur l‘actualité du secteur qui, en Bourgogne-Franche-Comté, compte 1.200 entreprises, emploie 12.000 salariés et réalise un chiffre d’affaires d’environ 1,5 milliard d’€. Interview de Vincent Martin, président de la Fédération régionale des travaux publics de Bourgogne-Franche-Comté.

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Vincent Martin, président de la Fédération régionale des travaux publics de Bourgogne-Franche-Comté.

• Qu’a décidé l’assemblée générale concernant le projet gouvernemental de relever le prix du gazole non routier, ce carburant coloré en rouge réservé aux engins de chantier non immatriculés, aujourd’hui vendu 70 centimes hors taxes le litre et dont le niveau des taxes va relever le prix d’un tiers ?

Début septembre, nous envisageons de mener des actions sur le terrain pour sensibiliser l’opinion publique comme nous l’avions fait l’automne 2018 sur la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA), en Saône-et-Loire, et sur la rocade de Besançon. Des opérations escargots, mais pas de blocage pour ne pas pénaliser les gens qui vont travailler. 
Pour l’instant, nous n’avons pas de retour du gouvernement sur le calendrier et les négociations continuent au niveau de notre fédération nationale.
La profession au niveau national propose un étalement du relèvement des taxes sur plusieurs années, solution à laquelle je suis opposé en tant que président de la Fédération régionale des travaux publics de Bourgogne-Franche-Comté. Si elle doit avoir lieu, la hausse doit se faire en une seule fois car il sera plus clair pour les maîtres d’ouvrage de comprendre la répercussion de ce surcoût  sur le prix des chantiers.
La refiscalisation du gazole non routier qui concerne les engins de chantier et uniquement ceux-ci, aura un impact sur la santé financière des entreprises, et donc leur capacité d’investissement et d’embauche. Les entreprises sont doublement pénalisées puisque le gouvernement veut aussi supprimer la réduction forfaitaire de 10%, cette fois pour le B (bâtiment) et les TP (travaux publics). Il s’agit d’un abattement sur les indemnités versées aux ouvriers en remboursement de leurs frais professionnels [ panier repas et déplacements sur les chantiers, ndlr ].
En supprimant l’avantage fiscal sur le gazole non routier, le gouvernement veut récupérer 700 et 800 millions d’€ ce qui représente autant de coûts directs supplémentaires pour les entreprises. Avec la suppression de la déduction forfaitaire spécifique, les charges sociales calculées sur le salaire brut augmenteront, donc le salaire net diminuera. Cette mesure génèrerait environ 600 millions d’€ de coûts supplémentaires au plan national. Ainsi, c’est le BTP qui va financer près de la moitié du cadeau fiscal de 5 milliards d’€ concernant les impôts sur le revenu des particuliers.

 

 

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• La clause d’indexation des prix, dispositif législatif pour les marchés publics, ne va t-elle pas aider les entreprises à franchir cet obstacle ?


La clause d’indexation des prix qui consiste à répercuter sur la facture, les surcoûts pouvant advenir entre la signature d'un marché et la réalisation du chantier, n’est valable que pour les marchés publics. Ce qui n’est pas forcément satisfaisant car les collectivités locales qui représentant 80% des clients des travaux publics, ont déjà du mal à financer leurs budgets d’investissements. Quant aux marchés privés, d’entreprises ou de particuliers, il est difficile de leur répercuter une hausse de 3 à 5%.


• N’existe t-il pas une alternative au carburant pour les engins des travaux publics ?

Pas encore, les constructeurs en sont au stade de la recherche pour d’autres types de motorisation, notamment le gaz.

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Le gazole non routier détaxé est utilisé par les engins de travaux publics sur les chantiers. Ici opération de terrassement du centre d'enfouissement des déchets ménagers de Granges (Saône-et-Loire) © Rougeot TP.


• La profession connaît aujourd’hui une pénurie de bitume, comment cela peut-il se produire aujourd'hui ?

Il y a déjà eu pénurie de bitume l’an dernier, et en ce début d’été, elle est à nouveau bien réelle en Bourgogne-Franche-Comté. Les entreprises ont des difficultés à s’approvisionner auprès des raffineries qui, faute de capacités de production suffisantes, privilégient le carburant pour les véhicules particuliers au moment des départs en vacances. Conséquence, les entreprises de travaux publics doivent lisser leurs chantiers, ce qui n’est ni satisfaisant pour les maîtres d’ouvrage ni pour les entrepreneurs qui doivent réorganiser leur calendrier.


• Les travaux publics se portent bien, c’est sans doute la raison pour laquelle le gouvernement veut s’appuyer sur cette profession pour trouver des sources d’économie, non ?

L’activité des travaux publics a effectivement augmenté en 2018, et significativement en Bourgogne-Franche-Comté avec + 3% par rapport à l’année précédente. Les prévisions 2019, sur la base des carnets de commandes du premier semestre, sont à la stabilité. Ce sera sans doute moins vrai en 2020, année des élections municipales où traditionnellement, les projets restent en suspens le temps aux nouveaux élus de s’installer. Mais ce n’est pas une raison pour ponctionner une profession qui embauche et va fortement le faire ses 5 prochaines années : 2.000 personnes en Bourgogne-Franche-Comté pour remplacer les départs à la retraite.

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• Comment préparez-vous ce plan de recrutement massif ? 


La profession s’appuie sur l’apprentissage et il faut souligner que les entrepreneurs de Bourgogne-Franche-Comté jouent le jeu. Nos deux CFA accueillent en ce moment 350 apprentis qui, selon leur niveau d’études, seront sur le marché du travail dans un an ou deux. L’apprentissage reste une belle source de recrutement, c’est la raison pour laquelle les deux CFA viennent de fusionner : le CFA sans murs de Bourgogne – une spécificité régionale qui s’appuie sur les outils de formation de lycées professionnels, La Barotte en Côte-d’Or en particulier – et le CFA avec murs de Franche-Comté qu’est l’Écopôle de Besançon, siège du nouveau CFA des TP Bourgogne-Franche-Comté.
Les travaux publics explorent d’autres voies pour recruter des conducteurs d’engins et des ouvriers qualifiés dans plusieurs spécialités (route, canalisations, réseaux secs notamment pour la fibre optique). Elle se tient prête à reconvertir des professionnels de l’industrie grâce à son outil de formation continue Forma TP.

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La plateforme de travaux pratiques à l'Écopôle de Besançon, devenu siège des CFA des travaux publics de Bourgogne-Franche-Comté.
© Traces Écrites.

Lire aussi sur Traces Ecrites News, le début du mouvement contre la taxation du gazole non routier fin 2018.

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