Jardin des randonneurs et en cette saison, des skieurs, le Ballon d’Alsace côté Trouée de Belfort, foisonne de bonnes adresses de cuisiniers, hébergeurs, entrepreneurs. Un petit tour d’horizon.
De nouvelles chutes de neige sont attendues ce vendredi au Ballon d’Alsace où le sommet culminant à 1.247 mètres est déjà recouvert d’une cinquantaine de centimètres. Le domaine alpin, de 14 pistes, est partiellement ouvert depuis le 8 décembre. Le domaine nordique peut aussi s’emprunter sur la moitié de son parcours de 22 km. Les remontées mécaniques fonctionnent, avec pass sanitaire et masque dans les files d’attente.
Station de ski familiale en hiver, située dans le sud du massif des Vosges, et le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, le Ballon d’Alsace est à la belle saison un lieu de randonnée couru des marcheurs aguerris comme des promeneurs dominicaux. Le tour du Ballon, 9,5 km qui empruntent en partie le sentier de grande transhumance GR5, qualifié de « difficile » à cause de nombreux dénivelés, s’effectue en 3h30. Plus accessible, le tour du sommet et plusieurs autres boucles offrent de superbes panoramas jusqu’au Mont-Blanc lorsque le temps est clair.

Le parking des Démineurs, au col, près de la Maison du tourisme, est le point de départ le plus fréquenté des randonneurs. Un nom bien curieux qui se rapporte à une page d’histoire récente, la fin de la dernière guerre mondiale. La statue « L'Homme projeté » édifiée en 1952 rend hommage aux quelques 600 hommes, volontaires Français et prisonniers Allemands, tués ou estropiés en détectant les milliers de mines que les Allemands avaient placées sur l’ensemble du site du Ballon avant de refranchir la frontière.
Gilbert Schmitt, l’un des quatre guides brevetés d’Etat du Bureau Montagne du Ballon d’Alsace (*) a maintes fois dirigé ses hôtes, individuels ou en groupes, vers cette statue avant de les accompagner, hiver comme été, hors des sentiers battus. Avec un peu de chance, ses passages secrets permettent d’apercevoir le Grand Tétras ou un chamois. Si le beau temps est de la partie, la lecture du panorama mène jusqu’au Mont-Blanc. Dans la plaine, il distingue les trois principales vallées, la Trouée de Belfort où descend la Savoureuse, côté Vosges un aperçu au loin de la source de la Moselle, côté alsacien la vallée de la Doller et de Maseveaux.
Site classé pour ses paysages et son environnement, en route vers le label Grand Site de France, le Ballon d’Alsace révèle la signification de l’intrigant « gouttes » que l’on croise sur les routes environnantes : c’est le nom donné localement aux petits affluents, du ruisselet asséché en été jusqu'au petit torrent permanent.
• Des auberges folkloriques aux tables gastronomiques
Qui ne s’est pas attablé à l’Auberge Fluhr à Sewen sur le versant alsacien du Ballon n’a aucune idée ni du folklore local ni de la cuisine régionale. Tartes flambées, cochonnailles, choucroute bien sûr et à essayer au moins une fois, la carpe frite. Cette spécialité du pays du Sundgau est une institution qui a même son site Internet : la carpe est coupée en petits morceaux ou en filets et cuite dans une friture. Le fin du fin est de s’attabler le jour où un groupe folklorique alsacien anime la salle…
La carpe frite figure aussi au menu du restaurant « Sur le Green » du golf de Rougemont, entre Belfort et Mulhouse, qui entreprend bientôt un gros travail de réfection de son parcours.

A tout l’autre bout de l’échelle culinaire, et côté belfortain, L’Atelier gourmand à Grosmagny fait de la cuisine « bistronomique » presque à la demande. Yves-Laurent Hervé se limite à une quinzaine de couverts par service car il est partout à la fois : aux fourneaux, au service, à l’accueil. Seule sa belle-mère et parfois sa fille lui donnent un coup de main à la plonge.
Cet ancien chef pâtissier est hyper organisé pour préparer une cuisine inspirée au jour le jour des produits disponibles chez des producteurs locaux. Le résultat est bluffant, pour les yeux avec ses décors de fleurs et de plantes, et le palais. Yves-Laurent Hervé fait partie de la toute jeune association, « Les Toqués du Territoire » qui regroupe une quinzaine de chefs qui font le pari d’une cuisine à base de produits locaux.
• Des refuges avec l’eau omniprésente

A Lepuix, sur le versant belfortain du Ballon d’Alsace niche l’Hostellerie du Saut de la Truite. Ici, la Savoureuse n’est encore qu’une « goutte » ; elle prend sa source 60 mètres sous le Ballon d'Alsace, avant d'arroser le petit parc et alimenter le vivier de truites, spécialité du restaurant. Olivier Le, une trentaine d’années, a repris en 2018 cet établissement historiquement dédié à la villégiature.
L’hôtel trois étoiles avec sauna, hammam et bains nordiques accueille volontiers les randonneurs qui n’ont qu’une centaine de mètres à faire pour trouver un sentier balisé. Pas de télévision dans les chambres, Olivier Le veut que ses clients passent « un moment hors du temps. »

A Rougegoutte (Territoire de Belfort), le bien nommé Jardin des Gouttes, a ouvert il y a deux ans. Thierry Luttringer, bricoleur habile, n’a pas ménagé sa peine pour aménager trois chambres d’hôtes dans une belle bâtisse du 19ème siècle arrosée par la Rougegoutte qui donne son nom à l’une des chambres – une autre est baptisée la Rosemontoise qui coule dans le village.
Cet alsacien qui a parcouru l’Europe dans sa vie professionnelle offre là un havre de paix aux randonneurs. Son épouse Ghislaine, infirmière, trouve le temps de cultiver un jardin qui approvisionne la table d’hôtes en période hors Covid. Relais équin, il n’est pas rare de rencontrer un âne bâté de la ferme équestre de la Forge à Étueffont, à une dizaine de km. (photo ci-dessous)

• Api-Douceur : une reconversion comme retour à la nature

Patrick Gibault et Flavien Durand, la trentaine, ont tourné le dos à leur vie professionnelle d’automaticien pour le premier, et de technicien de l’audiovisuel pour le second pour devenir apiculteurs à Chaux. « Ce qui me plaît dans ce métier, c’est la relation avec l’environnement, tout ce qui contribue à la réussite d’un miel, les plantes et les fleurs, l’entretien des essaims d’abeilles », raconte t-il.
Selon les saisons, les deux associés d’Api-Douceur transportent leurs quelques 200 ruches en transhumance du côté de Saverne, pour récolter du miel de châtaigner, de Morteau pour le sapin, de Pontarlier pour le pissenlit. Qui l’eut cru, ils font même du miel de renouée du Japon, cette plante envahissante de nos campagnes : « il a un goût de bergamote » précise Patrick Gibault.
Cette année, la route n’a pas été bonne, mauvais temps, trop pluvieux. Heureusement, ses 8 tonnes annuelles habituelles assurent un stock récurrent, ce qui permet à sa petite entreprise de continuer malgré tout à remplir les rayons de sa boutique de Chaux et de commerçants indépendants à Belfort et dans le Pays de Montbéliard. Original, depuis deux ans, un distributeur à l’entrée de la grande prairie où hibernent les essaims, vend miels, produits locaux et légumes de maraîchers des environs.
• Succès aidant, la Brasserie Hop cherche à s'agrandir

Baptiste Lesou, la trentaine, avait très envie d’acheter un bar pour y organiser des parties de console « vintage » (rétro gaming, disent les spécialistes) et des concerts. Il l’a trouvé en 2019 à Giromagny et l’a baptisé Le QG. Concomitamment, il découvre comment fabriquer de la bière artisanale. Il est conquis et se lance dans une petite production qu’il sert et vend désormais dans son bar.
Au rythme d’un brassin hebdomadaire, « Hop » (houblon en anglais) se décline en quatre variétés, une « vraie blanche trouble » , une blonde, une IPA, une ambrée et, pour cet hiver, une bière de Noël « aux malts torréfiés et aux arômes d’épices ». Succès aidant, Baptiste Lesou cherche maintenant un local plus grand que le premier étage de son bar, pour produire de plus gros volumes.


Thierry Beaume, dont la pisciculture implantée sur 50 hectares à Chaux porte son nom, n’a guère de temps à consacrer. Tout juste apprend-on que cet homme de 50 ans a hérité de son père la passion pour cette activité et que son poisson favori se nomme la carpe. D’ailleurs, ce téléostéen de la famille des cyprinidés se vend ici par tonnes, l’un des plats favoris du Territoire de Belfort comme d’Alsace étant la friture de carpe.
Mais il n’est pas seul à évoluer dans les 10 bassins extérieurs et les 19 intérieurs. Car on y trouve aussi du gardon, de la tanche, des truites, du brochet, du sandre et du black-bass. Le site approvisionne les restaurants, les sociétés de pêche et alimente une colonie de cormorans très voraces. Mais on peut aussi acheter sur place dans la poissonnerie maison qui représente un tiers du chiffre d’affaires. D.H.
(*) Programme de la saison 2021/2022 des guides du Bureau Montagne du Ballon d’Alsace : http://www.bmba.fr/ProgrammeBMBA.pdf