Le département du Jura a récemment désigné un nouveau concessionnaire de l’aéroport Dole - Jura, le groupe Edeis, tandis que le conflit avec la Région Bourgogne-Franche-Comté persiste au niveau du financement de l’infrastructure. Les présidents des deux collectivités se rencontreront le 12 mars prochain.


L’aéroport de Dole - Jura joue toujours les pommes de discorde entre le Conseil départemental du Jura, qui assure quasiment seul son financement, et le Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté, qui n’est pas pressé d’en prendre les commandes. Mardi 11 février, alors qu’il recevait le nouveau concessionnaire, le groupe Edeis, le président du département l’a fait savoir avec la gouaille qu’on lui connaît.  « Je suis sous le balcon, avec ma guitare, je suis Roméo, et je chante encore », a lancé Clément Pernot en direction de Michel Neugnot, le vice-président du conseil régional, en charge des transports, présent dans l’assistance, ne suscitant, en retour, qu’un léger frémissement de moustache chez l’élu régional socialiste.


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« J’observe que la nouvelle délégation de service public confiée à Edeis se termine en même temps que celle de l’aéroport Dijon - Longvic, dont le groupe est également concessionnaire. On pourra envisager une convergence dans le temps, et en y travaillant », a-t-il répondu. Le président du Conseil départemental du Jura et la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté se rencontreront le 12 mars prochain, pour une réunion au sommet consacrée à l’aéroport jurassien, qui ne se profile pas comme décisive.
À vrai dire, rien de très nouveau, la situation n’a guère évolué depuis 2007, date à laquelle l’État a cédé la gestion des aéroports régionaux aux acteurs locaux, dont celui de Dole au département du Jura, la Région ayant décliné l’invitation. Depuis, le département soutient l’aéroport à bout de bras, et a injecté 23 millions d’€ pour son fonctionnement et son développement, « le prix de deux collèges complets », a martelé Clément Pernot. 

Sur la période, la vocation de l’infrastructure change. En 2012, la collectivité fait le choix de développer le « low cost », avec l’arrivée de Ryanair qui opère plusieurs lignes régulières commerciales vers Porto, Nice et Tunis. Aujourd’hui, il dessert régulièrement Porto (42 % du trafic passager), Marrakech (32 %) et Fez (16 %), avec également des vols, en hiver, vers Londres, et, en été, vers Bastia. Le trafic passager explose, et avec lui les coûts pour le Jura. En 2015, année record, ce sont 137.181 passagers commerciaux qui embarquent à Dole, dont 121.528 sur un vol low cost. La fréquentation baisse l’année suivante, et se stabilise, depuis, autour de 110.000 passagers par an (111.161 en 2019).

 L'accompagnement commercial à Ryanair

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Clément Pernot, président du Conseil départemental du Jura, propriétaire de l'aéroport de Dole à Michel Neugnot, vice-président du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (au premier plan): « Le département soutient l’aéroport à bout de bras, 23 millions d’€ pour son fonctionnement et son développement, le prix de deux collèges complets. » © Arnaud Morel

 Le département a appuyé sur le frein, car avec le nombre de passagers, c’est aussi le coût pour la collectivité qui s’envole. Celle-ci aide, à hauteur de 1 million d’€ par an, le fonctionnement de l’équipement mais distribue aussi un « accompagnement commercial » à Ryanair qui évolue avec le nombre de passagers et grimpe, entre 2013 et 2015, à 1,9 million d’€ annuels.  Avec une activité stabilisée à 110.000 voyageurs, le montant redescend, les années suivantes, à 1,5 million et 1,44 million en 2019. La légalité d’une telle aide demeure douteuse, mais les apparences sont sauves : il ne s’agit pas d’une aide directe à Ryanair mais d’une aide « commerciale » pour la promotion des lignes.
Dans le contexte de défiance environnementale envers l’aviation commerciale, cette problématique du financement versé à la compagnie low cost explique largement les réticences régionales, au moins autant que le poids de la composante verte de la majorité de Marie-Guite Dufay, la présidente de la Région. Pourtant l’aéroport Dole - Jura profite à l’évidence au-delà de son seul département d’implantation.

 

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En 2018, les Jurassiens ne représentaient que 13 % des usagers, contre 30 % de Côte-d’Oriens et 19 % de Doubiens. « Si on affiche la prétention de créer l’unité sur la région Bourgogne-Franche-Comté, on ne peut pas accepter qu’un tel aéroport soit seul avec un département. Il y a là quelque chose de profondément immoral », estime le président jurassien, qui prévient : « arrêter l’aéroport de Dole - Jura coûterait cher, mais je crois que la pire des choses serait encore de laisser pourrir la situation jusqu’à la fin de la délégation de service public à Edeis, en 2027 ». C’est pourtant bien le scénario le plus plausible à ce stade.

Coup de peinture et parking payant : le projet a minima d’Edeis

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Selon Franck Goldnadel, le directeur général de Edeis, le parking devient payant car « nous investissons 873.000 € dans la rénovation de l'aéroport, sans aide publique. » © Arnaud Morel
Le nouveau gestionnaire de l’aéroport Dole - Jura n’est pas un inconnu. Filiale du groupe Edeis, Edeis Concessions gère déjà 19 aéroports en région – dans l’Est, Auxerre, Dijon, Chalon-sur-Saône, Troyes et tout récemment Reims –,  ainsi que le port de Saint-Malo. Ses activités en la matière proviennent en grande part du rachat, fin 2016, des activités françaises du groupe canadien SNC-Lavalin. Le groupe réalise 140 millions d’€ de chiffre d’affaires et emploie 988 personnes. Il maintiendra les 22 emplois de l’aéroport de Dole, et assurera la gestion jusqu’en 2027.  Avec un mot d’ordre : une gestion « au fil de l’eau », pour un projet de développement a minima.
Aucune nouvelle ligne n’est envisagée à ce stade, et les investissements dans l’infrastructure demeureront limités. 316.000 € iront à l’agrandissement de la zone d’enregistrement des passagers, ainsi qu’à la rénovation de l’aérogare, et 557.000 € seront dépensés pour « sécuriser » le parking du site. Celui-ci deviendra payant, ce qui ne devrait pas plaire aux voyageurs. C’est un mal nécessaire, selon l’opérateur : « Nous investissons 873.000 € dans l’aéroport, sans aide publique, que nous cherchons globalement à réduire avec le président Pernot. Nous avons déjà rendu le parking payant dans d’autres aéroports, et ça a marché économiquement. Nous rendons un service, il est normal qu’il soit payant », observe Franck Goldnadel, le directeur général de Edeis.
2 commentaire(s) pour cet article
  1. Xavierdit :

    Je partage pleinement les observations de Jean Dupont. Construire un aéroport International mérite un soutien de longue haleine, très longue haleine, compter en dizaine d'années n'est pas utopique. Défendre deux aéroports distants de moins d'un quart d'heure de vol depuis des lustres a été une hérésie et se conclura par un échec. Bourgogne-Franche-Comté est une des régions géographiquement les plus étendues de France, comment peut-on concevoir l'absence totale d'aéroport International dans la Région? Concentrer les efforts sur Dole Tavaux semble aujourd'hui serait une preuve de raison et dynamisme. Dijon n'est qu'à une demi-heure de Tavaux...en voiture...parole de dijonnais Besançon est aussi à une demi heure de Tavaux. Lons-leSaunier est aussi à une demi-heure de Tavaux.

  2. Jean Michel Marie Thévenindit :

    Deux aéroports à 50 kilomètres l'un de l'autre, ridicule !. La région Bourgogne Franche-Comté est désormais reconnue avec le nouveau découpage des régions françaises. Pourquoi ne pas investir la totalité des crédits liés a l'aviation civile sur le même aéroport ? L'aéroport de Dole Tavaux est idéalement placé au niveau environnemental. Pas ou peu de nuisances pour les populations contrairement à Dijon Longvic. Facile d'accès, il est utilisé par les voyageurs du Doubs, de Haute-Saône, de Côte d'Or de Saône et Loire du Jura bien évidement, cet aérodrome est maintenant rénové depuis plusieurs années. La piste sécurisée est appréciée par les pilotes. Je pense que ce lieu désenclave Jura Nord, et représente la France de l'est au Portugal en particulier. A l'heure ou nous devons faire des économies, Messieurs les Elus soyez raisonnables. Un citoyen qui aime sa région Bourgogne Franche-Comté.

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