Entreprise danoise à l’origine d’un procédé inédit de séparation et de valorisation des différents composants des gazons synthétiques, Re-Match a posé, le 29 juin au sud de Strasbourg, la première de son usine française, sa troisième et sa plus moderne, assure sa direction. La création de 38 emplois est à la clé de l’investissement de 20 millions d’€.
Re-Match concrétise son implantation en Alsace. Cette entreprise danoise qui s’est spécialisée dans le recyclage de gazons synthétiques a posé, jeudi dernier 29 juin, la première pierre de son usine d’Erstein (Bas-Rhin). « Ce sera notre plus moderne, le modèle pour nos projets suivants », a souligné Nikolaj Magne Larsen, dirigeant cofondateur de la société.
Son nouvel établissement emploiera 38 salariés l’an prochain, lorsque le site atteindra sa capacité visée de recyclage de 60.000 tonnes, « soit l’équivalent de 250 terrains de football chaque année », calcule Eric Levresse, le président de Re-Match France. Sa mise en service débutera en mars 2024, suite à l’arrivée des machines à l’automne prochain. Elle aura mobilisé un investissement de 20 millions d’€, dont la moitié (*) pour la construction des 8.000 m2 confié au contractant général régional LCR (Les Constructeurs Réunis).
Dévoilée au début de l’année dernière, l’implantation à Erstein reproduira le process breveté de Re-Match, mécanique et non chimique, qui aboutit par déchiquetage à la séparation puis à la revalorisation quasi-totale (à 95 % selon l'entreprise) des trois composants principaux d’un gazon synthétique.
Le sable majoritaire (60 %) pourra être redirigé vers la filière du BTP ou les sous-couches de nouveaux terrains de sport, les granulés de caoutchouc ont vocation à entrer dans la composition de mobiliers urbains, de tapis sportifs et de pièces automobiles. Les fibres synthétiques elles-mêmes, qui ne représentent que 5 % du total, sont les plus les plus complexes à traiter. Elles repartent dans la fabrication de mobiliers de jardins, mais Re-Match travaille – au moyen d’un programme de recherche « Yarn to yarn » subventionné à hauteur de 2,5 millions d’€ par l'Union européenne - à en refaire des fibres de terrains synthétiques, « pour boucler le principe de l’économie circulaire », appuient ses dirigeants.
Au cœur d’un marché européen transfrontalier

Cette technique doit s’appliquer à un marché transfrontalier. « Les volumes à traiter nous parviendront de toute la France, d’Allemagne, de Suisse, d’Autriche, du nord de l’Italie et du Luxembourg », expose Eric Levresse. Ce cercle atteint ainsi le rayon « maximal de 800 à 1.000 km » que Re-Match se fixe pour la collecte de la matière, surtout opérée auprès des collectivités locales et des clubs. Au-delà de cette distance, le concept perd son sens, à la fois économique (à cause du coût du transport) et écologique (du fait des émissions de C02 liées à l’acheminement).
La dimension environnementale se situe en effet au cœur du projet d’entreprise Re-Match : recycler des produits qui « économisent de l’entretien et de l’eau » en comparaison d’une pelouse naturelle, « permettant de se dispenser des phytosanitaires », mais qui « aujourd’hui, partent en incinération ou en enfouissement en décharge, pour ne parler que des filières légales… », glisse le dirigeant français de Re-Match allusion à des dépôts sauvages ou à l’envoi des pays peu regardants sur la destinée finale des déchets.
« Le problème principal du secteur d’activité, c’est l’envoi en enfouissement », a confirmé lors de la cérémonie de première pierre Jean-Luc Heimburger, le président de la CCI Alsace Eurométropole, mais surtout en l’occurrence le dirigeant de l’une des entreprises leader régionale de la pose de terrains de sport. Sauf que les solutions moins vertueuses sont aujourd’hui moins chères. Eric Levresse a cependant confirmé, jeudi, que le process de l’entreprise danoise parvient à un coût de 200 € la tonne qui le rapproche de celui des filières d'élimination classiques, et rend ainsi « notre offre compétitive. »
Erstein fait entrer Re-Match dans le cœur du marché européen. Cette usine suit la création de celles du Danemark en 2016 puis aux Pays-Bas, de taille et d’effectifs comparables. « L’importante demande enregistrée à la création de la première unité dans notre pays nous a poussés à adopter une stratégie de construction d’un maximum d’autres usines, le plus rapidement possible », souligne Nikolaj Magne Larsen.
La suite de l’opération de conquête du monde se déroulera de l’autre côté de l’Atlantique entre les prochains mois et 2024 : en Pennsylvanie d’abord, puis sur la cote ouest des Etats-Unis. La société danoise rapporte la prévision d’une multiplication par près de quatre du nombre de terrains synthétiques à remplacer dans le monde en dix ans, soit 52.000 en 2030 contre 14.000 en 2020.
La gestation du dossier Re-Match a été particulièrement longue, puisque la rencontre entre Eric Levresse, venu notamment de l’industrie automobile, les investisseurs privés qu’il a réunis et l’entreprise danoise inventeuse du procédé remonte à 2019. Entretemps certes, le Covid est passé par là, mais il a fallu surtout du temps pour trouver le terrain. La rareté du foncier pour l’activité économique a amené Re-Match à arpenter « tous les coins et recoins d’Alsace », sous la conduite de l’Adira, l’agence de développement économique régionale qui n’a pas ménagé sa peine pour ouvrir les portes des zones potentielles. La prospection s’est étendue au Territoire de Belfort…ce qui a décuplé les velléités alsaciennes et grand-estiennes à conserver le dossier. Les recherches ont finalement été fructueuses au Parc d’activités du Pays d’Erstein, développé par la communauté de communes du même nom. Le terrain retenu de 4,2 hectares « est l’un des plus grands de la zone », souligne Stéphane Schaal, président de l’intercommunalité. Repéré dès janvier 2021, il a abouti en avril dernier à la signature de l’acte de vente. Il avait été présélectionné un temps par Huawei, avant que le géant chinois de l’équipement télécom porte son choix sur la zone de Brumath (Bas-Rhin) pour un démarrage de la construction de son usine européenne qu’il promet avant la fin de l’année et une mise en service en 2025.
(*) aides de l’Union européenne via le fonds Feder, de la région Grand Est et de l’Ademe