Le concepteur de l’auto-injecteur de médicaments sans aiguille démarre un plan d’investissement de 7,5 millions d’€ pour mettre son outil industriel d’Arc-lès-Gray (Haute-Saône) en situation de production en série. Encouragé par une aide du plan de relance et une levée de fonds réussie, Crossject espère déposer en 2022 une demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) de ses deux médicaments les plus avancés, contre les crises d’épilepsie et les chocs allergiques.


ARTICLE PUBLIÉ LE 10 MARS 2021. Le plan de relance gouvernemental donne un coup de pouce à Crossject pour préparer son outil industriel à la demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) de ses deux médicaments les plus avancés, ZENEO® Midazolam pour soigner les crises d’épilepsie et ZENEO® Adrénaline pour les chocs allergiques. L’inventeur de « la seringue sans aiguille » – un injecteur auto-administré qui propulse en moins d’un dixième de seconde la solution médicamenteuse à travers la peau – s’est vu officialiser le 19 février une subvention de 1,5 million d’€ par Bruno Le Maire lui-même, venu visiter l’unité de production d’Arc-les-Gray (Haute-Saône).
Une somme dérisoire eu égard aux besoins de trésorerie de l’entreprise pour accéder au « graal » de l’Autorisation de Mise sur le Marché, mais cependant déterminante selon son PDG, Patrick Alexandre, car « c’est une marque de confiance qui nous fait gagner en crédibilité. »

 

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Depuis 2019, Crossject fabrique son auto-injecteur en mode de pré-séries. L’objet est formé de deux sous-ensembles : un tube en verre silicone  (qui contient le médicament) supportant jusqu’à 1.200 bars de pression avec une buse d’injection en polycarbonate dotée d’orifices de l'ordre d'un dixième de millimètre, et un générateur de gaz et son actionneur (qui permet l’administration du médicament). Trois ateliers sont situés à Arc-les-Gray, pour le traitement thermique des tubes et l’assemblage du générateur de gaz et de l’actionneur.

Un quatrième à Dijon conditionne les tubes prêts à être remplis de la solution médicamenteuse mise au point par le centre de R&D (50 salariés). Le remplissage est sous-traité à un façonnier pharmaceutique, le belge Cenexi. Environ 150.000 auto-injecteurs ont été produits en 2020, sans pour autant avoir été commercialisés. Là se situe une contrainte du lancement d’un médicament. « Pour déposer une demande d’autorisation, il faut produire un certain nombre de lots au rythme commercial, les faire analyser et vérifier la stabilité du produit dans le temps », explique Patrick Alexandre.



En ordre de marche pour une production en série

 

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Montage de la buse d'injection qui déclenche l'administration du médicament par des orifices d'un dixième de millimètre.

 

C’est cette étape préparatoire à l’autorisation mise sur le marché  que le dirigeant va peaufiner cette année, moyennant un investissement de 7,5 millions d’€ permis par une levée de fonds de 12 millions d’€ en fin d’année dernière auprès d’investisseurs européens, parmi lesquels son principal actionnaire historique Gemmes Venture, sous la forme d'obligations convertibles et d’un emprunt obligataire. 
Pour « sécuriser » son outil industriel et le mettre en ordre de marche dans une configuration de production en série, certains équipements seront dupliqués. Entre autres, une machine de trempe thermique du verre assurant sa résistance mécanique sans dénaturer le contenu, et un outil de remplissage de la charge pyrotechnique – une infime quantité de poudre d’un demi milligramme qui déclenche le générateur de gaz.

« L’organisation de la production doit être flexible pour produire sans interruption qu’elle que soit le volume de commandes et en s’affranchissant d’incidents techniques, c’est pourquoi il faut avoir plusieurs équipements identiques en ordre de marche », explique Patrick Alexandre. La première étape de cette montée en puissance a été le passage en 3 X 8 des ateliers en août 2020. La suivante est l’augmentation de la capacité de production en terme de volume jusqu’à 6 millions d’injecteurs par an. Pour trouver de la place pour les lignes supplémentaires, l’unité de production de Gray est agrandie : les travaux démarrent cet été pour être opérationnelle en début d’année prochaine.

Dans un second temps, non encore fixé sur le calendrier, une nouvelle usine sera construite sur un terrain adjacent de 30.000 m2. Elle sera dimensionnée pour accueillir jusqu’à 8 lignes de production du générateur de gaz et 11 lignes pour l’actionneur. Elle emploierait alors 200 personnes. Les opérateurs de production sont aujourd’hui une trentaine, auxquels s’ajouteront 10 à 20 embauches cette année,  « des personnes recrutées sur aptitude et formées en interne. »

 

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L’apport d’une preuve industrielle que l’entreprise maîtrise toutes les étapes dans un cycle de production complet devrait d’abord profiter aux deux médicaments les plus avancés, contre les crises d’épilepsie et les chocs allergiques. Crossject a signé en 2019 un premier accord de distribution avec Desitin Pharma (chiffre d’affaires de 100 millions d’€). Le leader allemand du traitement de l’épilepsie qui commercialise des solutions pour les hôpitaux a acheté une licence exclusive d’une durée de 10 ans pour 2,5 millions d’€.
Ce premier succès commercial est le modèle économique que le laboratoire pharmaceutique dijonnais qui possède les droits de développement de la molécule active et de sa commercialisation à l’échelle mondiale, a choisi. Il se rémunère sur une prime en amont de la commercialisation puis une redevance sur les volumes distribués.


Aux Etats-Unis où Crossject a installé une filiale commerciale, un grand espoir est placé dans l’intérêt porté par le département américain de la Défense qui finance 19 tests du ZENEO® Midazolam® pour secourir les victimes d’attaques avec un agent neurotoxique. Patrick Alexandre se félicite aussi de l’attention de la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority), une branche du Ministère de la Santé américain, qui s’apprête à lancer un appel d’offre pour la protection de la population civile contre le risque chimique.

 

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Ligne d'assemblage de l'auto-injecteur ZINEO®.


Crossject développe six autres médicaments, tous pour parer à  des situations d’urgence comme les crises d’asthme ou les overdoses d’opiacés, une niche qui représente tout de même un marché de 10 milliards de dollars dans le monde, dont la moitié aux Etats-Unis.  Cotée sur Euronext Paris depuis 2014, la société qui emploie 80 personnes et génère un chiffre d’affaires balbutiant (de l’ordre de 500.000 €), publiera ses comptes fin mars.

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Privilégier les fournisseurs locaux


zeneoUne vingtaine de composants entrent dans la fabrication de l’injecteur sans aiguille. Dans le même objectif de sécuriser la production, Crossject entreprend de s’entourer de fournisseurs locaux dans un périmètre  « d’un aller-retour dans la journée. ».
C’est ainsi qu’en début d’année, Adhex Technologies à Dijon a pris le relais d’un sous-traitant allemand, pour fabriquer les étiquettes techniques qui assurent la stérilité du contenu de l’injecteur. Son voisin plasturgiste, Plastigray, en Haute-Saône, va remplacer un fournisseur de la région parisienne, pour deux pièces de l’injecteur. Sobria, du groupe ID Casting à Arbois (Jura) est aussi devenu l’un de ses partenaires. La réflexion porte aussi sur la fourniture des poudres.  

 

 Photos fournies par l'entreprise.

 




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