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VŒUX. Le début d'année est le moment où tous sans exception, nous nous prêtons au jeu des bonnes résolutions. L'illustration, dans la sphère économique et institutionnelle, est l'incontournable cérémonie des voeux qui démarre dès ce premier lundi de janvier à Dijon, avec le Medef Côte-d’Or et Bourgogne. 

Pierre-Antoine Kern, son président réunit ce soir 5 janvier à la maison de l’entreprise de Dijon toutes les branches professionnelles régionales qui composent cette organisation patronale.

Elle offre l’occasion d’écouter Julien Leclercq, fondateur du mouvement « Les Déplumés », auteur de l’ouvrage « Chronique d'un salaud de patron » et créateur d'un blog éponyme : http://www.salauddepatron.fr/.

Ce jeune dirigeant de 32 ans ne mâche pas ses mots pour dénoncer l’image désastreuse qu’ont les chefs d’entreprise en France, mais il le fait avec, légèreté, humour, un brin de provoc' et beaucoup de réalisme.

Il a bien voulu donner à la rédaction de Traces Ecrites News, un avant-goût de ce qu’il dira devant ses pairs pour que, espère t-il, cela change enfin...

Verbatim…

 

• Sa boîte

Julien Leclercq dirige depuis 4 ans la société Com’Presse (48 salariés, 4 millions d’€ de chiffre d’affaires), basée à Astaffort (Lot-et-Garonne), Paris et Sète et spécialisée notamment dans la conception et réalisation de suppléments et magazines clés en main, papier ou Web, pour le compte d’éditeurs de presse, dont les Echos. Fondée par sa mère en 1999, l’entreprise a connu des difficultés en 2009, frisant le dépôt de bilan. Pour redresser la barre, les salariés ont accepté une diminution momentanée de leur rémunération d’environ 15%. « Et cela est vraiment une belle histoire », reconnaît-t-il.

 

• Son mouvement

Créé en mai 2014 après ceux des Pigeons et des Poussins, Le mouvement Les déplumés fédère aujourd’hui 1000 adhérents, dont 20% de salariés (5300 followers sur Facebook). Le 7 juillet dernier à l’occasion de la conférence sociale annuelle, il appelle ses membres à se mettre en slip. Pourquoi ? La lettre ouverte adressée au Président de la République l’explique :

« - Moi patron, j’en ai marre de ne pas savoir ce que sera ma boîte dans trois mois,

- Moi patron, je n’en peux plus de constater que le coût du travail ne cesse d’augmenter,

- Moi patron, je ne comprends pas bien que mes salariés me coûtent de plus en plus cher mais gagnent de moins en moins bien leur vie,

- Moi patron, je suis « impatient » de voir défiler mes collaborateurs dans mon bureau à cause de l’imposition sur la mutuelle, dix-huit mois après l’ « heureuse » refiscalisation des heures supp’,

- Moi patron, je trouve insupportable d’entendre que je serais un salaud de ne pas embaucher dans le cas d’une hypothétique baisse des charges alors qu’elle ne compensera sans doute pas la hausse continue que nous vivons depuis deux ans,

- Moi patron, je suis effaré d’entendre encore aujourd’hui que travail = torture,

- Moi patron, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi dans mon beau pays, il est parfois plus rentable de rester chez soi à ne rien faire que d’aller travailler,

- Moi patron, je suis désolé d’avouer ne pas comprendre pas grand chose aux millions de réglementations inapplicables au quotidien que je suis pourtant censé respecter,

- Moi patron, je suis triste de constater que « patron » est devenu un mot péjoratif en France alors qu’il s’agit le plus souvent de personnes qui ont eu le courage de prendre un risque, sur une simple idée, un talent, une intuition… et que ces personnes auraient pu choisir de rester sur leur canapé devant la télé plutôt que de créer de l’emploi,

- Moi patron, j’aimerais préciser que mon compte en banque est séparé de celui de ma boîte et qu’une baisse des charges ne servira pas à agrandir ma piscine,

- Moi patron, j’aimerais comprendre pourquoi il est si difficile d’avoir des rapports normaux avec le RSI ou avec l’URSSAF,

- Moi patron, je rêve parfois que les administrations prennent le temps de la pédagogie et de l’explication avant de nous menacer de tous les maux (et tous les recommandés) de la Terre,

- Moi patron, je suis effondré de voir que depuis deux ans RIEN n’a été fait pour relancer l’emploi en France dans le privé,

- Moi patron, je suis mort de rire (ou pas d’ailleurs) quand j’entends que l’emploi et l’entreprise sont votre priorité depuis que vous êtes à la tête du pays,

Bref, Moi patron, j’affirme qu’il est grand temps de prendre de vraies mesures, efficaces et intelligentes,

Et Vous, Président de la République, qu’en pensez-vous ? ».

Extrait du site : http://lesdeplumes.fr/levenement/

 

jleclercq

 

• Les élites qui nous gouvernent

« Elles sont complètement décalées par rapport au quotidien. Toutes ou presque sortent des mêmes grandes écoles, c’est-à-dire du même moule. Elles se serrent les coudes et entretiennent une sorte de consanguinité, pour préserver leurs privilèges. Il est quand même effarant de constater que seulement 5% des parlementaires qui votent la loi ont eu une expérience en entreprise. Et cela donne un fatras de normes, de textes incompréhensibles et d’une complexité extrême. Deux petits exemples : le crédit d'impôt compétitivité emploi, dit CICE, et le compte pénibilité.

Et si je prends les dirigeants de grands groupes, c’est en grande partie la même chose. Puisque je serai ce soir devant un parterre d’adhérents du Medef, je leur dirai qu’entre le discours de leurs instances nationales et la réalité vécue par les chefs d’entreprise des Medef territoriaux, il y a souvent un véritable hiatus ».

 

• Les Français et l’entreprise

« Nous vivons dans un vieux pays où le poids des cultures, l’héritage de la lutte des classes, les carcans et autres chapelles, ne légitiment pas le succès de l’entrepreneuriat. Un patron qui réussit est suspect de s’enrichir sur le dos de ses collaborateurs, de frauder, parfois pire encore. Mais de notre côté, et pour être crédible, il ne faut pas hésiter à dénoncer des comportements inacceptables. Les 200 familles, c'est fini. Une retraite chapeau, un parachute doré, alors que rien ne le justifie, sont à dénoncer fermement dans nos rangs. Vous savez, les postures de principe du style, ce n'est pas moi, c'est l'autre, ne font rien avancer ». 

 

julienleclercq

 

• Les solutions du changement

« Des recettes toutes simples : bien informer, sortir de son quant à soi, cultiver l’exemplarité, se former en permanence, notamment au management pour les PME et TPE, réinventer un vrai dialogue social fait de sincérité et travailler auprès de la jeunesse. Près des trois quarts des jeunes de moins de 18 ans désirent monter leur entreprise. Notre pays est bourré de talents à faire émerger. Ouvrons ainsi l’entreprise aux collégiens et aux lycéens avec les enseignants. Une tâche toutefois assez ardue, car ces derniers sont encore à des années lumière du monde économique, mais cet engagement à partager ensemble me semble vitale ».

 

Photos fournies par Julien Leclercq.

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