Jean-Pierre Deramecourt, président du directoire de la Caisse d’Epargne de Bourgogne-Franche-Comté, défend bec et ongles l’engagement des banques depuis le confinement lié à la pandémie du Covid-19. A l’avenir, il prône une relance par la demande et milite pour que les acteurs économiques reprennent confiance, notamment les industriels, en investissant dans leurs outils de production. Premier banquier régional des collectivités locales, il espère aussi un lancement rapide des projets publics déjà décidés. Une forme de « new deal » revisité, avec le souhait impérieux de moins de lourdeur étatique ou autre.

 

• Les banques ont-elles vraiment joué le jeu durant ce confinement très pénalisant pour l’activité des entreprises ?

Dès le début, chacune avec leur personnalité a accepté, car c’est leur initiative propre, des reports d’échéance de prêts de toute nature. En ce qui concerne la Caisse d’Épargne que je dirige, nous l’avons fait à hauteur de 60% des engagements consentis pour une durée de six mois, capital comme intérêts compris, sauf avis contraire des entreprises concernées.

 

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•  Le Prêt garanti par l’Etat (PGE) est-il un remède ou un poison, en ce qu’il permettra de passer correctement l’année 2020, mais qu’il risque d’obérer terriblement les capacités d’investissement des entreprises qui en ont bénéficié ?

Le PGE correspond à une mise sous perfusion, pas à un remède qui soigne… Il y a eu dans notre grande région environ 2 milliards d’€ consentis, soit plus de 15.000 crédits accordés et ce très rapidement. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un prêt accessible entre 0,25% et 0,50% de taux d’intérêt, dont le montant est calculé jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires.
Il bénéficie d’un différé de remboursement d’une année et est amortissable jusqu’à cinq ans, avec une garantie de l’Etat de 70 à 100% du montant alloué, mais principalement de 90%. C’est donc, j’insiste sur ce point, de l’endettement et ce n’est pas neutre. Il faut donc réfléchir à bien le dimensionner et préparer sa sortie.

 

• Des voix se sont élevées pour critiquer l’attitude de certains banquiers qui rechignaient à l’accorder.

Il y a environ 2% de refus, c’est dire ! En outre, les critères pour l’accorder ont considérablement été assouplis, telle la capacité d’autofinancement calculée sur trois ans, le critère de la défaillance sur les deux premiers mois de l’année 2020. Une médiation existe aussi et si ce n’est pas trois mois de chiffre d’affaires, le PGE peut être calculé sur un ou deux mois d'activité.

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© Traces Ecrites

 

• Ne faudra-t-il toutefois pas le faire évoluer en allongeant sa durée, se résoudre à des abandons de dette partielle ou le transformer en prise de fonds propres ?

Ce ne sont pas a priori, à mes yeux de bonnes idées. Mais vous avez raison, il faudra en sortir et j’imagine plutôt une restructuration intelligente et globale de la dette des entreprises, des prêts participatifs, mais surtout une relance musclée de l’activité.
Tout plan en la matière ne réussira pas uniquement avec de la finance, mais grâce à la confiance.

 

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• Comment faire pour la retrouver ?

Il faut stimuler la demande, donc la consommation simultanément dans tous les secteurs avec des aides incitatives. Je prends l’exemple de l’automobile qui est un marqueur de la bonne santé d’une économie. Pourquoi ne pas inviter à changer de véhicule avec un fort accent mis sur les modèles dits propres, ce qui est d'ailleurs envisagé.
Les industriels doivent de leur côté retrouver le goût d’investir dans leur outil productif, miser sur l’imagination de leur équipe. Cette crise a démontré que beaucoup savaient s’adapter. C’est le moment d’aller de l’avant et de ne pas écouter les déclinologues de tout poil.

 

• Si les banquiers ont fait le job, en est-il de même des assureurs ?

La plupart des banquiers sont aussi des assureurs. Vous faites ici référence à la perte d’exploitation qui ne joue pas en cas de crise sanitaire. Les pertes d’exploitation cumulées représenteraient quelque chose comme 60 milliards d’€, soit plus d’un siècle de primes aujourd’hui (source : Fédération française de l’assurance (FFA). Maintenant, je me mets à la place d’un restaurateur dont le rideau est baissé depuis le 14 mars dernier et qui acquitte depuis trente années ses primes auprès de la même compagnie. Une réponse commerciale peut sembler appropriée.

 

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• La crise sanitaire qui deviendra une crise économique de plus ou moins grande ampleur, ne risque-t-elle pas aussi de se transformer en crise financière ?

Les banques françaises et tout spécialement les banques mutualistes peuvent résister. La Caisse d’Epargne de Bourgogne-Franche-Comté bénéficie en ce sens d’un très bon taux de solvabilité, s’appuyant sur de solides fonds propres. Maintenant, je ne vous cache pas que nous allons aussi être affectés avec des commissions moindres, sans pour autant être en difficulté.

 

• Banquier de l’économie privée, vous être également le premier financeur régional des collectivités locales. Ne craignez-vous pas un grand danger les concernant ?

Non, elles gèrent de mieux en mieux et ne financent plus à tout va. Dès demain, elles devront relancer les projets structurants prêts à sortir et mis en attente durant le confinement. Il en va de l’avenir du BTP.

 

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• Les hôpitaux publics pour lesquels les Caisses d’épargne dégagent une enveloppe d’un milliard d’€ entrent-ils dans cette priorité ? 

Bien évidemment, l’engagement admirable des soignants durant ces deux derniers mois mérite un soutien approprié en terme d’investissement dans du matériel performant et des locaux adaptés à leurs besoins, notamment pour les urgences. Seulement, il faudrait plus de soignants et moins de personnels administratifs. La France est le pays européen qui en emploie le plus (+de 33%). Et puis aussi, moins de lourdeur administrative, moins de pesanteur étatique.

 

 

Qui est Jean-Pierre Deramecourt ?

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© Caisse d'Epargne BF-C.

Discret par nature, surtout auprès des media, ce banquier de 64 ans ne l’est en revanche pas dans son territoire. Président depuis février 2012 du directoire de la Caisse d’Epargne de Bourgogne-Franche-Comté (322,5 millions de chiffre d’affaires, 186 agences et 4 centres d’affaires, 1.650 collaborateurs), il est aussi vice-président national de la Fédération des Caisses d’épargne.
Président également du Comité régional des banques BFC depuis 2014, Jean-Pierre Deramecourt est l’instigateur de la Place Financière de Bourgogne-Franche-Comté - la seule régionale -, créée en 2016 et lieu de rencontre et d’échanges tous les quinze jours entre collectivités locales, banquiers, représentants des entreprises, des chambres consulaires…, que préside aujourd’hui Bernard Streit, ancien président du groupe franc-comtois Delfingen. De 2007 à 2012, Jean-Pierre Deramecourt a piloté le directoire de la Caisse d’Epargne d’Alsace.

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