Jean-Claude Plâ, dirigeant de Vingeanne Transports et vice-président de l’association Le Monde du Transport Réuni, entend que l’on fasse aussi preuve de respect comme de solidarité envers le secteur du transport, actuellement en première ligne pour livrer les hôpitaux, la grande distribution et les magasins spécialisés. Il dénonce l’attitude de ceux qui refusent aux chauffeurs un simple café ou l’accès aux sanitaires. Le dirigeant plaide par ailleurs pour une revalorisation de son métier, massacré depuis trop longtemps par les tarifs à bas coût des transporteurs d’Europe de l’Est. Entretien.
• Quelle situation vivent actuellement les entreprises de transport ?
Une situation très contrastée selon que nos collègues travaillent pour l’industrie ou pour l’agroalimentaire (sec, frais et frigorifique). Dans le premier cas, ils sont presque à l’arrêt, dans le second, ils s’en sortent à peu près, tant il est nécessaire, voire vital, de constituer des stocks de denrées et de produits de première nécessité en nombre suffisant sur tout le territoire. Mais les volumes commencent à baisser, les Français ayant fait le plein de beaucoup de choses.
• Que pensez-vous de la position des syndicats CFDT, FO et CFTC qui appellent au droit de retrait des chauffeurs ?
Le taux de syndicalisation chez nous est de moins de 5%, il n’y aura donc que peu d’impact sur l’activité. Et je martèle que mettons tout en œuvre pour assurer le sécurité sanitaire de nos chauffeurs en les dotant de gel, de désinfectant, de gants, de masques, en nettoyant les cabines en cas de changement de conducteur. L’immense majorité d’entre eux a conscience de leur mission vitale d’assurer la continuité de la chaîne logistique.

• Pourtant beaucoup n’ont-ils pas été déconsidérés au début du confinement et même un peu après ?
Il y a eu de la part de certaines entreprises qui réceptionnaient les marchandises, des comportements inadmissibles : interdiction d’aller aux sanitaires, de se servir un café, avec une étiquette parfois apposée : interdit aux routiers. On nous a pris pour de véritables pestiférés. Les aires d’autoroute étaient fermées, sans parler d’incivilités comme le vol de marchandises.
La situation a toutefois évolué. Notre fédération est montée au créneau, on a cartographié les endroits ouverts, les entreprises comme la nôtre mettent à disposition leurs locaux pour les conducteurs d’autres transporteurs. Je le redis, nous sommes nous aussi en première ligne et je demande le respect pour nos collaborateurs qui se mobilisent pour répondre au besoin quotidien de la population.
• Cette pandémie peut-elle avoir après pour effet bénéfique de revaloriser votre profession, sacrifiée depuis 20 ans par la chasse aux coûts au profit des transporteurs d’Europe de l’Est ?
Je le souhaite, je l’espère mais, je ne sais pas lire l’avenir et j’ai peur que le moins-disant serve de règle immuable. Nous avons dans notre métier une rentabilité moyenne de 1%, les coûts des transporteurs des pays de l’Est sont inférieurs de 20 à 30% à ceux que nous supportons. Quant aux salaires, ils sont chez eux trois fois moins élevés à productivité égale.
En outre, ces professionnels de la route restent un mois sur notre sol à tourner en permanence, alors que les nôtres rentrent chez eux le week-end. Cherchez ainsi l’erreur. Et cherchez là bien quand j’aurais précisé qu’en 1990 dans mon entreprise, le transport international représentait 80% du chiffre d’affaires, alors que l’an dernier, il ne dépassait pas les 15%.
Dans la situation vécue aujourd’hui, que ceux qui nous commandent des tournées (les chargeurs), sachent qu’il nous est souvent impossible de respecter les délais. On ne peut effectuer un aller et retour à moitié plein, en descendant ou montant à vide. C’est pourquoi, nous nous organisons pour trouver des compléments de charges, mais cela prend un peu de temps.
• Qu’avez-vous voulu démontrer en créant l'association Le Monde du Transport Réuni au mois de septembre dernier ?
Avec notre président, Patrick Pelé, notre association compte redorer l’image du transport routier, fédérer les énergies et les synergies, susciter des vocations. Nous sommes actuellement 400 adhérents. Il nous faudrait comme coup de pouce salutaire une émission de radio, à l’image des « routiers sont sympa » de Max Meynier, diffusée le soir de 1972 à 1983 sur les ondes de RTL. Quel succès à l'époque : 800.000 auditeurs en moyenne.
Routier dans l’âme, l’atavisme ayant joué pleinement chez cet homme de 59 ans qui épaule son père dès 1976, date de création de la SARL Plâ et fils. Titulaire d’un CAP de conducteur routier, il manie le volant, assiste sa mère à la comptabilité, s’occupe également de l’exploitation et du développement commercial.
Il prend la tête de l’entreprise de Longeau-Percey (Haute-Marne) en 1992, rebaptisée un an plus tôt Vingeanne Transports, du nom d’une rivière (93 km) qui prend sa source sur le plateau de Langres et se jette dans la Saône.
De 2006 à 2014, Jean-Claude Plâ préside Astre, groupement européen de transporteurs et de logisticiens indépendants. En 2019, consécration, l’Hebdomadaire l’Officiel des Transporteurs l’élit "transporteur de l’année". Son petit groupe qui s’occupe aussi de logistique pour le e-commerce pèse 30 millions d’€ de chiffre d’affaires, emploie 210 personnes et exploite 90 véhicules.
Bravo aux transporteurs qui assurent comme ils le peuvent. Je dirige une petite boite qui produit des portes de garage. Et qui tourne, au ralenti mais qui tourne Notre credo, plus que jamais, à l'arrivée comme au départ : Pas de RVous, pas d'attente, journée continue, pas d'arrêt à midi, café et douche ouverte à tous les chauffeurs etc Et cela dans le respect des règles sanitaires Pour avoir eu de nombreuses années une flotte de plusieurs semi-remorques maison, on a la culture "routier", et on les aime bien ces gars qui assurent notre logistique. Continuez, vous serez reconnus après la guerre!