INCUBATEURS. Les outils d’accompagnement des jeunes pousses ou plus communément appelées start-up se structurent. Le pôle Microtechniques vient de lancer Propulseur, un accélérateur né de sa labellisation French Tech. L’occasion de faire le tour des dispositifs de Bourgogne-Franche-Comté, des Villages by CA de Besançon et de Dijon, à DECA BFC.
Par Monique Clémens et Christiane Perruchot.
• Propulseur, le petit nouveau.

La labellisation French Tech du pôle Microtechniques au titre des technologies de la santé, en 2016, qui lui avait permis d’intégrer le réseau national #Health Tech, comprenait un certain nombre de préconisations, dont celle de mettre en place un accélérateur pour les start-up.
Après l’identification et la mise en réseau de l’écosystème, puis la mise en place d’outils permettant aux start-up de se frotter à leurs semblables et à d’autres acteurs économiques pour affiner leur projet, notamment lors des « apéros challenge » (rebaptisés « pitch pro »), l’accélérateur a été lancé en avril dernier.
Baptisé Propulseur et s’adressant aux porteurs de projets d’entreprises innovantes en santé – en priorité mais pas exclusivement –, après la phase d’incubation, il a été conçu pour apporter une réponse « intense et sur-mesure » aux start-uppers. Un soutien et un environnement d’experts « avec deux étages d’accélération », explique Pierre Vivien, le directeur du pôle Microtechniques, qui pilote ce nouveau dispositif.
« Une première accélération pour le business plan et la stratégie, et un deuxième étage de la fusée, qui peut être plus long en raison des spécificités du secteur de la santé, lequel nécessite souvent des études cliniques, pour les sujets techniques et de santé. » Quel que soit le profil de la start-up ou de l’entreprise innovante, l’objectif est d’offrir un parcours d’innovation structuré, efficace et rapide pour accélérer la mise sur le marché de produits ou services, promet le pôle Microtechniques.
Propulseur a été doté d’un budget d’1,8 million d’€ sur 4 ans. Son premier financeur est la Région Bourgogne-Franche-Comté, devant le Crédit Agricole de Franche-Comté et la Caisse d’Epargne, le Grand Besançon, Dijon Métropole, avec une part d’autofinancement du pôle. La gestation a été longue en raison du bon positionnement à trouver par rapport au Village by CA, l’autre structure d’accompagnement des start-up, à Besançon, que co-finance également la Région.
Il a finalement été convenu que le Village by CA aurait une dimension plus collective, laissant à Propulseur le soin d’assurer un accueil individuel. Pas de concurrence – les deux principaux financeurs se retrouvent dans les deux structures – mais de la complémentarité.Dans un premier temps, le pôle assure directement le pilotage et se donne quelques mois de fonctionnement pour définir le profil du poste à créer. Un premier appel à candidatures, lancé le 17 avril, a déjà permis d’identifier des start-ups intéressantes. A suivre. M.C.
• Le Village by CA, the place to be à Besançon.

Lancé en mars 2017, le Village by CA, installé dans le quartier Saint-Jacques, au centre de Besançon, héberge 11 start-up recrutées au cours de quatre comités de sélection auxquels participent les 21 partenaires de cette structure lancée par le Crédit Agricole de Franche-Comté.
Des entreprises locales de toutes tailles, la Région Bourgogne-Franche-Comté, Bpifrance, Siparex... La structure est financée à un tiers par la Région et à deux tiers par des partenaires privés. Et le Crédit Agricole, qui est l’un de ces partenaires financiers, apporte son réseau et ses ressources internes.
Le premier Village by CA, porté par le réseau Crédit Agricole, avait été créé à Paris en 2014. Depuis, la banque mutualiste, qui tire sa légitimité de son accompagnement des entreprises au quotidien, maille le territoire de ces villages conçus comme des accélérateurs de start-up. « Nous connaissons leurs difficultés à se mettre en lien avec leurs premiers clients, les PME locales et les ETI », explique Thomas Vigreux, le « maire » du Village by CA bisontin.
« Nous voulons les aider à se connecter à leur marché, à décrocher leurs premiers contrats, à augmenter leur chiffre d’affaires. Nous intervenons à l’étape post-incubation. Certains sont passés par des incubateurs, d’autres sont en phase de réflexion avancée, au stade de la conception d’un produit, d’une preuve de concept… »
A l’accueil physique des entreprises, qui disposent de locaux conçus pour elles dans l’ancienne fac de médecine de Besançon, s’ajoute un programme d’accélération ouvert à l’ensemble des start-up régionales. C’est là la dimension collective de la structure, en bonne articulation avec Propulseur, qui s’occupe davantage de sur-mesure.
Le Village by CA, qui veut prouver que créer une entreprise innovante est possible ailleurs qu’à Paris, ouvre ainsi son réseau aux start-uppers. « Les savoir-faire qui partent ne reviennent pas et le territoire s’appauvrit, alors que nous sommes l’une des régions qui produit le plus d’ingénieurs », déplore le maire. Le programme « Start meet up » fait intervenir des experts d’un domaine particulier et réunit 70 à 80 personnes à chaque fois. La neuvième de ces rencontres aura lieu le 17 mai et portera sur la levée de fonds, cet enjeu fondamental pour les jeunes pousses. M.C.
Les 11 start-up accueillies au Village by CA : Livdeo, Flexio.fr, Holy Owly, BlouseBrothers, Semprita, KLEVR, Mon Petit Reflex, LexiClic, Geoide, Sensory Technologies, Lamster.
• Le Village by CA de Dijon, une forte connotation FoodTech

Le Village By CA de Dijon accueille la #FoodTech, l’un des neuf réseaux de coopération entre des start-up spécialisées dans l’agroalimentaire et des organismes de recherche, des PME et des grands groupes. La Food Use Tech, événement annuel sur le goût, la nutrition et la santé, dont la seconde édition aura lieu les 20 et 21 septembre 2018 à Dijon, y est hébergée.
Un incubateur dans l’incubateur : « Notre rôle est d’abord de repérer des start-up ; à cette date nous avons un écosystème de 400 pépites qui ont une place majeure lors du salon annuel, puis nous leur donnons les clés pour se développer », explique Xavier Boidevézi, secrétaire national de la FoodTech.
A ses côtés, le Toaster Lab (ex AcceleRise), programme d’accélération de start-up toujours dans le domaine alimentaire créé par le pôle de compétitivité Vitagora. Pendant une année, des porteurs projets venus du monde entier – et sélectionnés sur candidature – reçoivent une formation intense à la création d’entreprises puis sont mis en relation, selon leurs besoins, avec les bons interlocuteurs : marketing, financiers, technologiques...
Tous ne sont pas hébergés au Village By CA piloté par le Crédit Agricole Bourgogne Champagne, mais c’est leur point de repère. L’incubateur né après celui de Besançon, ne se cantonne d’ailleurs pas aux jeunes pousses de l’alimentaire. A ce jour, 9 start-up y sont hébergées dans des locaux de la ville de Dijon, en plein centre-ville (rue des Godrans), en attendant un déménagement dans la cité de la gastronomie dans deux ou trois ans.
Dans un décor lumineux et paré de vives couleurs, les porteurs de projets y trouvent l’inspiration et une assistance de tout instant pour trouver un contact, un conseil, une émulation. « A deux ou trois heures du matin, il y a encore de la lumière », s’amuse Thomas Dupont, le « maire » du Village, rompu à l’accompagnement des jeunes entreprises pour avoir été le directeur de Prémice (l’ancien incubateur de Bourgogne) ces dernières années.
Le « maire » répond sans détour à la question portant sur l’intérêt de la banque à de jeunes entreprises qui n’iront pas forcément toutes jusqu’au bout du chemin. « Il n’y a pas d’obligation à ouvrir un compte au Crédit Agricole, mais si l’opportunité se présente, c’est bien ». C.P.
• DECA BFC incube les projets des laboratoires universitaires.
Gabriel Bernier et son équipe de Croc & Vie travaillent sur une recette de biscuits apéritif à base de légumineuses ; El Ayouch et Youssef Tejda, sur une isolation acoustique utilisant de nouveaux matériaux (projet Metabsorber) ; Sergio Lescano, sur un système robotisé pour la chirurgie des cordes vocales (projet Amarob) ; Frédéric Smektala met au point des carottages numériques.
Tous ont comme point commun d’être des chercheurs, de jeunes thésards ou ingénieurs et de s’appuyer sur les ressources d’un laboratoire de recherche publique ; dans le cas des quatre porteurs de projets cités, AgroSup Dijon, l’institut Femto-ST (Franche-Comté Électronique, Mécanique, Thermique et Optique) à Besançon et le laboratoire Biogéosciences de l’Université de Bourgogne et du CNRS.
Ces quatre projets font partie des 14 sélectionnés par DECA-BFC (Dispositif d'Entreprenariat aCAdémique de Bourgogne-Franche-Comté) depuis sa création en novembre 2017. L’incubateur régional qui remplace le dijonnais Prémice et le bisontin hébergé à Temis se distingue des autres en allant chercher de potentiels entrepreneurs dans les laboratoires publics.
« Nous ne nous interdisons pas d’accompagner d’autres projets, mais la ressource de la recherche publique est prioritaire , explique Bénédicte Magerand-Bondeau, la directrice de DECA-BFC.
Les projets sont sélectionnés en plusieurs étapes par un jury technique piloté par le président de la structure, Denis Laplace, responsable des partenariats Entreprises chez EDF Bourgogne-Franche-Comté. Après étude de son dossier, le candidat passe un grand oral devant le jury : 10 mn de « pitch » et autant de questions-réponses. « Un avis réservé peut donner au candidat une seconde chance, après approfondissement de certains points. »

Le lauréat est ensuite accompagné durant 18 à 24 mois par un duo, un chargé d’affaires et un chef d’entreprise volontaire issu d’un collège qui réunit une douzaine d’entreprises appartenant à des clusters ou des pôles de compétitivité. Prestations de propriété intellectuelle, d’études de marché, de stratégie commerciale, de gestion, recherche de financements auprès des investisseurs institutionnels ou associatifs : le suivi se définit à la carte en fonction des besoins et des lacunes des futurs entrepreneurs.
Physiquement, ils sont hébergés, dans leur laboratoire, à Temis Innovation à Besançon, à la Maison Régionale de l’Innovation à Dijon – une antenne de DECA-BFC doit ouvrir également dans le nord Franche-Comté – ou dans d’autres incubateurs locaux.
DECA-BFC remplit une autre mission, celle de détecter plus en amont, des étudiants qui auraient la fibre entrepreneuriale, avec toujours l’innovation comme fil conducteur. Car le but ultime des partenaires de l’incubateur, le conseil régional et les principaux établissements d’enseignement supérieur de Bourgogne-Franche-Comté, est de créer des entreprises innovantes dans la région. Et si les candidats sont détectés au plus tôt, leur chance de réussir et de rester sur leur lieu d’études s’accroît. C.P.
• Et après, la pépinière.
Face à cette offre étoffée, l’Agence régionale de développement (AER) s’est posée la question de l’après incubation. Sous la responsabilité de Daniel Micard, responsable du pôle Innovation, les pépinières de tout le territoire de Bourgogne-Franche-Comté sont répertoriées. Conditions d’accueil, services disponibles, type d’hébergement : de Chalon-sur-Saône à Montbéliard, on estime leur nombre à vingtaine.
« On n’est plus à l’époque du chacun chez soi, ces structures doivent être mises en réseau pour offrir de bonnes conditions aux jeunes entreprises à la sortie des incubateurs ou plus généralement dès leur création », explique t-il. Un label identifiera les compétences de ces structures avec à la clé un financement de la région. Une sorte de « cocooning » qui doit éviter la fuite des pépites dès qu’elles ont atteint l’âge adulte. C.P.