Isabelle Regnet, restauratrice à Mirebeau-sur-Bèze (Côte-d’Or), en a marre. Marre d’être inactive, marre d’être assistée financièrement, marre surtout que l’on détruise un pan culturel entier de notre pays, une partie de notre ADN que nous envie le monde entier : celui du Repas Français, inscrit au patrimoine immatériel de l’Humanité. Il symbolise ce moment inappréciable de convivialité partagé autour d’une table, haut-lieu où l’on trouve l’âme sœur, conclut une affaire, célèbre un événement heureux… Alors Isabelle Regnet fait sienne ce texte d’un restaurateur lui aussi à bout (source Facebook) de l’incohérence des décisions politiques qui lui interdisent de vivre de son art (de la table), le ruinent et font s’entasser le public, couvre-feu oblige, dans les grandes surfaces, dont celle qui se situe juste en face de son restaurant baptisé L’Imprévu.

 

« Lorsque j'entre au supermarché avec 30 autres personnes en même temps, je pense à mon restaurant qui permettait des tables de 4 personnes au total, et qui espaçait méticuleusement les réservations de 10 minutes pour éviter que des personnes qui ne sont pas de la même table n'arrivent en même temps.
Lorsque je prends un chariot dont la poignée a été aseptisée, je pense à mon restaurant qui a investi (jusqu'à présent) dans l'encre et le papier pour imprimer des menus jetables afin que deux clients ne touchent pas le même menu.
Lorsque je me dirige vers l'allée des fruits et légumes avec 15 à 20 autres personnes autour de moi, je me souviens de la politique stricte de ne pas "se mêler / ne pas marcher - masque obligatoire sur le visage - dans le restaurant, sauf pour utiliser les toilettes ou pour entrer / sortir" que nous avons mise en place, et de la distance d'un mètre entre les tables qui a réduit notre capacité de moitié.

 

negociants

En regardant la femme à côté de moi ramasser des pommes avec sa main, les examiner de près et les remettre sur la pile tout en répétant cela jusqu'à ce qu'elle trouve le fruit parfait  – la même chose que toutes les autres personnes qui veulent une pomme feront ce jour-là – , je pense au processus d'assainissement en deux étapes mis en place dans mon restaurant pour tous les couverts, la vaisselle et les verres entre chaque client, et à l'assainissement de chaque surface que les clients touchent (tables, chaises, salières et poivrières, etc.).
En regardant l'homme dans l'allée suivante ignorer ou ne pas remarquer les flèches directionnelles sur le sol, je pense à mon restaurant et à la réorientation constante que notre personnel fait des clients – en verrouillant certaines portes et en bloquant des zones, et au travail que mon équipe effectue pour empêcher les clients de marcher là où ils ne sont pas censés le faire.

Lorsque je marche dans l'allée des céréales, je vois une personne qui retire son masque pour pouvoir parler au téléphone, et je me souviens de mon restaurant où notre politique des masques nous a fait perdre tant de clients.
En sortant de la caisse, j'utilise ma carte pour payer et je vois le film de plastique qui recouvre le terminal. Il n'a pas été aseptisé après la personne qui m'a précédé. Cela me rappelle le désinfectant utilisé sur les terminaux de débit entre chaque client, chaque fois que j’allais au restaurant.
Alors que je me trouve, sur mon départ, dans une sortie de caisse bondée, je me souviens du registre détaillé des contacts dans mon restaurant pour enregistrer le nom, le numéro de téléphone, le numéro de table, ainsi que le serveur qui lui était affecté. Aucune de ces informations n'a été prise ici.

 

savoirfairecotedor

 

Alors que je monte dans ma voiture et que je regarde tous ces gens quitter le magasin, je me demande quelle personne visitera mon établissement après avoir contracté le virus dans ce supermarché et je me demande pourquoi diable mon restaurant sera blâmé comme étant la source.
Les restaurants sont ciblés comme la "source" des infections à la Covid-19 parce que nous sommes l'une des SEULES industries tenues de fournir une traçabilité des contacts.
Une personne atteinte du virus aurait pu aller n’importe où, dans n'importe quel supermarché, etc. Pourtant, c'est le restaurant qui a pris leurs informations détaillées qui sera contraint de fermer et jugé responsable de l'infection.
Vous voulez blâmer les restaurants pour la propagation après avoir investi dans l'équipement, la formation et des politiques plus strictes que N'IMPORTE QUI !
Il serait peut-être temps de nous dire quand on pourra de nouveau travailler ou nous donner des informations pour envisager le futur....»

 Découvrez le territoire ou est situé le restaurant L'Imprévu

invest

 

Qui est Isabelle Regnet ?

isabelleregnet
© Traces Ecrites

 

Restauratrice de métier, Isabelle Regnet crée le restaurant baptisé L’imprévu, sur la petite zone commerciale de Mirebeau-sur-Bèze (Côte-d’Or), avec deux autres associés le 12 mars 2018. Elle en devient l’unique propriétaire en juillet 2019. L’établissement de 90 couverts, proposant une cuisine traditionnelle, ainsi que des pizzas, d’un bon rapport qualité-prix, tourne à plein. Six personnes et un apprenti y officient générant un chiffre d’affaires de l’ordre de 500.000 €.
Vient le premier confinement. La restauratrice qui utilise fort bien les réseaux sociaux mobilise ses troupes pour conserver un contact puis, s’organise pour faire de la vente à emporter, qu’elle poursuivra en novembre et décembre, mais arrêtera en début de cette année 2021. « J’avais deux personnes à payer et ce n’était pas rentable », assure-t-elle. Elle perçoit toutefois les 10.000 € d’aide, ainsi que le chômage partiel pour ses salariés, ce dernier versé avec retard, mais ne peut se rémunérer. « L’aide n’est pas proportionnée à la taille de l’établissement », regrette-t-elle.
Un signe ne trompe pas pour elle, qui lui réchauffe le coeur : ses clients l’aiment et lui en témoignent. « Dur, dur. Tenez-bon, on sera là après », écrit par exemple Chantal, parmi les 84 commentaires, 502 j’aime et 946 partages lié à la publication du témoignage de son confrère.
« C’est triste un restaurant vide, mais je rouvrirai et aussi le dimanche midi. » Pendant ce temps, on peut constater un va-et-vient incessant au supermarché d’en face. Les gens discutent dans les allées bloquant le passage avec leur chariot. On s’agglutine aux caisses… Alors que dire de certains tenanciers de ce type de commerce qui se plaignent d’une baisse du caddie moyen. Juste : quelle indécence ! D.H.

3 commentaire(s) pour cet article
  1. Franck de Bucydit :

    Chaque fois que je me rends au fameux supermarché d'en face, j'ai une pensée pour Isabelle chez qui nous avons (avions) nos habitudes et maintenant des regrets qui sont de plus en plus "énervants". Nous attendons la réouverture avec une grande impatience et nous nous précipiterons dès que les choses seront possibles. Amicalement

  2. Régis CRITONdit :

    Merci à Traces Ecrites pour ce reportage émouvant Ce lieu de convivialité parmi tous les autres ont été bannis par l'état au profit de la vente directe et des supermarchés. Il faut stopper cette hérésie et réouvrir la restauration avant sa disparition. Je suis de tout cœur avec Isabelle et tous ces confrères. Amicalement, Régis Criton

  3. vallet Manudit :

    Que d'évidences dans ces témoignages !! C'est bcp moins grave pour moi, mais je ressens la même chose quand je vais faire du ski de fond en décembre dans le haut-Jura, en plein air et en forêt, totalement espacé des autres skieurs croisés, en train de me fortifier la santé de base, super remède préventif contre les maladies ... à plus de 20kms de chez moi, me sentant en faute, alors que si j'allais à Bricomarché où je ne sais où, dans ces grandes surfaces, je ne serais pas fautif, parce que à moins de 20kms, avec un masque, ... mal porté par plein de monde, mille fois porté, pas changé, un nid à bactéries-virus, Bref du grand n'importe quoi...

Commentez !

Combien font "7 plus 9" ?