ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE. Traces Écrites News décide de couvrir la campagne de l’élection présidentielle à sa façon. Notre parti politique s’appelle : L’ENTREPRISE.

Aussi, avons-nous demandé à certains dirigeants - et enseignants - de s’imaginer dans la peau du futur président de la République et de décliner leur programme sur des thématiques qui font partie de leur quotidien.

Guy Monteil, professeur à l'École Nationale Supérieure de Mécaniques et des Microtechniques  (ENSMM) de Besançon (Doubs), relève aujourd'hui le défi. Agé de 55 ans, cet ingénieur chimiste et docteur en sciences des matériaux dirige le département de mécanique appliquée au laboratoire FEMTO-ST et assume la direction des études par alternance au sein de l'ENSMM.

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Si j’étais président pour la recherche et l’enseignement supérieur (scientifique et technique) en France que ferais-je ? Petit tour rapide :

Il cohabite en France des universités et des écoles d’ingénieurs avec plus ou moins de bonheur. Il fut un temps ou les universités préparaient majoritairement les étudiants à devenir enseignants ou chercheurs. Depuis, l’état ayant maigri, ces débouchés se sont sérieusement taris. A l’opposé, le monde d’aujourd’hui demande beaucoup d’ingénieurs dans le secteur marchand qui peine à en trouver. Par ailleurs il existe en France une recherche fondamentale de tout premier ordre (mathématiques, physique...), reconnue par des prix Nobel ou médailles Fields qui font rêver les chercheurs mais dont les débouchés sont très limités, le financement étant plutôt insuffisant et l’impact sociétal mesurable que sur le long terme. Celle-ci est majoritairement assumée par le CNRS et les universités.

A l’autre bout de la chaîne, il y a la recherche appliquée voire le développement technologique. En France, elle n’est que peu développée au sein des entreprises et plutôt dans les plus grandes. Il est donc de tradition qu’elle soit en partie assumée par l’Etat et la recherche publique, son bras armé. Grossièrement il n’y a donc pas à priori d’endroit dédié à celle-ci.

Comme la formation des futurs chercheurs est principalement, voire uniquement assurée par les universités, et que leur carrière est surtout déterminée par l’impact de leur recherche fondamentale, on voit poindre que la recherche appliquée sera moins prestigieuse, encouragée ou valorisée et que les enseignants-chercheurs ne sont pas «génétiquement» préparés à dialoguer avec le monde économique en général et des PME plus particulièrement.

Enfin, comme les débouchés traditionnels des étudiants des universités (enseignement - recherche) se rétrécissent et que les effectifs ont augmenté cela, a conduit les universités à mettre en place des Master ou des diplômes d’ingénieurs plus professionnalisant, entrant par là-même potentiellement en conflit direct avec les écoles d’ingénieurs présentes et reconnues depuis longtemps sur ce «marché».

Dans ce paysage, si j’étais président, voilà ce que je proposerais ?

Du point de vue de la recherche

• Clairement définir les laboratoires dits de recherche fondamentale après appel national pour lister ceux qui    veulent en être, les financer à 100% et leur fixer des objectifs d’excellence ( mot à la mode ) au meilleur niveau international (Nobel, médailles, publications dans des revues prestigieuses, etc.). Y recruter les meilleurs chercheurs, non par l’argent mais par la qualité des équipes d’accueil, tant nationaux qu’étrangers et que leurs tutelles soient assurées par les universités et / ou le CNRS (plutôt et).

• Pour les autres laboratoires, de 60 à 80% d’entre eux, en m’exprimant sans détours, faisant plutôt de la recherche appliquée sans l’avouer, les évaluer non seulement sur la qualité scientifique, mais également leur impact sociétal et les adosser localement à des groupements (clusters) d’universités, écoles d’ingénieurs, d’entreprises et ne les faire bénéficier des fonds d’états qu’à un certain pourcentage de leur financement, le reste devant être pourvu via des programmes de travail de ces clusters.

Du point de vue de la formation

• Pour la formation d’ingénieur, mettre en synergie les universités et écoles d’ingénieurs pour assurer la part « moins scientifique » ou créative des écoles d’ingénieurs et la part « moins appliquée » de l’université.

• Changer le mode d’évaluation des enseignants - chercheurs destinés à ces formations  (formation d’ingénieurs ou Master pro) avec des critères autres que la seule production scientifique, comme la pédagogie, l’ouverture à l’appliqué, etc.

• Favoriser très fortement les congés de formation des techniciens à bac+2 dans les entreprises pour trois années de formation pour devenir ingénieurs. Cela amènerait «un air» de terrain dans l’enseignement académique.

• Accroître raisonnablement la formation par apprentissage mais dans des filières très innovantes, ou dans des niches technologiques et baliser nettement l’aspect formation au sein de l’entreprise.

Du point de vue de la société

• Rendre plus «obligatoire» la participation des entreprises et des établissements d’enseignement supérieur à des « clusters » régionaux, seuls habilités à répondre à certains appels d’offres en présence des représentants des collectivités locales.

• Limiter drastiquement les « mille-feuilles » administratifs de l’enseignement supérieur et de la recherche.

• Rendre plus collégiales les décisions stratégiques pour les établissements d’enseignement supérieur incluant     les collectivités territoriales en imposant le vote de plans pluriannuels.

• Introduire plus de contrôle dans la «gouvernance» des structures de la part des personnels et des citoyens.

• Enfin arrêter cette inflation d’appels à projets, de prix, de distinctions qui mettent les structures, les individus en concurrence faisant que les chercheurs passent plus de temps à monter des dossiers qu’à produire des connaissances.

Lire aussi dans la même série :

Jérôme Richard de Réseau Concept Vincent Stenger de Meirs Philippe Pénillard de Cleia

Crédit photo: Patrick Humbert (ENSMM)

2 commentaire(s) pour cet article
  1. GIRARD JEAN PHILIPPEdit :

    Bonjour, Ces propositions devraient être "reroutées" aux candidats à la présidence qui manquent cruellement d'idées sur le sujet. Mr MONTEIL serait le bienvenu dans notre Cercle Entrepreneurs et Territoires de Côte d'or ! Merci à Traces Ecrites pour cet espace de liberté et d'expressions.

  2. s colaiacovodit :

    Propositions pertinentes et pleines de bon sens. Les liens entre les différentes structures d'enseignement (universités/grandes écoles) et le monde de l'entreprise doivent être renforcés et "productifs" et ce, pas seulement à partir des cycles supérieurs, mais bien dès le collège.

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