Nouvellement réélue vice-présidente de la chambre de Métiers et de l’Artisanat de Côte-d’Or, Elizabeth Mayol est doreuse sur bois. Professionnelle entière et femme déterminée, elle explique les contours de son métier, un savant dosage entre savoir-faire technique, travail artistique et passion du patrimoine.
Un lundi de novembre. Il est 9h quand Elisabeth Mayol commence à gratter la dorure d’un trumeau du 18ème siècle posé à plat dans son atelier de Dijon, entre pinceaux, outils et antiquités. Appartenant à un particulier, l’objet endommagé nécessite une restauration complète. Elisabeth est doreuse sur bois, un métier qu’elle a eu envie d'exercer depuis l’âge de 12 ans, raconte t-ellle, après avoir fréquenté l’atelier de son oncle, le sculpteur Charles Auffret, dont le portrait est accroché dans son atelier. C’est avec une détermination sans faille qu’elle s’est formée dans un milieu masculin, devenant la première femme à avoir un CAP de doreuse sur bois en 1980.
Elisabeth commence par nettoyer le trumeau, les parties sculptées et la toile. Tel un puzzle, elle identifie les morceaux qui se sont détachés de leur socle et gratte l’ancienne colle pour faciliter l’adhérence de la pièce. Elle pose différentes couches d’apprêt pour préparer les objets à recevoir les feuilles d’or : pas moins de 20 couches de blanc de Meudon, un pigment d’un pouvoir couvrant, puis plusieurs phases de ponçage et l’application du bol d’Arménie, un ocre rouge. Vient ensuite la phase de reparure qui consiste à travailler finement les sculptures et moulures pour les rendre plus nettes.
Sur le feu, de la colle de peau de lapin est en train de chauffer pour la dernière étape, l’application de l’or. Elisabeth extrait les feuilles d’or d’un carnet de papier à soie pour les déposer sur un petit coussin. À l’aide d’un pinceau, elle pose délicatement les feuilles sur la relique encollée. L’exercice est délicat, les feuilles d’or sont aussi fragiles que des plumes, sensibles au moindre souffle. Ce savoir-faire, Elisabeth l’a appris dans différentes écoles : l’école Boule à Paris, la fac, l’école des beaux arts et le CFA d’ébéniste.
Un métier au savoir faire technique et artistique




Les clients d’Elisabeth sont des particuliers, des antiquaires, des mairies, des églises… Les devis varient suivant les oeuvres à restaurer. Pour le trumeau, il en coûtera 3.000 €. La Direction régionale des Affaires culturelles (Drac) intervient dans le financement de la restauration des pièces classées permettant leur financement jusqu’à 70%.
La doreuse entame alors un travail administratif qu’elle dit trouver peu passionnant : constituer un dossier de demande de financement auprès de la Drac qui servira à payer sa prestation. Pour compléter les financements, des associations locales lèvent régulièrement des fonds auprès de particuliers.
Quelques rares fois, ce sont des mécènes qui viennent au secours des oeuvres, comme dernièrement AG2R qui a financé le daix de l’autel de l’église de Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or). Dans cette chaîne économique composée de différents financeurs et de l’administration, Elisabeth est le lien entre tous autour du projet de restauration.
Autre tâche administrative incontournable, dresser un « constat d’état ». Autant de fois qu'ils interviennent sur un bien, les professionnels de la conservation établissent une sorte de carte d’identité de sa restauration. Ce document détaille les matériaux et les méthodes utilisées, toute nouvelle restauration devant prendre en compte ce qui a été fait auparavant pour s’assurer des bonnes techniques à mettre en oeuvre.
L’envers du décor, c’est aussi la tarification, un exercice d’équilibriste : « Il faut que je gagne ma vie mais que le prix soit accessible. » Organisée en micro-entreprise dont le chiffre d’affaire avoisine les 72.000 €, Elisabeth Mayol a la chance de disposer d’un atelier à domicile, qui diminue ses charges constituées essentiellement de l’achat de feuilles d’or provenant d’Italie. Elle dépense environ 800 € tous les deux mois pour s'en procurer, à des prix variables qui ont tendance à s’envoler.




Elisabeth Mayol, 60 ans, est de longue date engagée dans la défense de l’artisanat. Vice-présidente de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Côte-d’Or récemment réélue sous la bannière de La Voix des Artisans (U2P et Capeb notamment), elle est aussi présidente de la Confédération Nationale de l’Artisanat, des Métiers de Services (CNAMS) de Côte-d’Or, organisation interprofessionnelle qui rassemble de nombreux métiers de l’artisanat, et cofondatrice de l’association des Métiers d’Art en Côte-d’Or (MAeCO).
En cette période de Covid qui a mis a mal de nombreux artisans, elle tient à apporter son soutien à ses confrères afin qu’ils ne se sentent pas isolés. Un engagement fort qui lui valu de recevoir la légion d’honneur en 2020.
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