HORLOGERIE/BESANÇON. Ingénieur passé par le bureau de design de PSA, Alexandre Meyer est revenu à Besançon pour créer des montres françaises, audacieuses, esthétiques, « qui créent une émotion visuelle ».
Il s’est associé à un designer surdoué, à un maître horloger et à un spécialiste technique des composants et planche sur des nouveaux matériaux, sur un mouvement maison et sur un nom de marque.
Réalisée avec les sous-traitants locaux mais assemblée au sein de l'entreprise, la première montre de Phenomen devrait sortir d’ici un an.
Après Humbert-Droz et Lornet, une nouvelle marque horlogère se prépare à éclore dans l’ancienne capitale horlogère française.

La crise horlogère suisse ? « Nous, on l’a anticipée dans le sens “plaisir du consommateur” et non au sens économique du terme », expose Alexandre Meyer, le dirigeant fondateur de Phenomen, une entreprise née à l’incubateur de Temis, à Besançon (Doubs), au printemps 2016, et installée en pépinière depuis le mois d’octobre.
Bisontin d’origine, cet ingénieur formé au design avait choisi de revenir dans sa ville natale pour s’appuyer sur les compétences locales et créer des montres très esthétiques et surtout très éloignées des codes classiques imaginées avec son complice Olivier Gamiette, designer chez PSA et piqué d’horlogerie, lui aussi.
« C’est lui qui m’a formé, c’est mon mentor, je n’ai jamais réussi à le rattraper », confie Alexandre Meyer. « A nous deux, nous visons l’équilibre pour marier design et technique. C’est un mariage intime. Le monde horloger s’occupe du châssis, avec une complexité technique fabuleuse et qui nous émeut en tant qu’ingénieurs, mais elle s’occupe moins de carrosserie. »
Les montres de Phenomen seront des co-créations : Olivier Gamiette au design, Alexandre Meyer à l’innovation technique. « Mon premier job, chez PSA, était intitulé "veille et innovation technologique”, j'ai gardé cette culture », précise ce dernier.
Dans un livre intitulé « Soon timepiece phenomena », édité en novembre 2015, Olivier Gamiette dévoilait déjà des dizaines d’esquisses, de croquis et de projets horlogers, tous aussi iconoclastes les uns que les autres, dont certains devraient voir le jour grâce à Phenomen.
La petite entreprise pense avoir sa chance en misant sur le design et le made in France. « Les belles marques françaises ont fait le choix de s’implanter en Suisse et de revendiquer le swiss made. C’est une bonne stratégie, qui leur a réussi. Mais du coup, en France, c’est plutôt désertique, et il y a de la place pour une marque avant-gardiste, qui revendique l’audace et le luxe à la française », ajoute Alexandre Meyer.
Des montres dans un matériau inédit

Rejoints par l’horloger Bruno Laville et le spécialiste matériaux et process Emmanuel Meyer, les quatre hommes s’associent dans une SAS qui doit naître cette fin novembre.
A la pépinière d’entreprise de Temis, où la toute nouvelle société vient de s’installer, Quentin Lefebvre, un ingénieur ENSMM, planche déjà sur le développement des complications d’affichage innovant.
A côté de son bureau, dans la partie atelier, microscope, prototypes et maquettes de montres mais aussi de pièces de mouvement sont posés sur les plans de travail.
Car comme tout horloger qui se respecte, Alexandre Meyer s’est penché sur la question du mouvement. « Je suis fasciné par le battement mécanique et on est tellement impatients qu’on réfléchit à des solutions maison. Nous avons développé notre propre échappement, le cœur du mouvement, dont le brevet est en cours. »
En attendant, la première montre de Phenomen – le nom de la société, celui de la marque horlogère restant à trouver – qui devrait voir le jour d’ici un an sera équipée d’un mouvement à tourbillon dessiné par Alexandre Meyer mais doté de composants suisses réagencés et enrichis de complications, comme les minutes rétrogrades ou les heures déroulantes. « Et elle utilisera un matériau inédit », confie-t-il.
A long terme, Phenomen aimerait avoir sa propre manufacture, à Besançon. Pour l’heure, la société va faire appel aux sous-traitants locaux et démarrer son activité industrielle par l’assemblage.
Une levée de fonds est envisagée pour financer les développements. Une souscription pourrait permettre, avant cela, de lancer la fabrication du premier modèle et de tester le marché, en s’appuyant sur les sous-traitants locaux.
Lauréat du concours i-LAB 2015 en catégorie « émergence », le projet Phenomen a également obtenu une bourse French Tech. Ce qui a permis à son fondateur de suivre une formation « Challenge + » à HEC, où il vient d’aller présenter son projet.
Mais qui sont les quatre Phenomen ?

Bisontin, Alexandre Meyer a obtenu son diplôme d’ingénieur à l’Institut français de mécanique avancée (IFMA) de Clermont-Ferrand, avant de se frotter au design en cours du soir mais surtout à Vélizy, au centre technique et de style du constructeur Peugeot, où il fut chargé de design prospectif.
Un constructeur qu’il a quitté en 2010 pour créer son propre studio de design, à Metz, « La cour du design », mis en sommeil pour se consacrer à Phenomen et à son projet horloger.
Le virus de l’horlogerie lui avait été transmis par Olivier Gamiette, designer prolifique rencontré chez PSA. Formé à l’Université Technologique de Compiègne (UTC), Olivier Gamiette est le deuxième « Phenomen » de l’aventure, le troisième étant le maître horloger bisontin Bruno Laville, que les deux premiers sont allés chercher et qui, « d’abord pris au dépourvu », explique Alexandre Meyer, s’est finalement laissé embarquer dans l’aventure.
Quant au quatrième, Emmanuel Meyer, il est le frère du premier mais, avant tout, il apporte une expérience de vingt ans dans la fabrication des composants horlogers. « Il a passé pas mal de temps chez ValFleurier, dans le groupe Richemont, et il a les réflexes matières, usinage… C’est important pour passer du concept à l’objet », assure Alexandre Meyer.
Photos fournies par l'entreprise.
Je serais interessé pour vous rencontrer
Serais intéressé par la montre "l'indécise "
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