BANQUE. Après le marathon du début de l’été, lié à la réunion en assemblée générale de leurs douze Sociétés Locales d’Épargne et à la présentation des résultats financiers 2015 de la Caisse d’Épargne de Bourgogne Franche-Comté (*), Jean-Pierre Deramecourt et Pierre-Yves Scheer expliquent tout un pan méconnu de l’activité de la banque mutualiste.
Le premier, président du directoire, multiplie les initiatives pour arrondir les angles, favoriser les rencontres comme le dialogue et nourrir la réflexion sur des projets à naître au sein de nombreux organismes publics, parapublics et représentations professionnelles.
Le second, membre du directoire, chargé de la Banque du Développement Régional (BDR), en fait de même pour épauler le développement des entreprises, de la start-up aux grands groupes.
Comme la Banque Populaire, sa consoeur régionale, l’établissement se dote d’un service adapté pour venir en aide aux entreprises en difficulté.

• On vous voit partout ou presque dans de très nombreuses instances territoriales. La Caisse d’Épargne de Bourgogne Franche-Comté, deviendrait-elle une véritable agence d’intelligence économique et de relations publiques ?
- Jean-Pierre Deramecourt. Je ne vais pas vous l’apprendre, notre métier de banquier invite à avoir une très fine connaissance des interlocuteurs locaux. Et à la Caisse d’Épargne, cela fait partie de notre ADN car, nous appartenons aux 260.000 sociétaires, répartis dans toute la région, qui nous font confiance en nous donnant les moyens financiers d’agir.
En outre, et c’est une règle de base de plus en plus drastique qui nous est imposée par la Banque Centrale Européenne, prêter de l’argent oblige à bien mesurer le risque encouru. Donc, à bien connaître ses clients ou futurs clients.
Et si vous avez le moindre commentaire désobligeant invoquant une frilosité chronique de notre part, il suffit d’indiquer que sur 335,7 millions d’€ de chiffre d’affaires réalisé en 2015 et 63,3 millions de bénéfices, nous subissons 31,7 millions d’impayés. C’est dire si nous prêtons sur une courbe ascendante.
Et puis, nous sommes vraiment reconnus pour nos expertises. Alors oui, je passe beaucoup de temps en dehors de mon bureau à apporter, par exemple, ma réflexion à la Loi NOtre sur la nouvelle organisation territoriale. Je préside par ailleurs la commission développement économique du Medef 21 et suis mandaté par ce dernier pour nourrir le débat sur le futur Schéma régional de développement économique.

• Votre entregent vous conduit-il à réconcilier des frères ennemis ?
- J.-P. Deramecourt. Avouons-le, cela devenant un secret de Polichinelle, nous avons fait en sorte que les présidents des deux principaux syndicats patronaux de Côte-d’Or se rencontrent régulièrement en tête à tête.
Pierre-Antoine Kern pour le MEDEF, comme Benoît Willot au nom de la CGPME, sont suffisamment intelligents pour avoir compris qu’en cette période difficile, les querelles stériles, les oppositions de principe et la critique systématique de l’autre ne servent à rien.
Si chacun conserve évidemment son libre arbitre, ils peuvent, j’en suis sûr, partager de nombreux points de vue et agir en conséquence. L'essentiel pour nous, vous l'aurez compris, étant de favoriser les conditions du meilleur essor économique possible. Soyons franc, il y va aussi de notre intérêt.
• Allez-vous jusqu’à faire travailler des entreprises ensemble ?
- J.-P. Deramecourt. Disons que si chacun doit rester maître de son destin, nous favorisons la mise en relation. A la suite du « Brexit », nous avons ainsi convié dix entreprises significatives de Bourgogne Franche-Comté à écouter François Pérol, le président du groupe BPCE (Banque populaire Caisses d'Épargne) depuis 2009, expliquer les conséquences prévisibles de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne.
A cette occasion et, nous multiplierons à l’avenir ce type de rencontres, des contacts se nouent entre les chefs d’entreprise. Nous voulons aussi aller au-delà et raisonner par secteur d’activité. Tel gros équipementier automobile de Franche-Comté pourrait être intéressé par les recherches ou les produits mis au point par une des PME du Pôle de performance de Nevers-Magny-Cours (Nièvre) avec lequel nous engageons un partenariat.
L’automobile n’est pas le seul secteur où je vois un intérêt à ce que notre banque soit fédératrice. Je pense également à la filière bois où de nombreuses passerelles sont à encore imaginer.
Notre grande force à la Caisse d’Épargne est d’être à la fois proche du monde de l’entreprise - une sur quatre qui réalise plus d’1,5 million d’€ de chiffre d’affaires, soit 2.400 au total - est cliente chez nous, et d’être fusionnel avec celui des collectivités locales, puisque nous en finançons une sur deux.
• Qu’elle est votre ambition sur le marché propre à l’entreprise ?
Pierre-Yves Scheer. Notre cœur de cible, compte tenu du tissu économique régional, reste bien sûr la PME, avec pour ambition à trois ans d’en financer une sur trois. Cet objectif, vous l’aurez compris, ne sera pas atteint sans une offre globale avec des services et des produits très adaptés.
Je ne rappelle pas que nous avons au niveau du groupe des spécialistes de l’affacturage (Natixis Factor), du crédit-bail, de l’ingénierie financière, pour évoquer nos propres filiales.
Avec BDR Invest qui est une structure de capital investissement, dotée de 12 millions d’€, nous renforçons les fonds propres des entreprises par une participation minoritaire au capital. Nous pouvons aussi favoriser leur transmission, soit dans le cadre familial, soit au profit du management, soit à des repreneurs externes. BDR Invest intervient également pour réorganiser le capital, à l’occasion par exemple de la sortie d’actionnaires minoritaires. A ce jour, nous avons déjà conduit une dizaine d'opérations.

Pour épauler maintenant les start-up, nous venons de créer le fonds régional BDR IT, doté de 3 millions d’€. Notre intervention suit toujours le même schéma de la participation minoritaire après avoir pris l’avis d’experts indépendants.
Nous venons aussi d’accompagner GroupCorner, site Web installé en Saône-et-Loire et spécialisé dans la réservation d’hôtels et autres hébergements pour les groupes à partir de 7 personnes et Silmach, société bisontine qui conçoit et fabrique des micro-capteurs et micro-moteurs à base de silicium à destination de l’aéronautique, la défense, l’horlogerie ou des objets connectés. Je précise par ailleurs qu’une quinzaine de dossiers sont à l’étude.
Nous n’avons pas ici vocation à intervenir seul. Pour donner le plus de chance à ces jeunes créateurs, notre réseau de contacts doit permettre de faire venir à nos côtés des business angels, des sociétés comme Invest PME et Bpifrance.
• Les faillites d’entreprises sont-elles pour vous une simple fatalité à passer en pertes et profits au bilan ?
P.-Y. Scheer. Justement non et c’est pourquoi nous lançons un service, avec quatre collaborateurs, pour détecter les entreprises en difficulté, épauler celles qui sont sous mandat ad hoc ou sous procédure collective - sauvegarde et redressement.
Ce travail n’est plus une analyse du risque liée à une demande de crédit, mais un accompagnement très fin en tenue de compte. La finalité consiste à permettre de sortir au mieux de cette mauvaise passe avec un suivi précis, aussi bien techniquement que psychologiquement, sur un à trois ans.
Nous allons bien sûr nous appuyer sur tous les administrateurs judiciaires de la région et proposer la tarification la mieux adaptée. Il ne s’agit bien évidemment pas d’étrangler les entreprises déjà éprouvées, mais de les conserver en activité.
(*) La Caisse d’Épargne de Bourgogne Franche-Comté a dix ans. Ses fonds propres s’élèvent à 1,3 milliard d’€ et elle revendique 10,4 milliards d’encours de crédit. Les 1,1 million de clients en portefeuille sont gérés par 1.750 collaborateurs, pour la plupart intégrés dans 226 agences et 5 centres d’affaires réparties dans les huit départements.