L’histoire de la création de cette brasserie et distillerie de whisky en Haute-Marne n’obéit à aucun standard. Elle plonge dans l’imagerie celte des Lingons et d’un de leurs chefs emblématiques : Sabinus. Elle a émergé en 2017 avec une bande de copains, s'est construite ensuite comme projet économique sous l’impulsion de François Mauffré. Et devient enfin réalité aujourd’hui. Une découverte spiritueuse et brassicole pour le moins surprenante.


« C’est un trou de verdure où chante une rivière. » Le premier vers du poème d’Arthur Rimbaud « Le Dormeur du val », campe à merveille le paysage qui abrite Lingone, brasserie et distillerie à whisky. Nous sommes au lieu-dit Lavau, du nom du ruisseau qui serpente là, et à deux pas du village de Rivière-les-Fosses, en Haute-Marne.

 

bandeau Village CA

 

Sur un site d’1,5 hectare, se dresse un bâtiment de 2.000 m2 où s’élaborent une gamme de bières de pays, de l’eau de vie de malt (ou pur malt « no age ») et, d’ici à trois ans, un whisky vieilli notamment dans des fûts de Cognac. Ce projet de 3 millions d’€ (*), dont 1,4 million de matériel, né en 2017, doit déjà beaucoup à une bande de copains que l’on retrouve pour la plupart autour du sénateur Charles Guéné au Muid Montsaugeonnais et sa gamme de vins haut-marnais.

lingonebatiment
Le bâtiment qui abrite la brasserie et la distillerie à whisky représente un investissement global de 3 millions d'€. © Traces Ecrites


Le projet prend réellement forme en novembre 2019 avec la création de la SAS Lingone au capital actuel de 582.500 €. Présidée par François Mauffré, elle conduit une seconde levée de fonds auprès du public jusqu’au 17 septembre prochain. Sur ce montant, 155.000 € concernent des apports en nature : 65.000 € de terrain et bâtiment par le Muid Montsaugeonnais et la différence par le fonds de commerce de la société brassicole Bock’N Roll de Jérémie Poppé.

Une gamme de sept bières et un whisky baptisé Sabinus

francoismauffre
François Mauffré, président de Lingone, devant les fûts qui servent au vieillissement du whisky made in Haute-Marne. © Traces Ecrites


Ce dernier, brasseur de son état, fabriquait déjà une gamme de sept bières locales, dont la Blanche de Langres et la Fouzian. Recruté après consultation de brasseurs locaux, il bénéficie d’un matériel de dernière génération. L’unité de production est par ailleurs dotée d’une chaufferie bois qui la rend autonome en énergie à hauteur de 75%.

Le volet production de whisky à venir – car il faut un minimum de vieillissement de trois ans pour obtenir l’appellation – prend une tournure très particulière. Pour ne pas manquer des ventes, Lingone opte pour le « teasing », en gros, elle fait monter en puissance, en terme marketing, l’arrivée du fameux breuvage. Cela prend la forme d’un alcool d’eau de vie de malt, baptisé Sabinus.

 

hautemarne

 

Petite parenthèse historique à propos de Julius Sabinus († 78 apr. J.-C.). Ce chef lingon participa aux côtés de Caius Julius Civilis à la Révolte de 69-70. Il sera défait par les légions d'Appius Annius Gallus et les Séquanes. Après 9 ans de clandestinité passés à vivre caché dans une grotte de Haute-Marne, Sabinus est trahi et découvert. Il sera mis à mort malgré les supplications d'Éponine, sa femme avec laquelle il avait eu deux enfants (source Wikipédia).

sabinus
La bouteille du futur whisky haut-marnais Sabinus qui contient pour l'heure de l'eau de vie de malt. © Traces Ecrites


C’est sur cette référence gauloise du cru que Lingone, qui génère trois emplois et demi, compte séduire commercialement. En jouant sur un épisode historique réel, l’entreprise décline son histoire et vante ses atouts : productions bio ; approvisionnements en orges et blés locaux ; initiative pour faire renaître une filière de culture du houblon (**) ; préservation de la ressource en eau de la source de la Madeleine, implantation au sein du Parc national de forêts, packaging original et offre événementielle grâce à une salle de réception jusqu’à 60 personnes.

lingonereception
Salle de réception avec scène pour des animations et événements, pouvant contenir jusqu'à 60 personnes. © Traces Ecrites


« Avec Julien Nicard, le directeur général de Lingone et agriculteur de métier, nous misons à trois ans sur 750.000 € d’activité avec une clientèle de supérettes indépendantes, de cavistes, d’associations, de magasins spécialisés comme Gamm Vert puis, dans un second temps de GMS (grandes et moyennes surfaces) », explique François Mauffré. Le banquier retraité plonge à fond dans une seconde vie professionnelle.

(*) Financé à hauteur de 65% par un prêt du Crédit Agricole de Champagne-Bourgogne, 20% par des subventions du conseil départemental, du GIP 52 (groupement d'intérêt public de la Haute-Marne), de la région Grand Est et du fonds européen Feader, le solde sur fonds propres.
(**) Très active et de qualité par le passé, comme en Côte-d'Or le long de la rivière Vingeanne.

Commentez !

Combien font "4 plus 3" ?