Traces Ecrites News prend ses quartiers d'été. Nous vous souhaitons également une belle pause régénératrice et vous proposons un retour sur des informations marquantes du second trimestre écoulé, avant de vous rendre compte de nouvelles actualités à partir du 28 août prochain. Aujourd'hui : Cixten. La jeune entreprise au nord de Strasbourg a mis au point un process qui doit permettre de lever les obstacles à la réutilisation de la chaleur fatale « froide » en comparaison des standards, soit moins de 100 °C. Lauréate récente du concours Filex de France Clusters, elle passe à un nouveau cap de levées de fonds.


ARTICLE PARU LE 28 AVRIL 2023. Toutes proportions gardées, Cixten, c’est un peu une nouvelle version de l’histoire de l’idée née au fond du garage qui approche le Saint Graal. En l’occurrence, l’exploitation de la chaleur fatale de l’industrie, celle qui sort en excédent des process. Les avancées sont suffisamment prometteuses pour valoir à la jeune entreprise de Hoerdt (Bas-Rhin) un trophée du concours national « Filex » du réseau France clusters, décerné ce printemps conjointement avec Materalia, le pôle de compétitivité des matériaux du Grand Est.

Les fondateurs de Cixten, Pierre-Yves Berthélémy en tête, investissent en effet le créneau de la conversion, et par là même de la réutilisation, de la chaleur fatale à basse température, c’est-à-dire à moins de 100 °C. Ce cas de figure est courant, dans des secteurs variés (papeterie, agroalimentaire, data-centers, métallurgie...) mais il rencontre jusqu’à présent des obstacles technologiques et économiques que la start-up se fait fort de pouvoir lever.

 

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« Il est assez effarant de constater la quantité de chaleur industrielle qui se perd, de façon générale et en particulier dans ce segment de la basse température. Celui-ci se heurte aux lois de la physique, en particulier le rendement dit de Carnot, qui diminue au fur et à mesure que l’écart entre une source chaude et froide se réduit », expose Pierre-Yves Berthélémy.

L’ingénieur Arts et Métiers rejoint par d’autres jeunes experts – en simulation thermodynamique notamment - s’est donc attelé à la tâche…dans un garage d’abord, puis dans un espace mis à disposition par l’entreprise de mécanique Pfister dans ses locaux de la zone industrielle de Hoerdt au nord de Strasbourg. Leurs recherches entamées en 2020 ont débouché sur une preuve de concept l’année suivante, le dépôt de deux brevets, l’intégration à l’incubateur alsacien Semia et désormais le fonctionnement en entreprise en bonne et due forme de 5 permanents, renforcés en ce moment d’un doctorant du laboratoire M2P2 (mécanique, modélisation et procédés propres) de l'université d'Aix-Marseille 

« Le projet applique des principes connus en leur greffant une technologie innovante qui doit aboutir à la production d’électricité réinjectable dans les usines, à partir de niveaux de température intéressants pour des secteurs fonctionnant à basse chaleur, comme les papeteries ou la carrosserie industrielle », analyse Karim Chouf, directeur général du pôle Materalia qui accompagne l’entreprise dans sa progression.  

 

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« Le principe est celui de la valorisation de la chaleur fatale dans le cadre de sa conversion, par l’exploitation des propriétés thermophysiques du C02 », résume Pierre-Yves Berthélémy. Ce dioxyde de carbone est comprimé pour parvenir à sa phase supercritique et être « travaillé » dans cet état-là, intermédiaire entre le gaz et le liquide. Les brevets de Cixten portent sur la façon d’exploiter ses propriétes supercritiques, et la jeune entreprise agit sur des paramètres tels que la réduction des frottements et l’efficacité des transferts thermiques. « Le process que nous avons mis au point ne nécessite pas d’utiliser une source chaude en continu, contrairement à l'ORC (*) », poursuit Pierre-Yves Berthélémy.

Le dirigeant titulaire d’un diplômé d’ingénieur franco-allemand était parti pour mener une carrière longue et stable de développement de projets innovants pour un équipementier automobile. Il s’est lancé au bout de 12 ans dans ce projet, dans le but de mettre en accord sa trajectoire professionnelle avec ses convictions personnelles : l’impératif de ménager la planète « et le fait que l’on y parviendra en premier lieu par l’optimisation des énergies, en parallèle d’en trouver de nouvelles. »

 

Prototypes avant l’industrialisation

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Pierre-Yves Berthélémy (au centre), entouré des deux autres fondateurs de Cixten en 2022 : Philippe Wagner et Alexia Berthélémy.
© Mathieu Noyer

 

Cixten a réussi le passage aux cribles technologiques et financiers des premières phases de son développement. Lauréate entre autres, et avant Filex, du concours i-Lab de Bpifrance et de l’appel à projets « industrie bas carbone » de l’Ademe, la start-up a réuni près de 800.000 € depuis ses débuts grâce à ces organismes et à la région Grand Est qui lui a attribué une bourse et des financeurs privés, outre l’injection de fonds propres à hauteur de 50.000 € l'an dernier dans le but de monter la société par actions simplifiée (SAS).

Elle passe désormais aux étapes suivantes : une levée de 400.000 € espère être bouclée cet été auprès de business angels, avant un montage financier en private equity d’1,5 million d’€ visé d’ici à fin 2024. « Cette seconde concrétisation ouvrirait la voie à l’industrialisation », indique Pierre-Yves Berthélémy.

En attendant, Cixten continue à améliorer ses prototypes. Elle cherche dans ce but à nouer des partenariats avec des industriels afin de mener des essais en configuration réelle. Elle a signé des lettres d’intention avec l’entreprise alsacienne d’agroalimentaire Paul Heumann (pains azymes) ainsi qu’avec les Papeteries du Léman en Haute-Savoie.

(*) mode courant de récupération de la chaleur fatale

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