
CHIMIE. Certaines reprises ont du bon. Celle de Pec-Rhin par le groupe chimique autrichien Borealis depuis bientôt deux ans semble en faire partie.
L’usine presque cinquantenaire d’engrais azotés à Ottmarsheim (Haut-Rhin) semblait s’endormir au point de faire craindre son lent mais inexorable déclin au fil de ses changements successifs d’actionnariat, jusqu’en dernier lieu un joint-venture entre BASF et GPN, une filiale de Total.
Borealis la réveille, du moins de ce qu’en rapportent ses dirigeants qui ont récemment ouvert ses portes à la presse. Un autre signe de changement.
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Les actes se joignent en tout cas à la parole. Sitôt la reprise du site bouclée en février 2012, Borealis y a engagé un programme d’investissement de 71 millions d’€ jusqu’en 2016.
Il ne comprend pas d’augmentation nominale des capacités, mais il se traduira quand même par une hausse de la production.
Explication : « Nous portons notre effort sur la fiabilisation des outils, de façon à limiter au maximum les temps d’arrêt : pas plus de 2 jours par mois. Tournant plus longtemps, l’usine produira davantage », souligne Johan van Grootel, le président belge de la société Borealis Pec-Rhin.
Dès l’an dernier, l’usine a augmenté sa production de 30 % pour atteindre 310 000 tonnes, sa meilleure performance depuis 16 ans.
Elle grimpera à 320 000 tonnes cette année et vise en 2015 le pallier de 340 000 tonnes.
Sous son nouveau pavillon, elle a créé une dizaine de postes de travail - elle compte 183 salariés désormais - et les recrutements devraient se poursuivre, à rythme modéré.
Une telle pente ascendante surprend dans le secteur chimique plus habitué à gérer la stagnation ou à tailler en masse dans les capacités.
Elle se justifie par le marché et les ambitions propres de Borealis, répond le groupe majoritairement actif dans les polyoléfines.
« Les engrais représentent une bonne voie de diversification, et c’est un secteur rentable pour notre société. Ils connaissent une bonne tendance, particulièrement en Europe de l’Est où l’on observe une croissance annuelle de 3 à 4 % par l’augmentation des terres arables.», détaille Simon Jones, vice-président en charge du développement.

Borealis s’est fixé l’ambition de devenir le numéro 2 européen des engrais en 2020, en doublant ces volumes (production propre et négoce) pour atteindre 10 millions de tonnes.
Réaliser cet objectif passera obligatoirement par des rachats.
Pec-Rhin a donné le coup d’envoi d’une croissance externe qui s’est poursuivie cette année avec le français GPN et bientôt par le belge Rosier.
D’une seule usine d’engrais en Autriche à Linz, les capacités se sont enrichies de trois sites français pour frôler 3 millions de tonnes produits l’an dernier.
Augmentation des capacités logistiques
Dans cette famille encore appelée à grandir avec les sites Rosier en Belgique et aux Pays-Bas, l'Alsacien est le petit, en volumes produits comme en effectifs.
« Mais c’est un site bien rentable qui présente l’atout majeur de sa position géographique, proche simultanément des marchés français, allemand et suisse, et sans concurrent majeur dans un rayon de 450 km. Or l’engrais a besoin de proximité, ce produit se transporte mal sur de longues distances pour des questions de risques. Il n’a donc pas de problème de taille critique », expose Simon Jones.
Borealis compte faire fructifier cet avantage en améliorant les capacités logistiques. « C’est une donnée fondamentale dans notre métier : il faut savoir entreposer les engrais pendant le temps où ils ne peuvent pas être appliqués par les agriculteurs », appuie le vice-président.
L’un des premiers temps forts du programme d’investissement a consisté à aménager un second hangar de stockage qui double les capacités d’entreposage à 80 000 tonnes, soit un cinquième du total logistique du groupe pour les engrais.
« Ces hangars sont conformes à la règlementation renforcée sur le stockage de ces produits », rappelle Frédéric Calderara, responsable HSE du site. Et pour cause : Pec-Rhin est un homologue d’AZF de triste mémoire…
Le site concentre des quantités impressionnantes de produits tout sauf anodins, mais indispensables à son process. Il produit 250 000 tonnes d'ammoniac par an, dont un tiers pour les besoins de son voisin Solvay-Rhodia, fabricant d’intermédiaires du Nylon.
Stocké dans des cuves de 10 000 tonnes, l’ammoniac réagit avec l’oxygène et l’eau pour obtenir 350 000 tonnes d’acide nitrique. L’ensemble donne ensuite les engrais. « Produire les deux matières de base est nécessaire si l'on veut compter parmi les leaders du marché », rappelle Johan van Grootel.

Borealis en chiffres
- 6 200 salariés, chiffre d’affaires de 7,5 milliards d’€ en 2012 (+ 60 % en quatre ans) dont 726 millions d’€ dans les engrais (multiplication par 2,5 depuis 2009), 480 millions d’€ de bénéfice net.
- Borealis est détenu par l’International Petroleum Investment Company basée à Abou Dhabi (64 %) et par le pétrolier-gazier autrichien OMV (36 %).
Photos : Christian Robischon et Pec-Rhin.