Stellantis achève le plan de modernisation de l’usine historique Peugeot, à Sochaux (Doubs), qui met en oeuvre le précepte du monoflux. D’ici fin juin, elle aura basculé sur une seule ligne de montage au lieu de deux. Une évolution caractérisée par une importante automatisation et une faculté de produire indifféremment toutes les motorisations.


Bienvenue à Sochaux 2022. Les nouvelles installations de l’usine Stellantis dans le Doubs ont ouvert leurs portes le 8 février à la première équipe complète concernée. Elles concrétisent le plan de modernisation assorti de 200 millions d’€ d’investissements que le groupe avait planifié de sorte à leur faire entrer en fonction à l’occasion des 110 ans du site berceau de Peugeot où l’on fabrique des automobiles depuis 1912.


Si quelques murs, toitures et charpentes laissent deviner que l’usine ne date pas d’hier – le ripolinage est en cours jusqu’à l’été – les équipements de préparation et d’assemblage l’ancrent résolument dans le XXIème siècle. « On espère faire de ce nouveau montage le plus efficace d’Europe », souligne d’emblée Christophe Montavon, le directeur de l’usine.



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C’est en effet la partie terminale du site qui bénéficie de la modernisation. Appliquant le précepte du monoflux déjà mis en œuvre dans les autres usines du groupe dont la voisine de Mulhouse, l’usine de Sochaux bascule progressivement sur une seule ligne de montage au lieu de deux. Après une tournée du jour le 8 février, l’autre suivra en avril, avant que le mouvement soit clos fin juin par l’équipe de nuit. C’en sera alors fini du « système 2 ».

Sur la ligne unique, la transformation telle que dévoilée à la presse est spectaculaire. Au sol, les petits véhicules auto-guidés AGV circulent au sol à souhait avec priorité sur les piétons pour amener les composants. Les robots ou « cobots » déjà très présents le sont encore plus, et de grands écrans supervisent les différentes étapes pour déceler un éventuel bug. Les caisses des véhicules alternent entre rez-de-chaussée et étage au fur à mesure que les convoyeurs les déplacent pour une étape suivante.

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Automatisation : maître mot dans la zone logisitique. En photo, les composants sont transportés par un AGV, petit véhicule auto-guidé. © Mathieu Noyer


Dans la zone logistique, de nombreuses pièces, sauf les plus imposantes (roues, panneaux de portes…) et à l’inverse les plus petites (vis, écrous…) sont désormais acheminées par d’étonnants petits véhicules presque plats dénommés « butlers ». Sept d’entre eux sont en service pour l’instant et ils seront une centaine à la fin de l’année. Eux-mêmes seront alimentés en septembre prochain par un transstockeur automatisé, ce système de rayonnage emblématique de l’e-commerce. La « zone de kits » présente elle aussi de fortes analogies avec un centre logistique et ses bacs de pièces pour le picking.

Le nouveau montage, où s’assemblent aujourd’hui des 3008 et 5008, est conçu pour produire indifféremment toutes les motorisations : thermique, hybride ou tout électrique.

 

Une usine concentrée sur moitié moins de surface

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Les caisses des véhicules alternent entre rez-de-chaussée et étage au fur à mesure que les convoyeurs les déplacent pour une étape suivante. © Mathieu Noyer


Sochaux 2022 a pour corollaire le « compactage », ce mot-clé (et ce mot d’ordre) de l’industrie automobile consistant à réduire autant que possible les surfaces inutiles. Sur un site plus que centenaire comme celui de Sochaux, l’opération prend forcément des dimensions hors du commun. L’usine divise par deux les surfaces bâties à l’usage de Stellantis, pour les ramener à 350.000 m2 (et 205.000 m2 sont d’ores et déjà passés dans le giron de Pays Montbéliard d’Agglomération suite à son vote du rachat de 42 hectares de foncier du site le 20 janvier). Le ratio un pour deux « aboutit à concentrer sur 135.000 m2 l’ensemble formé par la ligne de montage, le contrôle qualité et la logistique », calcule Christian Teixeira, responsable du projet Sochaux 2022.

Par exemple, le secteur qualité regroupe désormais son activité sur un peu moins de 10.000 m2, « la surface la plus compacte dans le groupe pour cette fonction », souligne le responsable qualité du site Claudio Colello. Elle se situe en outre désormais dans le même bâtiment que le montage directement à sa suite, ce qui n’était pas le cas auparavant. De même, « la distance entre le stock de masse recueillant les pièces venues de l’extérieur et la ligne de montage passe de 1.000 mètres à 200. Au total, les temps de parcours pour les différentes étapes sont réduites d’un tiers, ce qui diminue la durée du montage à 2 h 30 environ au lieu de 3 h », évalue Christian Teixeira.



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C’est sur ces aspects de temps et d’espace que l’usine gagne en efficacité, la cadence de production restant inchangée pour sa part : 60 véhicules par jour. Mécaniquement, le passage de deux lignes à une ramène la capacité annuelle à 400.000 unités au lieu de 800.000, ce qui ne va nullement corseter le site. Le nouveau seuil n’a que très rarement été dépassé par Sochaux, même avec deux lignes, dans un passé récent : « C’est arrivé deux fois dans les vingt dernières années », souligne Christophe Montavon.

 

Un projet pas encore aussi abouti sur le plan social selon les syndicats

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Le Sochaux nouveau 2022 produira 60 véhicules par jour avec un effectif en diminution progressive. © Mathieu Noyer


Reste une question majeure : Sochaux 2022 est-il synonyme d’amélioration des conditions de travail ? Pas de doute pour la direction, qui souligne à souhait, et démonstration à l’appui lors de la visite, les « avantages ergonomiques », comme les tables élévatrices ajustant la hauteur des postes, les kits de pièces implantés juste à côté de la voiture pour éviter la multiplication des allers-retours, les îlots de restauration flambant neufs …

La visite proposée à la presse se déroulant à une cadence élevée, difficile de prendre le temps de savoir ce qu’en pensent les opérateurs. Du côté des syndicats, si l’on souligne les gains en luminosité et en ergonomie, le sentiment transparait d’un projet pas encore aussi abouti sur le plan social. « La partie sociale n’a reçu qu’un budget réduit », selon Eric Peultier (FO) générant des problèmes très terre-à-terre de blocs sanitaires, de parkings et d’aires de repos, énumère-t-il. A la CFE-CGC, Laurent Oechsel porte un regard assez similaire et pointe aussi « la réduction de la masse managériale » avec des responsables d’équipes contraints de gérer des effectifs plus importants.

Quant à l’emploi permanent, Sochaux 2022 n’inversera pas la tendance à leur stabilisation au mieux, et à leur diminution progressive (6.800 CDI aujourd’hui, incluant la R&D du site de Belchamp). Le berceau de Peugeot devenu Stellantis est concerné comme les autres par le nouveau plan de 2.600 départs voulus volontaires en France sur la période 2022-2023. Sans plus de détails spécifiques pour l’heure.

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