PAPIER CARTON/VOSGES. Entité largement autonome du papetier norvégien, le site Norske Skog de Golbey (Vosges) entend bâtir une bio-raffinerie à l’horizon 2018 en association avec la société Biométhodes.
Confrontée au recul inéluctable du marché du papier journal, l’usine cherche des diversifications dans les domaines des éco-matériaux ou encore de la chimie verte.

 

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Chaque année 550 000 tonnes de papiers journaux sortent des deux gigantesques unités de production.

 

« S’il ne doit en rester qu’un en Europe de l’ouest, ça sera nous ». Pierre Clavel, le responsable développement de l’usine Norske Skog de Golbey, dans la périphérie d’Epinal (Vosges), porte une vision lucide sur l’avenir du site.


380 salariés fabriquent 550 000 tonnes de bobines par an (80% pour l'export) à partir de vieux papiers, de résidus de scierie et de bois d’éclaircie. Ils génèrent un chiffre d’affaires de 270 millions d’€.

 

Démarrées en 1992 et 1999, les deux gigantesques machines à papier – 120 mètres de long par 10 mètres de large – ont traversé l’effondrement du marché du papier journal ces dix dernières années en France et en Europe. En 2014, la demande européenne a encore reculé (moins 6,3%. Source : Maison des industries des papiers et cartons).


Non sans impact social. Au fil des ans, les effectifs de Norske Skog Golbey ont diminué de 570 à 380 personnes et un nouveau plan de 50 départs volontaires a été lancé en fin d'année dernière.


« Le marché du papier journal ne connaîtra pas de rebond. Il faut survivre », analyse-t-il.


Pour maintenir sa compétitivité, l’entreprise ébauche des partenariats dans les domaines des éco-matériaux ou encore de la chimie verte. Le projet le plus ambitieux est une bio-raffinerie baptisée BioSkog qui pourrait sortir de terre à l’horizon 2018 sur l’éco-Park.


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Après deux ans de prospection avec le Pôle de compétitivité Fibres-Energivie, le papetier a retenu la société Biométhodes (Groupe Arbiom) pour lancer ce site pilote industriel autour de la valorisation de la richesse chimique du bois.


Convertis en composés élémentaires de la chimie, les coproduits de l’industrie papetière et certaines essences de bois, remplacent les molécules d’origine fossile.  " Nous ciblons notamment le hêtre, une ressource largement sous-exploitée dans les Vosges ", estime Pierre Clavel.

 

Le fabricant de papier carton et journal s’intéresse également à valoriser autrement les résidus d’incinération des boues issues du recyclage des papiers-journaux. Les 50 000 tonnes de cendres annuelles sont jusqu’à présent valorisées en sous-couches routières et dans les cimenteries.


Depuis plusieurs années, Norske Skog recherche un partenaire pour mieux valoriser ce sous-produit dont la forte teneur en minéraux (liée au désencrage des journaux) pourrait intéresser l’industrie plasturgique. Des travaux ont été menés avec des partenaires notamment bourguignons.

 

Molécules pour améliorer la santé

 

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Pour promouvoir le potentiel « santé » des molécules de bois, Norkse Skog co-anime un consortium avec Harmonic Pharma et l’Université de Lorraine.

 

« Lorsqu’elles sont mélangées à des polymères, les cendres deviennent plus fluides, ce qui a pour bénéfice de raccourcir le temps de cycle des presses. Et remplaceraient avantageusement le carbonate de calcium déjà utilisé pour réduire la part de produits pétroliers dans les plastiques. Mais nous avons besoin d’un partenaire disposant d’un réseau commercial conséquent », détaille le responsable développement.


Ultime diversification envisagée par le papetier : promouvoir les molécules de bois d’intérêt thérapeutique. Avec le consortium Le Bois Santé (LBS) co-initié il y a trois ans, l’Université de Lorraine et la start-up nancéienne Harmonic Pharma, il prépare l’industrialisation d’un procédé de fabrication d’ « alicaments ».

 

Dans l’immédiat, le fabricant de papier journal parie sur mutualisation de sa chaudière biomasse à l’arrêt depuis plusieurs années.  L’équipement (100 GWh par an) devrait être vendu à un consortium dans lequel le papetier est associé à la Caisse des dépôts, Cofely et la communauté d’agglomération d’Epinal-Golbey.

 

« Nous avons déjà réduit de 53% notre consommation de gaz entre 2006 et 2014. L’objectif est de continuer à substituer la biomasse aux énergies fossiles pour alimenter en vapeur le process notre usine, mais aussi nos voisins Pavatex, la tréfilerie Michelin, le réseau municipal et de futurs partenaires qui pourraient s’implanter sur l’éco-parc de 60 hectares en projet face à notre site », poursuit le responsable du développement.

 

 

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La totalité des papiers journaux recyclés dans le Nord-Est convergent vers le site industriel de Golbey.

Alors que 2015 a encore été « une année très difficile » , ces revenus complémentaires pourraient à terme conforter ceux existants : ils représentent aujourd'hui environ de 5% du chiffre d’affaires.

 

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©Philippe Bohlinger.

Qui est Pierre Clavel ?


C’est à la faveur d’une reprise d’études que ce Parisien de 49 ans a posé ses valises dans le Nord-Est il y a trois ans. Après sept années dans les NTIC pour tenter de lancer une start-up, Pierre Clavel a ressenti le besoin de compléter ses compétences.


Son choix s’est porté sur un Executive MBA, commun à l’ICN Business School à Nancy et l’Ecole de management de Strasbourg.


Mais pourquoi le Nord-Est ? « Je devais autofinancer ma formation. Et les programmes MBA proposés dans la région demeuraient quatre fois moins chers que leurs concurrents en Ile-de-France », résume le directeur du développement qui a travaillé treize ans chez Alcatel.


Après dix-huit mois de formation, il rejoint en 2013 l’usine Norske Skog Golbey, dans les Vosges.

 

Photos fournies par l'entreprise.

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