Les confinements liés à la pandémie actuelle boostent les ventes de vin sur Internet. Au point de compenser en partie, notamment pour les bourgognes, l’absence de commandes du secteur des cafés-hôtels-restaurants (CHR), empêché de travailler. Mais la croissance du e-commerce du vin perdurera t-elle ou n’est-elle qu’un phénomène ponctuel ? Le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) croit en une tendance pérenne au point d’avoir organisé un webinaire, à l’attention des vignerons, expliquant en détail la méthodologie pour créer et gérer un site marchand.
Le e-commerce du vin représente 5% du total des ventes en France, d’après Xerfi Spécific, département études d’impact et études de marché du groupe éponyme de conseil (130 collaborateurs, 15 millions d’€ de chiffre d’affaires). On est loin derrière l’industrie culturelle : livres, disques, jeux vidéo…, dont la commercialisation en ligne varie selon les années entre 20 et 30% du marché.
Plusieurs facteurs expliquent ce retard : la logistique de ce type d’articles pondéreux doit être parfaitement organisée et le consommateur peut être freiné par l’absence de connaissances préalables du vin, surtout si le tarif des bouteilles lui paraît élevé, de ses conditions de conservation ou encore, mais plus rarement, de son authenticité.
D’ailleurs, selon le Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et indications géographiques (CNIV), le panier moyen pour près de la moitié des acheteurs en ligne varie seulement de 11 à 22 €. « Reste qu’Internet permet de s’informer, de comparer les prix, de tester ensuite le vin chez son caviste, pour finir par favoriser les commandes en ligne », ponctue Jérémy Robiolle, directeur du Xerfi Spécific.

La pandémie et son lot de confinements, couvre-feux et restrictions de déplacement ont boosté les ventes de vin en ligne avec une augmentation de 3 points des parts de marché. Mais le phénomène est-il pérenne ? Le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) le croit et multiplie les initiatives, comme ce webinaire du 1er avril (*) destiné à favoriser la création de sites marchands dans les petites exploitations.
Appelé comme témoin, Stéphane Aladame est l’un de ceux-là et ne regrette pas (Lire ci-dessous notre encadré). Les négociants s'aventurent aussi sur ce terrain comme la maison Louis Latour avec un club d'achat en ligne, né en juillet 2019, et qui a vu ses ventes multipliées par 4,5 l'an dernier, soit la commercialisation directe de 30.000 bouteilles.
Un marché de l’offre

Jérémy Robiolle assure par ailleurs qu’il s’agit d’un marché de l’offre, tablant à terme sur un doublement des ventes (9 à 10 points). Avec quelques bémols toutefois. A ses yeux, si un géant comme Amazon ne s’y met pas vraiment, la progression sera constante mais limitée. Va t-il pour autant cannibaliser les ventes ?
Non, répond l’expert, prenant l’image du catalyseur qui fait aussi office de repoussoir. A l’exemple de la forte résilience des librairies de proximité qui, pour peu qu’elles se soient organisées en 2020 avec la mise en ligne de leur catalogue et le click and collect, ont très bien fonctionné, avec +10% d’activité pour celles dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 400.000 €.

Il est viticulteur en culture raisonnée et approche bio à Montagny-les-Buxy (Saône-et-Loire). Son domaine de 9 hectares emploie 3 personnes, réalise selon les années entre 300.000 et 350.000 € de chiffre d’affaires et produit des vins blancs et du crémant. La pandémie l’a empêché de faire salon et portes ouvertes, mais également de commercialiser en CHR, soit la moitié de son activité.
Un voisin, web développeur de métier, lui conseille de se doter d'un site de vente en ligne. Il accepte si c’est simple et pas trop onéreux (2.000 € au total, dont 1.500 subventionnés). Lancé fin novembre dernier, sa boutique en ligne génère une dizaine de commandes dans les tous premiers jours et une quarantaine sur le mois de décembre. « J’ai été agréablement surpris du résultat et des possibilités en terme de prospection avec pareil outil qui ouvre vraiment sur autre chose », confesse Stéphane Aladame.
La développement de ce segment des ventes en ligne, durant la crise sanitaire, génère toutefois son lot classique de déconvenues. Si l’audience flambe et la création de sites viticoles explose (entre 400 et 500 actuellement), la moitié ne sont pas rentables et disparaissent, à défaut surtout d’une logistique adaptée, via des plateformes de distribution la plupart du temps externalisées.
Un caviste comme Lavinia (100 personnes en Europe, dont 30 en France), distingué régulièrement meilleur site de vente de vin, l’a bien compris. Outre un catalogue pléthorique, avec 6.500 références en provenance de 30 pays, l’entreprise qui ne communique pas son chiffre d’affaires, mais revendique 100.000 clients et 400.000 bouteilles vendues online par an, soigne son offre et ses livraisons.
« Tous nos vins proposés résultent de dégustations maison, revendiquent le meilleur rapport qualité prix possible et, hors ruptures de stock inopinées, nous respectons le délai annoncé », indique Edouard Margain, le directeur des opérations. Il ajoute, lucide, que l’essentiel de ses ventes découlent toutefois de réassorts et non d’achats spontanés à l'aveugle.

A Dijon, la société Caves Carrière (3.000 références), fondée par l’ancien international de football Éric Carrière, joue parallèlement sur la qualité ergonomique et interactive de ses applications web. Une première baptisée proVINUM, permet de découvrir le vignoble, ses vins, leurs parcelles, le terroir, de connaître les caractéristiques à l’appui d’une fiche, savoir quand les boire, comment les conserver, consulter les notes de dégustation, s'inspirer pour les accords mets/vins…
La seconde s’appelle GeoVINUM et intègre la cartographie de tous les vignobles du monde, selon les données officielles de chaque pays, avec des précisions sur les terrains viticoles, la climatologie… Le rendu est étonnant de précision comme de qualité visuelle. Les bouteilles mises en ligne tournent à 360°, tout comme les images des vignes concernées. De quoi séduire l'amateur de dives bouteilles.
(*) Pas moins de 52 vignerons y assistaient et l’interprofession bourguignonne poursuivra en ce sens selon les besoins exprimés par ses adhérents.