L’étonnante capacité des vers de farine à biodégrader le polystyrène a convaincu le lorrain Vincent Heurtel de lancer sa start-up Worm Generation. Bien accompagné par l’Université de Lorraine et deux entrepreneurs, le jeune ingénieur agronome vise la mise en service d’une première ferme à l’horizon 2023. Il participe ce 27 mai à la demi-finale du concours Enactus France qui récompense les projets entrepreneuriaux à vocation sociale et environnentale.



Les larves d’insectes seraient-elles le maillon manquant dans la chaîne de recyclage des plastiques ? Vincent Heurtel, un étudiant-entrepreneur de 24 ans à IAE Metz School of management, y croit dur comme « vers » !  Le jeune ingénieur agronome a jeté il y a douze mois les bases de son innovation baptisée Worm Generation (« génération vers » en français), un projet fondé sur le double pilier de l’économie circulaire et de l’économie sociale et solidaire (ESS).


Le projet accompagné par l’Université de Lorraine est né dans une boîte en carton. Le jeune pêcheur amateur qu’est Vincent Heurtel y a conservé pendant des années des vers de farine,  précisément des larves de ténébrions meuniers. En quête d’informations sur leur élevage, le lycéen tombe par hasard sur une étude de 2015 des universités de Stanford (Etats-Unis) et de Beihang (Chine), évoquant leur capacité à biodégrader les plastiques.
« Il y a un an, je me suis remémoré cette étude dans le cadre d’un projet européen Erasmus+ co-organisé par mon école d’ingénieurs en agronomie Ensaia à Nancy. Nous devions imaginer un projet de start-up dans le secteur de l’économie circulaire. J’ai eu un flash ! Pendant six mois, avec une équipe pluridisciplinaire de six étudiants internationaux, nous avons planché sur le sujet », évoque l’ingénieur agronome.

 

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Worm Generation semble tout avoir pour réussir. Il répond aux difficultés des industriels à recycler des plastiques comme le polystyrène ou le polyuréthane, des matériaux peu denses, coûteux à transporter jusqu’aux filières de traitement. En effet, les larves auraient la capacité de biodégrader par ingestion les deux-tiers de ces plastiques !
Et elles n’accumuleraient pas de produits toxiques dans leurs organismes. Par ailleurs, leurs déjections ou « frass » constituent un co-produit valorisable en amendement des sols. Enfin, énumère le jeune entrepreneur, les insectes pourraient être commercialisés pour l’alimentation animale, un secteur en plein boom comme en témoigne le parcours d’Ynsect à Dole (Jura).

Vincent Heurtel doit cependant encore lever plusieurs freins. « Nous avons besoin de confirmer en laboratoire les résultats de l’étude scientifique sino-américaine, afin de démontrer que nous disposons de l’ingénierie nécessaire pour optimiser notre processus de dégradation, etc. », éclaire t-il.


Peut-on nourrir des vers avec du plastique ?

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Worm Generation imagine de petites fermes verticales capables de dégrader une tonne de polystyrène par mois.

 
Le jeune ingénieur doit également trouver un moyen de dégrader la fraction de plastiques encore présente dans les déjections des larves de ténébrion. Demeure également un enjeu d’ordre règlementaire : Peut-on nourrir des vers avec du plastique ? « A priori cela devrait être possible dans la mesure où le plastique constitue une alimentation saine pour le vers de farine », argumente le jeune entrepreneur.

Le modèle économique de Worm Generation prévoit de s’appuyer sur des petites fermes verticales de 600 m² au sol, capables de dégrader une tonne de polystyrène par mois, soit l’équivalent de 6 piscines olympiques ! « A l’image de la coopérative Soli’vers qui s’est lancée en 2016 dans l’élevage de vers à Molsheim (Bas-Rhin), nous entendons que nos fermes contribuent à l’insertion des personnes en situation de handicap ou éloignées de l’emploi », précise Vincent Heurtel.

 

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La première ferme dont l’ouverture est prévue en 2023, devrait être divisée en deux parties : une moitié des larves seraient nourrie à partir de plastiques, l’autre partie à partir de résidus alimentaires, le temps pour Worm Generation de développer ses compétences dans le traitement des déjections. Sa participation, ce 27 mai à la demi-finale du concours Enactus France qui récompense les projets entrepreneuriaux à vocation sociale et environnementale, lui donnera un éclairage national, quelqu’en soit le résultat.

Un étudiant-entrepreneur bien entouré


heurtel Depuis septembre 2020, Vincent Heurtel est l’un des 303 étudiants-entrepreneurs accompagnés par le Pôle entrepreneuriat étudiant de l’Université de Lorraine (PeeL). Un statut qui lui permet de poursuivre ses études à l’IAE Metz School of management tout en construisant son projet.
En janvier dernier, le jeune ingénieur agronome a intégré l’Incubateur lorrain, une autre structure de l’Université de Lorraine destinée à favoriser les transferts d’innovation. Parallèlement, il est épaulé par Philippe Lerouvillois, dirigeant de la coopérative spécialisée dans le traitement des déchets Valo’Prest à Florange (Moselle).
Il y a quelques mois, Worm Generation a été rejoint par Marc Lacroix, directeur de l’agence parisienne Exton Consulting. « J’avais besoin d’une expertise économique et commerciale. Lui cherchait à s’invertir dans une aventure entrepreneuriale à fort impact environnemental », résume Vincent Heurtel.

 

Photos fournies par l’entreprise.

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