Le tout jeune Parc national de forêts est l’occasion de faire connaître le vin de champagne produit par une dizaine de domaines en Haute-Marne, l’un des deux départements avec la Côte-d’Or où il s’étend. Le succès de l’oenotourisme donne de grands espoirs de notoriété aux viticulteurs, en même temps que les promesses touristiques du « classement » récent de la forêt. Au moment où la législation russe sème la confusion avec une dénomination « Champagne » en cyrillique sur les pétillants, la communauté champenoise est plus que jamais décidée à préserver ses savoir-faire.
Les acteurs du tourisme de Haute-Marne et de Côte-d’Or ne peuvent pas encore mesurer l’impact du Parc national de forêts (Lire ici l’article de Traces Ecrites News), qui étend ses 50.000 hectares sur le plateau de Langres, à cheval sur le sud de la Haute-Marne et le nord de la Côte-d’Or. L’élan de sa création le 6 novembre 2019 a été stoppé net par la crise de la Covid-19 au printemps suivant.
En témoigne Alexia Volot, gérante de l’abbaye d’Auberive (Haute-Marne), splendide domaine patrimonial qui héberge un centre d’art contemporain. « 2020 a été une bonne saison avec une centaine de visiteurs le week-end mais n’avons pas eu la clientèle des groupes. Le parc est un espoir d’avenir ; si nous captons 10% du potentiel de touristes, la fréquentation de 15 à 20.000 visiteurs annuels passera à 30.000 ; c’est une autre dimension. »
Frédéric Venderdrischen, le propriétaire du château de Courban, restaurant 1 étoile Michelin en Côte-d’Or, parle de « potentiel exceptionnel. » Un signe qui ne trompe pas : le prix de l’immobilier n’est-il pas en train de grimper en flèche, à un niveau qu’auraient pas imaginé les résidents il y a quelques années ?
Le vin et la gastronomie étant une motivation de découverte d’une région qui monte en flèche (10 millions d'oenotouristes par an en France), la communauté touristique fait le pari sur le vignoble de champagne haut-marnais et les quelques belles tables, pour attirer les amateurs notamment étrangers.
Certes, le vignoble haut-marnais n’a pas la prétention de rattraper le niveau de notoriété de ses grands frères de la Marne – avec la Côte des Blancs d’Epernay et la Montagne de Reims – et de l’Aube avec sa Côte des Bars. Mais le petit poucet espère bien trouver la place qu’il mérite. Récent – l’appellation date de 1973 –, le vignoble s’étend sur 80 hectares – un petit point sur la carte des 34.300 hectares de l’appellation Champagne –, et son manque de moyens en marketing par rapport aux marques de prestige limite sa notoriété au marché régional.
Le pari du tourisme oenologique

Qu’à cela ne tienne, les acteurs – ils sont une petite dizaine – entendent profiter du récent Parc national de forêts pour faire connaître à ses visiteurs leur production champenoise, majoritairement de pinot noir. Pour convaincre les oenotouristes, les comités départementaux du tourisme de Haute-Marne et de Côte-d’Or ont fait une belle démonstration d’accords mets et vins le 28 juin, à l’abbaye d'Auberive.
Deux chefs ont travaillé ensemble pour la première fois, l’un avec ses inspirations japonaises, Takashi Kinohita, chef 1 étoile Michelin du Château de Courban (Côte-d’Or), l’autre d’inspiration traditionnelle française, André Jacoulot, chef des 3 Provinces à Vaux-Sous-Aubigny (Haute-Marne). Cinq domaines de champagne ont accompagné leurs créations, la maison Mocquart-Esmard Jean-Pierre et fils à Colombey-les-deux Eglises, Adeline et Nicolas Bass, et Monique et Jean-Jacques Daubanton, tous les deux à Rizaucourt, Hervé Hudelet à Richebourg et le domaine Godin Schuester à Rizaucourt Buchey.
Pour aussi faire valoir ses bulles, la Côte-d’Or qui n’est pas dans le périmètre de l’appellation champagne, avait mis sur table un Crémant du Domaine Bouhélier, famille pionnière du renouveau du vignoble Châtillonnais en 1988. Et pour compléter l’inventaire de ses richesses oenologiques, la Haute-Marne avait sorti ses vins tranquilles, une petite production illustrée principalement par le Muid Montsaugeonnais à Vaux-Sous-Aubigny qui travaille quatre cépages, Pinot Noir, Gamay, Chardonnay et Auxerrois.
Plutôt que de grands discours, la lecture du menu (ci-dessous) laissera à chacun apprécier les accords possibles tout au long d’un repas. L’accompagnement de l’entrée au dessert est une habitude bien ancrée sur les territoires de la et du champagne ; ailleurs, la plupart des consommateurs le réserve à l’apéritif et au dessert.

Une Marque parc. Le Parc national de forêts est une opportunité de mettre en valeur les productions régionales agricoles et artisanales ainsi que les hébergements. La Marque Esprit-parc national – une marque collective des parcs nationaux français – s’applique depuis peu également aux oléagineux (blés, orges, avoines, millet, épeautre etc.) et oléo-protéagineux (navette, sésame, lentilles, pois chiche, pois cassé, lupin, chenevis, fèves, haricots secs, etc). Un beau potentiel pour les agriculteurs locaux qui commencent à développer des outils de transformation à l’instar de Biotopes qui a créé à Auberive, une unité de tri et d’ensachage de céréales.

Abbaye cistercienne fondée au 12e siècle par Saint Bernard de Clairvaux, elle atteint son apogée en termes de possessions au 13e siècle avec 11 granges, 4 maisons de ville, 14 moulins, 13 étangs, une mine de fer, une autre de sel et des vignobles.
Elle a été rénovée par les moines de Saint-Benoît au 18ème siècle : c’est l’aile ouest qui abrite aujourd’hui un centre d’art contemporain.
Devenue bien national en 1791, elle été rachetée par la suite par un capitaine d’industrie de la région de Langres, Caroillon de Vandeul, gendre de Diderot, qui y installa une filature de coton. L'abbaye prit ensuite un destin de lieu de villégiature, puis site de forges de la famille Bordet qui la vendit à l’administration pénitentiaire. Démarre alors une période sombre, celle d’une prison de femmes et eut comme « hôte », la communarde Louise Michel, détenue 20 mois entre décembre 1871 et août 1873 avant sa déportation en Nouvelle Calédonie. Ensuite, lieu de « rééducation » pour délinquantes mineures jusqu’à la fin la seconde guerre mondiale, elle devint colonie de vacances des enfants du personnel de l’entreprise Solvay dans les années 1960 et jusqu’en 2004.
L’homme d’affaires natif de Haute-Marne Jean-Claude Volot (groupe Dedienne Aerospace) tombe sous le charme et entreprend une lourde rénovation pour y satisfaire son pêché mignon, l’art contemporain.
Maintenant toute la famille est à l’oeuvre pour en faire un endroit ressourçant, une destination touristique et lieu de réceptions. « En 15 ans, le centre d’art contemporain avec ses 2.000 m2 d’expositions [ qui présente cette année les oeuvres du sculpteur Marc Petit dans les jardins, ndlr ], est entré dans les catalogues », précise Alexia Volot, fille du propriétaire et gérante de la société qui emploie 6 personnes. La visite du patrimoine vaut à elle seule le détour en particulier le choeur de l’ancienne abbatiale cistercienne dont il ne reste plus que le chevet, rafraîchi avec des vitraux contemporains (Alexia Volot pose devant sur la photo © Traces Ecrites).
Le verger conservatoire d’une quarantaine de variétés de pommiers et poiriers, planté par les moines bénédictins, est toujours exploité : il fournit 1.500 litres de jus de fruits par an, vendus à la boutique de l’abbaye.


Cette réserve aura aussi un but scientifique avec l'observation à long terme des effets du changement climatique sur l'écosystème forestier.