Trois whiskys maturent sur les terres du Grand Est, région productrice d’orges. Alors que la distillerie lorraine Grallet-Dupic, à l’origine d'une version pionnière en 2007, se prépare à doubler sa production, sa jeune homologue de Soligny, dans l’Aube, sort cet automne son premier single malt. En Haute-Marne, la brasserie de Lingone s'est également lancée dans cette aventure, son eau de vie de malt qui sort ces jours-ci préfigurant un whisky attendu en 2025.
A Rozelieures (Meurthe-et-Moselle), à mi-chemin entre Nancy et Epinal, la ferme-distillerie Grallet-Dupic est la pionnière régionale du whisky. Elle y baigne avec succès, au point de prévoir doubler ses capacités de distillation et de maturation. De quoi donner les moyens à cette famille de céréaliers et arboriculteurs d’étoffer encore sa production de « single malt » lorrains, et de commercialiser de premières bouteilles affichant dix ans d’âge.
Pour l’entreprise de 15 salariés, cet objectif est synonyme d’agrandissement de ses chais, mais aussi de sa malterie. « Nous faisons partie des rares distilleurs au monde à maîtriser l’ensemble des étapes de production du whisky. L’orge que nous faisons pousser sur notre exploitation de 300 hectares transite par notre malterie de Lépanges-sur-Vologne (Vosges), avant d’être brassée puis distillée par nos soins. L’eau de vie de malt ainsi obtenue est ensuite vieillie dans des fûts de vins de Bourgogne, de la vallée du Rhône ou du Sud-Ouest », détaille Sabine Grallet-Dupic, directrice générale de la distillerie.
Grallet-Dupic a fait sienne la devise « de la terre jusqu’au verre », en embouteillant chaque année deux à trois whiskys dits parcellaires, offrant une traçabilité des orges jusqu’à la parcelle.
Le premier produit de Rozelieures a été vendu il y a 16 ans sur un périmètre lorrain, qui a été étendu par la suite à toute la France. Il le sera sans doute bientôt aussi à l’international, grâce à l’arrivée, cet été, de Maxime Dupic, 25 ans, ingénieur aéronautique et représentant de la sixième génération de dirigeants familiaux.
Première bouteille dans l’Aube

La maturation du breuvage anglo-saxon dans le Grand Est ne s'arrête pas là. A Soligny-les-Étangs (Aube), aux confins de la Champagne, la jeune distillerie de Soligny annonce la commercialisation, depuis cet automne, de son premier whisky, justement baptisé « Aube ». Sur un terroir habituellement associé à la viticulture, Véronique et Vincent Godier concrétisent l’ambition de leur seconde vie entamée en 2018.
Ces deux ingénieurs agronomes ont commencé leur cheminement par un patient travail sur la production d’une orge à whisky dans les deux fermes dont ils sont propriétaires dans l’Aube. Le duo a élaboré son single malt à partir des céréales de printemps maltées dans les Vosges, dans les installations de la famille Grallet-Dupic.
Avant de sortie « Aube », Véronique et Vincent Godier ont patienté trois ans, un délai incompressible de vieillissement en fûts de chêne imposé par la législation pour produire un whisky. Cette étape s’est déroulée dans des contenants français neufs, ainsi que dans des fûts de vins de Bourgogne provenant des parcelles qu'ils possèdent à Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or), ou encore d’amis vignerons de la Côte de Nuits.
Troisième eau de vie de malt

En Haute-Marne, la brasserie Lingone marche dans les traces de ses deux aînées, rappelant au passage que le procédé de fabrication du whisky demeure très proche de celui de la bière. Installée depuis 2019 à Rivière-les-Fossés, l’entreprise lance, ce 15 novembre, la troisième édition de son eau de vie de malt, un spiritueux vieilli en fûts de Cognac qui préfigure le lancement en 2025 d’un tout premier whisky.
Brasseur et responsable d’exploitation, Jérémie Poppé explique que « nos eaux de vie de malt ont pour objectif de montrer au public l’évolution d’un produit avant qu’il devienne un whisky proprement dit.» Petit clin d’œil à l’histoire, le whisky a été baptisé « Sabinus » en référence au nom du chef d’un peuple gaulois qui aurait vécu caché dans une grotte de Haute-Marne.
Outre la Lorraine et la Champagne-Ardenne, l'Alsace compte de fervents distilleurs de whiskys. Elle est d'ailleurs l'une des deux territoires français, avec la Bretagne, à avoir obtenu, en janvier 2015, une IGP (indication géographique protégée) basée sur un cahier des charges à respecter pour pouvoir apposer la mention « Whisky alsacien. »
Dans une interview à la newsletter spécialisée Bouillant(e)s, Philippe Jugé, premier directeur de la jeune Fédération du whisky de France (née en 2016), comptabilise 80 distilleries ayant déjà sorti une telle boisson dans l’Hexagone, soit une production de 1,5 million de bouteilles par an. Leur répartition géographique serait assez homogène, car historiquement, on a toujours distillé des eaux de vie un peu partout en France.





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