BOISSONS/BAS-RHIN. L’une des dernières brasseries familiales et la plus ancienne de France a passé la main cet été à la 8ème génération, Édouard Haag, au sein d’un directoire à trois têtes.
L’entreprise lance régulièrement des bières éphémères, une façon de tester un marché sur un segment premium de plus en plus marqué, et prépare l’ouverture d’un restaurant à Strasbourg.

Meteor reste une affaire de Haag. Représentant la huitième génération, Edouard Haag a pris, depuis le 1er juillet, les rênes de la brasserie familiale de Hochfelden (Bas-Rhin) de 200 salariés, la plus ancienne de France en activité puisque son origine remonte à 1640. Mais la famille n’est plus seule à piloter le navire : la nomination du jeune homme de 32 ans coïncide avec la création d’un directoire à trois têtes, complété par Philippe Généreux et Alain Daeffler.
Pas de quoi susciter pour autant des interrogations sur le maintien de l’indépendance : les deux autres dirigeants généraux, qui ne font pas partie de la famille, sont néanmoins investis dans Meteor depuis de longues années. Ils y exerçaient déjà des responsabilités opérationnelles, respectivement techniques et administratives, aux côtés et selon les souhaits de Michel Haag, quand même bien celui-ci occupait depuis 1975 le poste unique de président de la SA. Père d’Édouard, il devient président du conseil de surveillance qui chapeaute le directoire de la désormais SAS.
De par son parcours fortement inspiré de son cursus à l’ESCP Paris, Édouard Haag endosse tout naturellement l’habit du spécialiste du commercial au sein de la nouvelle gouvernance. Sur ce point également, la transition a été bien préparée puisqu’il est en charge de cette fonction depuis plus de deux ans.
A ce titre, le jeune entrepreneur a co-impulsé un double mouvement « : premiumisation et extension géographique », qu’il compte confirmer et intensifier. « Le positionnement un peu plus premium nous réussit. A production constante de 500.000 hectolitres par an, le chiffre d’affaires augmente régulièrement », décrit-il. En 2017, il s’élève à 55 millions d’€, contre 40 millions il y a une dizaine d’années. Sa croissance atteint 9 % sur les huit premiers mois de 2018, avec un bon coup de pouce de la canicule d’été qui a fait turbiner les cuves jour et nuit.
Grande distribution et cafés-restaurants à parts égales

« Nous nous appuyons, d’une part sur les bières de spécialité, d’autre part sur les bières plus classiques que nous élaborons avec une recherche de goût plus marqué qui nous autorise un différentiel de prix de l’ordre de 10 %, voire davantage dans des cas spécifiques, avec les produits de même segment de la concurrence », poursuit Edouard Haag. Souvent, ce positionnement se traduit aussi par un degré d’alcool un peu plus élevé. La Lager, l’un des deux best-sellers avec la Pils, tire à 5° contre une référence à 4,2 % sur son segment.
Du côté des canaux de distribution, les CHR (cafés, hôtels, restaurants) voient leur proportion augmenter régulièrement. Longtemps minoritaires, ils occupent désormais une part égale à celle de la grande distribution. Toutes ces mutations s’opèrent à effectif constant : un motif de fierté pour les Haag qui est légitime dans le secteur de la bière plus habitué aux plans sociaux.

Le développement géographique s’inscrit dans un mouvement bien enclenché par Michel Haag. « Il se concrétise prioritairement dans les bars à Paris et Lyon, puis dans le Sud-Ouest », souligne Edouard. En grande distribution, le Nord-Est demeure le périmètre de référencement de Meteor, ce qui n’exclut pas des extensions plus ponctuelles.
A l’export en revanche, la cartographie est bien figée : les 5 % de volumes écoulés hors France se concentrent dans quatre pays, États-Unis et Grande-Bretagne notamment comme « bière française » se voulant incontournable des chaînes de restauration tricolores, Chine et Italie.
L’une des armes de la croissance et de l’innovation, ce sont les bières éphémères. Le principe consiste à lancer tous les 3 à 4 mois une nouveauté, en bars, d’en tester la réponse du marché et si elle est positive, de pérenniser la nouveauté. « Les volumes concernés, de 500 à 1.000 hl, demeurent bien sûr marginaux par rapport à notre total, mais ils ne sont pas anecdotiques non plus. Le concept nous permet d’opérer de la R&D à grande échelle, et ainsi de nous parfaire dans les bières techniques ».
Bières éphémères pour tester un marché

Les dernières en date sont ainsi plus riches en goût de houblon, plus épicées, ou particulièrement aromatiques pour la « Barbe verte » née mi-août. Ces lancements accélérés stimulent l’investissement de la brasserie qui suit une cadence de 3 à 4 millions d’€ par an. Meteor revendique une culture de l’innovation qu’elle identifie comme l’incarnation de son positionnement, « la plus petite parmi les grandes et la plus grande des petites » . « Nous portons la même culture d’entreprise que les micro-brasseries. Comme elles, nous estimons avoir vocation à faire bouger les lignes de notre secteur », déclare Edouard Haag.
Il est un domaine où le dirigeant a déjà imprimé sa marque : la communication. Finies les affiches 4x3, la priorité va désormais d’une part à ne manquer aucun salon professionnel ou grand public qui en vaille la chandelle, et à investir le digital, avec le souci permanent de ne pas dévier de la ligne de crête tracée par la loi Évin. « Nous avons démultiplié notre présence sur les réseaux sociaux. En peu de temps, nous sommes passés de 10.000 à 90.000 fans sur Facebook ».
Ces évolutions s’inscrivent dans le respect de la riche histoire de la brasserie Metzger & Haas. Après avoir porté le nom de ses deux familles, la bière s’est rebaptisée de la consonance plus française Meteor au sortir de la Première guerre mondiale. Edouard Haag a œuvré d’ailleurs à mieux exposer au grand jour cette saga, en maître d’œuvre de la Villa Meteor attenante aux lignes de production de Hochfelden et ouverte en 2016 pour les visites du public.
Il reviendra à la nouvelle équipe dirigeante de concrétiser un autre lien avec le passé : le restaurant Meteor à Strasbourg. Edouard Haag confirme l’objectif de son ouverture « courant 2019 » rue du 22 Novembre, en association avec le « multi-restaurateur » local Franck Meunier. Le lieu se voudra tourné vers l’avenir, tout en ressuscitant la taverne Meteor qui avait rythmé la vie strasbourgeoise jusque dans les années 1960.
Qui est Édouard Haag ?

A 32 ans, le fils des emblématiques Michel et Yolande Haag présente déjà un parcours varié… et éloigné de la bière, à dessein : « la tradition familiale inscrit la nécessité de travailler dans d’autres secteurs avant de prendre la direction », rappelle-t-il. Le cursus pour l’obtention de son diplôme de l’ESCP Paris l’a mené au campus de Londres de l’école de commerce parisienne, en stage chez Apple Europe, au Mexique et à San Francisco pour une société du web.
La nouvelle économie a forgé ses premiers pas, et comme entrepreneur, avec la co-fondation d’une société de numérisation de fonds d’archives et de supports analogiques (cassettes VHS, diapositives…) nommée Kubosphère.
Aujourd’hui installée dans Paris, la start-up a été créé à La Courneuve dans la cité des 4000 conformément au souhait d’Édouard Haag d’œuvrer au développement de l’activité en quartier social. Il a ensuite intégré Meteor en 2014 pour prendre la direction commerciale un an plus tard et ainsi se préparer à la nouvelle étape du 1er juillet dernier.