Après avoir passé plus de vingt ans à développer sa solution d'injection sans aiguille Zeneo, l'entreprise va ouvrir un second site de production à Arc-lès-Gray (Haute-Saône), en plus de ses locaux existants et muscler ses lignes de fabrication. Avec pour objectif une capacité de 6 millions d’unités par an, dix fois plus qu'actuellement.

 

Cette fois, c’est la bonne ! Après plus de 21 années consacrées à développer sa solution d’injection sans aiguille Zeneo, la medtech dijonnaise Crossject industrialise sa production. Elle va sortir ses premiers lots commerciaux, à la fin de cette année ou au début de la prochaine, . « C’est une révolution à notre échelle. Nous fabriquions déjà, évidemment, mais il s’agissait jusqu’à présent de lots jalons, pour nos différentes études et pour nos démarches d’enregistrement. Désormais, il s’agit de produire en continu plusieurs dizaines de milliers d’unités par mois, ce qui implique de profondes évolutions de notre outil de production et de notre culture », confie Patrick Alexandre, fondateur de la société en 2001 et président du directoire.

Le défi semble titanesque : Crossject entend, dans les prochaines années, multiplier par plus de 10 sa production, laquelle passerait de 500.000 unités de Zeneo à 6 millions par an. Pour y parvenir, la direction compte sur une augmentation de la productivité de ses lignes, autant que sur un accroissement du nombre de machines. Chaque étape de fabrication est ainsi scrutée à la loupe, afin d'être optimisée.

Aujourd’hui, un opérateur ou une opératrice vérifie manuellement la résistance à la pression de chacun des tubes en verre qui est fabriqué. Une fois ceux-ci mis en place, ils sont vissés sur la machine de test. Un automate, actuellement en phase d'essai, remplacera le salarié ou la salariée et sera capable de vérifier deux tubes à la fois, avec une productivité multipliée par 4 ou 5. Pour autant, Crossject conserve une exigence de qualité sans faille, nécessitant des interventions humaines à chaque étape de fabrication pour vérifier, un à un, les éléments produits. « Nous n’avons aucun droit à l’erreur, notre mission, c’est de sauver des vies dans des situations d’urgence. Un Zeneo ne peut pas présenter de défaut », rappelle Bertrand Dimet, directeur de la production.

L’entreprise exploite deux sites, l'un à Dijon (Côte-d’Or) qui accueille le siège social, la R&D et une petite partie de la production, l’autre à Arc-lès-Gray (Haute-Saône), qui abrite l’essentiel de la production de l’injecteur sans aiguille. Afin d'augmenter ses capacités, Crossjet lui adjoint un second bâtiment de 1.000 m2, en cours de réaménagement pour une enveloppe d’1 million d'€ (hors acquisition des machines).

L'extension sera opérationnelle au second semestre 2023. Elle prendra place à 500 mètres des locaux actuels, rue Giranaux dans l'ancien site d'enseigne d’accessoires de cuisine Mittaine. « Le site Giranaux sera dédié à la fabrication du générateur et à l’assemblage de l’actionneur de Zeneo. La partie trempage des tubes en verre reste dans nos locaux actuels, rue des Vernottes », détaille Bertrand Dimet. Après la mise en service de ce nouvel atelier, qui hébergera 7 à 8 machines, l’entreprise compte lui adjoindre, en 2024, un nouveau bâtiment de 100 m2, sécurisé, car dédié au stockage des poudres utilisées dans chacun des injecteurs sans aiguille, à raison de quelques milligrammes.

 

Des accords en Amérique du Nord, Allemagne, Chine et Inde

directeur prod crossject
Bertrand Dimet est le directeur de la production de Crossject. © Arnaud Morel


Crossject voit plus loin encore à Gray. L'entreprise s'apprête en effet à acquérir un autre terrain de 3 hectares, où elle entend rassembler toutes ses activités de fabrication dans les 5 à 10 prochaines années, afin de porter ses capacités à 12 millions d’unités à l’année. « Nous employons aujourd’hui une centaine de personnes, 70 à Dijon, 30 à Arc-lès-Gray. Nous recruterons progressivement en Haute-Saône pour monter nos effectifs totaux entre 150 et 200 employés », pronostique Patrick Alexandre. Immédiatement, les besoins de recrutement demeurent plus modestes : une dizaine de postes, principalement de production, dans le semestre à venir.

Crossject, côté en bourse, a réalisé un chiffre d’affaires de 912.000 € en 2021, et annoncera ses résultats 2022 le 28 mars prochain. « Notre chiffre d’affaires est naissant durant cette phase d’innovation », commente le président du directoire.

Les choses devaient rapidement changer. Le coup d’accélérateur est venu de l’énorme contrat décroché, en juin 2022, auprès de la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) américaine. Ce marché prévoit la fourniture de 360.000 unités Zeneo Midazolam, un antiépileptique pouvant également être utilisé en cas d’attaque chimique. Cette commande ferme est destinée à l’armée américaine. Ses premières livraisons sont prévues en fin d’année ou en début d’année prochaine. Elle est suivie d’une optionnelle, pour 416.000 unités supplémentaires. Le contrat représente 95 millions de dollars de commande ferme, et 155 millions si l’option est activée.

 

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Crossject a également négocié des accords de licence avec ses consoeurs Eton Pharmaceuticals, pour les Etats-Unis et le Canada (Zeneo hydrocortisone contre l’insuffisance surrénale aiguë), et Destiny en Allemagne (Midazolam), ainsi qu’en Chine et en Inde (Zeneo Methotrexate contre la polyarthrite rhumatoïde). Tous sont conditionnés aux autorisations de mise sur le marché (AMM), espérées d’ici à deux ans. « On trouvera Zeneo en pharmacie rapidement après ces AMM, au moins aux USA, en Grande-Bretagne et en Allemagne. En France, les procédures réglementaires sont plus lentes, il faudra sans doute attendre deux années supplémentaires », estime Patrick Alexandre.

 

En images : la fabrication d’un Zeneo

Etape n° 1 : Les tubes en verre, réalisés par un prestataire, passent à la trempe thermique pour en améliorer la résistance.

1 trempage crossject
© Arnaud Morel

 

Etape n° 2 : La résistance à la pression de chaque tube est testée individuellement, aujourd’hui avec une mise en place manuelle, demain avec un robot déjà à l’essai.

controle manuel et auto
Test manuel (à gauche) et test automatisé (à droite). © Arnaud Morel

 

Etape n° 3 : Chaque tube est vérifié à la loupe par une opératrice : l’effectif est largement féminisé chez Crossject.

vérification manuelle
© Arnaud Morel

 

Etape n°4 : Le tube est expédié à Dijon où il subit un processus dit PARC (Prêt À Remplir Crossject) : stérilisation, siliconage pour améliorer la vitesse d’injection, dépyrogénation à 200°C. Il est ensuite expédié dans l'entreprise Cenexi, à Braine-l’Alleud en Belgique, où il sera rempli de la solution médicamenteuse voulue.

4 parc crossject
© Crossject

 

Etape n° 5 et 6 : À Arc-les-Gray, le générateur de gaz et l’actionneur du dispositif sont assemblés, une petite dose de poudre est mise en place. Après inspection, le mécanisme est assemblé. Il sera expédié chez Cenexi, qui insère le tube médicamenteux et finalise le packaging.

6 mise en place mécanisme crossject
© Arnaud Morel

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