Ils ne vont pas bloquer les routes, car ils estiment que ce n’est pas dans la rue que l’on résoud les problèmes. Mais les organisations patronales lèvent la voix contre les réformes du gouvernement concernant les entreprises, en particulier la fiscalisation accrue du Gazole Non Routier et la suppression de l’abattement sur les salaires. Les travaux publics et le bâtiment sont en premières lignes, mais aussi les transporteurs routiers.
La rentrée du patronat qui, en Bourgogne-Franche-Comté, se déroule avec l’Université d’été du Medef (Lire l’encadré) avait laissé une impression plutôt sereine. Quinze jours plus tard, six organisations professionnelles (*) – dont le Medef – tape du poing sur la table à l’occasion d’une conférence de presse, hier lundi 16 septembre à Dijon.
À l’initiative de ce rassemblement, la Fédération Régionale des Travaux Publics (FRTP) qui avait déjà fait savoir à plusieurs reprises, depuis l’automne dernier, son mécontentement en raison de la suppression de l’avantage fiscal sur le Gazole Non Routier (GNR), un diesel utilisé pour les engins de chantier qui bénéficie, pour quelques mois encore, d’une taxation allégé. Il est vendu 70 centimes le litre et la refiscalisation va relever le prix d’un tiers.
Les patrons y ajoutent un autre sujet de contrariété : la suppression de l’abattement de 10% sur les salaires. Il s’agit d’un allègement des charges de l’employeur destiné à prendre en compte le paiement aux employés de frais de déplacement et de repas pour se rendre sur un chantier. Sur ce « brut abattu » sont calculées les cotisations patronales et salariales.
Pour cette mesure, beaucoup de secteurs d’activités sont concernés. En plus des travaux publics, aussi très largement le bâtiment, le transport routier et d’autres métiers comme les visiteurs médicaux et les entreprises de nettoyage. « Avec ces deux dispositifs, les entreprises perdent leurs marges, et les plus petites vont à l’encontre de difficultés de trésorerie », résume Vincent Martin, le président de la FRTP Bourgogne-Franche-Comté.
Les dés sont jetés pour le Gazole Non Routier (GNR). Le relèvement des taxes va se faire en trois fois à partir de juillet 2020. La suppression de l’abattement forfaitaire est lui en débat pour le projet de loi de finances 2020.
Pas de blocage du trafic routier

Le débat ne se déroulera pas dans la rue. Du côté des travaux publics, pas d’opération escargot comme ils l’avaient fait l’année dernière. Leur représentant national va demander des « compensations », aujourd’hui même à Paris, à Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes Publics. « Il faudra qu’il nous explique comment les entreprises vont pouvoir supporter ces charges nouvelles et comment les répercuter sur les prix de vente. »
Pas de blocage du trafic non plus par les transporteurs routiers, rassure Georges Grenier, président régional de la Fédération Nationale des Transports Publics (FNTR). Sauf si, prévient-il, les chauffeurs de poids-lourds prennent eux-mêmes l’initiative de rejoindre les gilets jaunes sur les ronds-points avec leur camion… Car si le GNR n’est utilisé dans le transport routier que pour une partie de la flotte – les camions frigorifiques –, la suppression de l’abattement sur les salaires va enlever aux chauffeurs un pouvoir d’achat de 80 à 100 € par mois, précise t-il. « Et les employeurs ne pourront pas maintenir le niveau de salaire. »
Le mouvement de grogne gagne aussi les entreprises du recyclage qui utilisent elles aussi des engins de chantier. « Par exemple, dans mon entreprise, cela coûtera 350.000 € par an », a évalué Geoffroy Secula, président de l’association Prodec qui regroupe une vingtaine d’entreprises du secteur et par ailleurs, président de la CPME Côte-d’Or. Tout comme celles des industries des carrières. « C’est 150 millions d’€ de manque à gagner au plan national », précise Jean-Philippe Rivat, secrétaire général de l’Unicem (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction.
Les entrepreneurs concernés relèvent un anachronisme. La défiscalisation du GNR est maintenu pour les agriculteurs. Vincent Martin n’hésite pas à qualifier cette différenciation de « honte », d’autant que les entreprises de travaux publics subissent de plus en plus la concurrence d’agriculteurs qui vendent des prestations de petits travaux aux communes. Le représentant régional de la Fédération Nationale des Transports Routiers témoigne du même type de concurrence du milieu agricole pour le transport de marchandises en camions bennes.
Concernée à la marge pour le GNR, la filière du bâtiment s’est associée à ses cousins des travaux publics, par « solidarité » pour reprendre le terme d’Alfred Morais, le président de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petit entreprises du bâtiment) Bourgogne-Franche-Comté. Son sujet de préoccupation, c’est la suppression de l’abattement sur les salaires.
« Après avoir subi plusieurs années de crise, notre secteur commençait à relever la tête et réembaucher, comment attirer des vocations avec la suppression d’un avantage ? », s’interroge Bernard Laborey, président de la Fédération Régionale du Bâtiment de Bourgogne-Franche-Comté qui doute de pouvoir répercuter ce surcoût sur les prix de vente aux particuliers, unique clientèle d’un grand nombre de petites entreprises du bâtiment.
Le sujet déborde sur le plan purement politique du côté des représentants « généralistes » du patronat. « Depuis le gouvernement Macron, la ligne Impôts et taxes pour les entreprises ne cesse d’augmenter », estime Benoît Willot, président de la CPME Bourgogne-Franche-Comté, « les entreprises ne sont pas la variable d’ajustement des dépenses de l’État. »
Même ton pour Jean-Philippe Richard, président du Medef Bourgogne-Franche-Comté. « Il faut que le gouvernement réalise que c’est l’entreprise privée qui créé des emplois et si on change sans cesse les règles du jeu, les entreprises vont se lasser … », dit-il, regrettant la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Plus généralement, les représentants patronaux s’accordent à critiquer « la politique de la demande pour créer du pouvoir d’achat [ allusion à la baisse d’impôts de 9,3 milliards d’€ pour les ménages au projet de loi de finances pour 2020 ]. »

À l'Université d'été, le ton était plutôt à l’encouragement de l’esprit d’entreprendre avec comme fil conducteur des conférences, « Un monde sans limite ». Plusieurs chefs d’entreprises ont témoigné de leur conviction qu’il est toujours possible d’aller plus loin, à condition de s’en donner les moyens.
La séance des pitchs a par ailleurs donné l’occasion de découvrir cinq jeunes entrepreneurs, sélectionnés sur dossier et d’en honorer un, précisément une, Florence Bardon qui a su convaincre le jury avec son projet de coopérative funéraire, Info Funéraire, qui repense l’accompagnement lors d’un décès. La jeune femme a su détendre l’atmosphère en rappelant au public que tous, étaient des clients potentiels !
« Il est parfaitement concevable de prévoir un régime de base, avec un taux de cotisation acceptable par tous, sorte de premier étage à caractère universel applicable à tous les actifs et ce pour les 40.000 premiers euros de revenus annuels et, au-delà, un deuxième étage complémentaire distinct pour chacune des trois grandes catégories d’actifs, salariés du privé, travailleurs non-salariés et salariés des fonctions publiques et des régimes spéciaux. »
(*) Les syndicats patronaux généralistes : Medef et CPME et les organisations professionnelles : Capeb, FFB, FRTP, Unicem.