L'électronicien Cimulec à Ennery (Moselle) profite de la montée des commandes dans le secteur de la défense, son principal débouché. Il anticipe une hausse de 13% de son chiffre d’affaires cette année. L’entreprise de 200 salariés, lauréate de deux appels à projets de France Relance, doit cependant composer avec un environnement incertain.


Les hautes altitudes constituent le terrain de jeu favori de Cimulec, ses circuits imprimés embarquant dans des avions de combat, mais aussi des satellites de télécommunications. La PME basée à Ennery (Moselle), au nord de Metz, est en revanche moins à son aise dans les montagnes russes de la conjoncture…

Alinsi, ses carnets de commandes sont restés désespérément vides à la fin de l’année 2021 suite à la pandémie de Covid. Mais aujourd’hui ils sont chargés, pour les douze mois à venir, ce qui offre une visibilité plutôt confortable. Ce constat conduit le président de l'entreprise familiale, Laurent Bodin, à décrire « une situation économique très favorable, mais dans un contexte éminemment complexe ».

En effet, si Cimulec anticipe pour cette année une progression de 13 % de son chiffre d’affaires par rapport aux 23 millions d’€ réalisés en 2022, il doit composer avec les difficultés de recrutement, la hausse du prix des énergies et des problématiques de trésorerie.

Ces contraintes rendent le challenge particulièrement ardu pour ce groupe lorrain de 200 salariés composé des sociétés Cimulec à Ennery, CSI-Sud ouest à Toulouse et Systronic dans l’Essonne. L’entreprise évolue sur un marché de niche, celui des circuits imprimés qu’elle fournit majoritairement à des clients dans le secteur de la défense : Thales, MBDA, Safran, Airbus Defence and Space, Saab, etc.

 

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Ces éléments composés de multiples couches de cuivre isolées entre elles et percées d’une kyrielle de minuscules trous sont livrés à des assembleurs qui y implantent des composants destinés à rendre les circuits électriquement actifs, afin d'obtenir ce qu’on appelle une « carte électronique ». Pour les antennes des satellites, Cimulec produit également des circuits hyperfréquence, autrement dit des cartes véhiculant non pas des électrons, mais des ondes électromagnétiques. Elle a notamment travailllé, pour le compte de Thales Alenia Space, sur les deux importantes constellations de satellites de télécommunications Globalstar 2 et Iridium Next. 

La société se définit comme « une entreprise de process » : « Nous ne faisons pas de conception. Notre force réside dans notre capacité à associer des compétences dans une grande variété de métiers, comme la plasturgie, la mécanique, la photolithogravure et la galvanoplastie », résume le directeur général de Cimulec.

Dans ses bras, Laurent Bodin tient la pesante carte-mère d’un radar de l’avion de combat Rafale. Ce composant de 4,5 kilos formé de 24 couches de circuits imprimés, fruit de cinq à six semaines de travail, bénéficie de la hausse de cadence de production chez Dassault Aviation. L’avionneur français souhaite en effet assembler trois avions par mois d’ici à la fin de l’année, contre un peu plus d’un mensuel actuellement.

Tout en honorant les commandes pour le Rafale, ainsi que pour les chasseurs Eurofighter Typhoon et Gripen, la PME lorraine continue d’innover afin de rester à la pointe. Par exemple, ce sont ses produits « flex-rigides », capables d’interconnecter deux parties séparées d’un circuit imprimé, qui ont contribué historiquement à son image de marque.

 

Enfouir les composants électroniques

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Les circuits imprimés sont plongés dans des bains chimiques destinés à recouvrir de cuivre leurs perforations. © Philippe Bohlinger


Dernièrement, Cimulec a été lauréat de deux appels à projets de France Relance pour un total de 1,4 million d’€ d’investissement. D'abord, un appel dédié à l'aéronautique en septembre 2020 l'a aidé à déployer en production une technologie innovante pour la réalisation d’un vernis sur les circuits imprimés. Puis, l'entreprise a été sélectionnée en décembre 2021 dans le cadre d'un appel France Relance ciblé sur le spatial et plus précisément sur les terminaux pour les télécommunications par satellite.

La PME a ouvert d’autres chantiers, en recherche-et-développement. Pour avancer sur ces sujets, elle a noué un partenariat avec le laboratoire de sciences des matériaux LEM 3 à Metz (Université de Lorraine, Arts et Métiers). Elle collabore enfin avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) et la Direction générale de l’armement (DGA) sur une  technologie prometteuse : des composants électroniques « enterrés », placés non pas en surface de la carte électronique, mais enfouis à l’intérieur de celle-ci.

 

Qui est Laurent Bodin ?

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Laurent Bodin, directeur général du groupe, tenant l'imposante (pas moins de 4,5 kilos) carte-mère d'un radar de l'avion Rafale. © Philippe Bohlinger

Le directeur général du groupe Cimulec a pris la succession de Jean-Pierre Lucas, son beau-père, fondateur de l’entreprise en 1979.
Il co-pilote la société détenue majoritairement par la famille Lucas avec le fils de l’ancien dirigeant, François-Xavier, directeur commercial. Il rappelle que l'implantation en Moselle doit beaucoup au hasard. Dans les années 1970, Jean-Pierre Lucas, alors ingénieur en région parisienne chez Électronique Marcel Dassault, aujourd’hui Thales, cherchait à développer sa propre activité. Il a été incité par son employeur, à l’époque très lié aux pouvoirs publics, à localiser son projet dans un territoire en restructuration industrielle. Jean-Pierre Lucas préférera alors la Lorraine sidérurgique aux sites de construction navale de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et de La Ciotat (Bouches-du-Rhône).

 

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