Doucement mais sûrement, le producteur de granulats augmente, dans son activité de plus d’1 million de tonnes annuelles, la part des produits issus de chantiers par rapport à la ressource naturelle puisée dans le Rhin ou ses abords. Son site d’Eschau près de Strasbourg bascule de l’une aux autres en cette fin d’année.


Le milieu toujours quelque peu fantasmé des carrières de matériaux veut montrer qu’il n’est pas un adversaire ou un contre-exemple du développement durable. En Alsace, il trouve un ambassadeur de choix en Stéphane Helmbacher. L’homme cumule les fonctions de représentation de sa profession, aujourd’hui comme vice-président de l’Unicem Grand Est (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction) et président du collège des producteurs de granulats de l'organisation régionale.

Mais il est surtout soucieux de joindre les actes aux paroles, en faisant la démonstration par l'exemple de ce qui est possible, au sein du groupe familial de 75 salariés et 12 millions d’€ de chiffre d’affaires qu’il préside, formé de deux sociétés de sablières et ballastières remontant à 1913 et 1951.

 

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De ce point de vue, décembre 2022 verra se tourner une longue page de cette histoire : l’installation de transformation de granulats naturels d’Eschau au sud de Strasbourg (Bas-Rhin) s’arrêtera. Sa place sera réoccupée par des matériaux recyclés. Cette substitution progressive constitue l’objectif général de Helmbacher pour contribuer au ménagement des ressources. « Elle s'opère encore modestement à l’échelle de nos activités », reconnaît son dirigeant : 60.000 tonnes produites à partir du recyclé contre 1,2 million de tonnes par le naturel. « Mais le mouvement de balancier s’enclenche dans le sens du rééquilibrage, petit à petit. Cette année, nous en serons respectivement à 80.000 et 1 million de tonnes », poursuit le représentant de la quatrième génération familiale.

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... à partir de matériaux recyclés de chantiers, dont les bétons usagés et les anciennes tuiles. © Mathieu Noyer


Ainsi, la vaste étendue de 30 hectares (en incluant le plan d’eau partagé avec la commune) se consacrera exclusivement à donner une seconde vie aux matériaux de chantier déjà utilisés : des bétons démolis, de la brique, des tuiles, du carrelage, du plâtre, des terres (non polluées), des  résidus d'enrobés (les fraisats et croûtes). En somme, toutes matières appartenant à la catégorie des déchets non-dangereux inertes.

Ils vont être concassés, criblés et préparés en granulats plus ou moins fins qui seront réutilisés, essentiellement dans les couches de forme (avant le revêtement de surface) des routes.

 

Commission de concertation avec les riverains

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Stéphane Helmbacher représente la 4ème génération dirigeante des sociétés familiales de sablières et ballastières dont l'origine remonte à 1913.
© Mathieu Noyer


La révolution passera en fait largement inaperçue, car elle a été progressive. « L’échéance de cette fin 2022, nous l’avons anticipée depuis 2013 en décidant cette conversion. Après avoir obtenu l’accord de principe du nouveau maire Yves Sublon l’année suivante, nous avons engagé le dialogue avec la population. Elle s’organise autour d’une commission de concertation qui s’est d’abord réunie à la fréquence de deux réunions par an, une annuelle aujourd’hui. Nous avons eu beaucoup de questions, nous nous sommes efforcés d’apporter la réponse la plus claire à toutes », relate Stéphane Helmbacher.

« Nous avons pris des engagements, sur les transports, ou sur le bruit, comme le fait de ne pas concasser durant l’été. Nous nous sommes équipés d’une cisaille à béton afin de se dispenser des gros marteaux-piqueurs. Nous limitons les kilomètres parcourus en camions en profitant de notre maillage de plateformes qui regroupent les matériaux collectés sur les chantiers. Nous nous approvisionnons en granulats naturels dans un rayon de 30 kilomètres maximum, et 20 km pour les recyclés », poursuit le dirigeant.

Ainsi mise en service depuis 2018, la plateforme de recyclage aura représenté un investissement de 500.000 €, entre la mise de départ et les améliorations depuis. Elle produit une dizaine de références de granulats, de tailles diverses. Le « produit d’appel » comme l’appelle Stéphane Helmbacher, est la grave 0/60 millimètre. A partir de là, se décline une gamme de plus en plus fine, comme le 0/20, jusqu’à des sables. Helmbacher en vérifie la qualité et la conformité aux normes dans son laboratoire d’analyses, agréé par le Cofrac (Comité français d’accréditation).

 

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L’objectif consiste à intégrer une part de ces recyclés dans les produits à base de granulats naturels, dans une proportion espérée croissante. Histoire d’habituer petit à petit une clientèle qu’il faut encore en bonne partie convaincre. « Nos produits recyclés ont la même qualité visuelle et les mêmes performances. Mais il reste encore du chemin à parcourir pour que les normes (les DTU) acceptent de larges cas d’incorporation. Nous prônons de développer les tests et sommes prêts à y participer. »

Helmbacher mise sur quelques références, publiques (la voirie d’extension du parc d’innovation d’Illkirch réalisée en enrobés recyclés l’an dernier alors qu’elle était prévue en mode « naturel ») et privées (pour l’accès à l’entreprise Würth France à Erstein). Ainsi que sur une démarche plus systématique des collectivités, à l’exemple de l’Eurométropole de Strasbourg qui exige de plus en plus dans ses appels d’offres une part de granulats recyclés.

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