En cette période délicate de confinement, de nombreuses informations circulent sur les possibilités offertes aux entreprises pour faire face à la crise et gérer leurs salariés dans un droit du travail totalement bouleversé. Entre évolutions, désinformation, incompréhension et même affabulation, les entreprises se doivent de garder prudence et de s’assurer de la pertinence et de la véracité des informations qu’elles collectent. Aux mesures qui demeurent et aux pratiques à adapter, viennent s’ajouter les ordonnances du 26 mars 2020, prises en application de la Loi d’urgence sanitaire du 23 mars. Le vrai du faux des différentes mesures par Pierrick Beche, avocat associé au Cabinet Du Parc, spécialiste en droit du travail.

 

• L’activité partielle est-elle automatique ?

Faux. Face au développement de l’épidémie, certaines entreprises sont contraintes de fermer leurs portes ou de solliciter une mesure d’activité partielle. Il ne s’agit pas d’un droit automatique. La mesure est ouverte sur autorisation administrative qui vérifiera le respect des critères d’attribution suivants :
- Contamination par le coronavirus de salariés indispensables à la continuité de l’entreprise ;
- Limitation gouvernementale des déplacements pour ne pas aggraver l’épidémie ;
- Suspension par décision administrative des transports en commun, empêchant les salariés de se rendre sur leur lieu de travail ;
- Baisse d’activité entraînant des difficultés d’approvisionnement, la dégradation de services sensibles, l’annulation de commandes, etc.

• Pour pouvoir en bénéficier, l’entreprise doit écluser tous les congés et RTT ?

Faux. Le bénéfice de l’activité partielle n’est pas soumis à l’obligation de purger tous les droits à congés et RTT des salariés. Mais, dans son analyse, l’administration sera sensible aux mesures prises en amont de la demande.

 

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• La procédure se trouve t-elle simplifiée ?

Vrai. La demande doit être effectuée avant le 15 avril pour une activité partielle mise en place depuis le 15 mars sur le site Internet dédié : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/
Il faudra apporter les explications suivantes :
- Les motifs justifiant le recours à l'activité partielle ; 
- La période prévisible de sous-activité ;
- Le nombre de salariés concernés ;
- L’évaluation du nombre total d'heures demandées pour la période prévisionnelle d'activité partielle.
Le délai de réponse de l’administration est ramené de 15 jours à 48 heures, au-delà desquelles le silence vaut acceptation du recours à la mesure d’activité partielle.


• J’ai des élus dans mon entreprise, je dois les consulter ?

Vrai mais… La consultation du Comité Social et Economique (CSE) est effectivement obligatoire et, en principe, préalable à la demande. Le CSE peut, sous certaines conditions, être consulté à distance. La Ministre du travail a indiqué toutefois que compte tenu de la situation de crise, l’avis pourrait être transmis postérieurement, dans un délai de deux mois suivant la demande.

• Je donne des documents pour faciliter l’analyse de mon dossier ?

Vrai mais... Sur le principe, il est effectivement conseillé de joindre tout document qui permettrait d'attester de la nature et de l'ampleur des difficultés de l'entreprise, afin de faciliter l’étude du dossier par l'Administration. La transmission de l’avis du CSE est par ailleurs concernée. Toutefois, pour l’heure, lorsqu’est effectuée la demande sur le site Internet, la partie relative à la communication de documents est suspendue en raison de l’encombrement, d’où, de fait, le report pour l’avis du CSE notamment.

• Mais finalement, l’activité partielle, cela donne droit à quoi ?

Avec l’activité partielle, les salariés reçoivent une indemnité de 70 % de leur salaire brut horaire soit environ 84 % du net. L’indemnité atteint 100 % en cas d’action de formation. L’allocation sera remboursée par l’Etat dans la limite d’un plafond égal à 4,5 fois le taux horaire du SMIC (45,88 € en 2020).

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pbavocat• L’entreprise peut placer ses salariés en congés ou en RTT ?

Vrai mais de manière limitée. Si un salarié avait d’ores et déjà posé des congés, l’employeur peut les déplacer compte tenu des circonstances exceptionnelles et dans certaines mesures. Par ailleurs, la loi d’urgence sanitaire ouvre la faculté d’imposer jusqu’à six jours de congés avec un délai de prévenance d’un jour, sous réserve d’un accord d’entreprise ou de branche l’autorisant. La période de congés imposée ou modifiée ne pourra pas s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
Le fractionnement pourra être décidé sans l’accord du salarié et les conjoints ou partenaires pourront se voir suspendre leur droit à congés simultanés. Les dispositions nouvelles permettent également à l’entreprise, cette fois-ci sans accord collectif préalable, de modifier ou d’imposer la prise de jours RTT ou de repos conventionnels. Il en est de même des jours inscrits au Compte Epargne Temps (CET) dont l’employeur peut imposer la prise avec un délai de prévenance d’un jour franc. Ces dispositions RTT et CET sont limitées à 10 jours.

 

• L’arrêt de travail pour garde d’enfants est un droit pour le salarié ?

Faux. L’Etat a mis en place un arrêt de travail pour garde d’enfants, pouvant atteindre 14 jours, sans délai de carence, renouvelable jusqu’à fin avril. En aucun cas, il ne s’agit d’un droit pour le salarié qui ne peut en bénéficier de sa propre initiative. La déclaration est en effet effectuée par l’employeur dès lors que les principales conditions suivantes sont réunies :
- Garde d’enfant de moins de 16 ans ;
- Scolarisation dans un établissement fermé ;
- Un seul parent peut se voir délivrer un arrêt de travail ;
- Absence d’autres alternatives type télétravail.

 

• Les processus de rupture de contrat de travail s’arrêtent en raison du confinement ?

Faux. Les délais des procédures de licenciement en cours ne sont ni interrompus ni suspendus. L’employeur doit donc poursuivre ses procédures, notamment disciplinaires. À défaut, il risque de se voir opposer la prescription des faits fautifs. Il en est de même des procédures liées à l’inaptitude des salariés dont l’employeur doit reprendre le paiement des salaires au bout d’un mois faute de licenciement ou de reclassement avec la difficulté, dans ce dernier cas, de parvenir à consulter la Médecine du travail.
Les procédures de rupture conventionnelle ne sont pas non plus interrompues, mais il est possible que l'administration suspende ses homologations et autorisations. Le plus complexe pour l’employeur sera l’organisation de l’entretien au cours duquel le salarié peut se faire assister. Pour la rupture conventionnelle notamment, l’entretien en personne est obligatoire et la signature ne peut se faire à distance.

 

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• Face à des difficultés de trésorerie, l’entreprise peut-elle retarder le paiement de la participation ?

Vrai. À titre exceptionnel, le versement de l’intéressement et de la participation (en général exigible avant le 1er juin) pourra être reporté au 31 décembre 2020.

 

• La crise sanitaire entraîne une hausse d’activité dans mon entreprise. Je peux alors déroger aux durées maximales du travail ?

Vrai mais, la loi d’urgence sanitaire prévoit effectivement que les plafonds de la durée maximale puissent être dépassés pour atteindre 12 heures par jour, 60 heures par semaine… Des exceptions aux règles relatives au travail dominical sont également prévues. Ces dérogations ne vont toutefois pas jusqu’à supprimer le principe du repos hebdomadaire.
En outre, ces dispositions seront précisées par décret et ne toucheront que certains secteurs type transports, agroalimentaire, énergie, logistique… « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » précise le texte officiel.

2 commentaire(s) pour cet article
  1. Pierrick Bechedit :

    Bonjour, L'arrêt garde d'enfant implique l'obligation de rester à domicile et est donc peu compatible avec votre hypothèse. Il faudrait faire une étude concrète du cas mais, par principe, un arrêt de travail n'est pas du temps de travail effectif. Bien cordialement P Bêche

  2. Sylvaindit :

    Est-ce que l'arrêt pour la garde des enfants est comptabilisée comme temps travaillé ? Notamment vis à vis de l'obligation de repos hebdomadaire? Question posée pour le cas d'une infirmière scolaire en CDI mi temps, en arrêt garde d'enfant, qui veut aider dans un hôpital qui lui propose de travailler le WE: est ce compatible avec son CDI + arrêt ? Merci!

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