laboratoireMÉDICAL. Le laboratoire dijonnais de recherche en oncologie (ou cancérologie) utilise l'intelligence économique comme un levier de croissance.

Il en couvre tout l’éventail avec une stratégie très élaborée qui va de la protection de ses données à une veille documentaire très fine.

Pour accélérer ses travaux, Oncodesign pilote de nombreux projets de recherche collaboratifs.

Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Curieux s’abstenir ! Car sans être Fort Knox (*), n’entre pas qui veut chez Oncodesign (8 millions d’€ de chiffre d’affaires). Le laboratoire dijonnais de recherche en oncologie, fondé en 1995 par Philippe Genne, est un site par nature sensible.

L’imposante barrière d’accès au parking et le sas d’entrée des locaux invitent à doublement décliner son identité sous la condition expresse, comme ultime viatique, d’avoir au préalable obtenu un rendez-vous nominatif. Et le tout sous la surveillance d’un réseau de caméras très discrètes.

Une fois dans la place, un membre du personnel accompagne obligatoirement le visiteur dans le moindre de ses déplacements. « Rien que du très basique pour une entreprise comme la nôtre », assure Jan Hoflack, le directeur scientifique et directeur général délégué d’Oncodesign.

Ce qui l’est sans doute moins, découle de l’impossibilité d’identifier les recherches sur les thérapies anticancéreuses et anti-maladies neurodégénératives, comme celle de Parkinson, que mène le laboratoire, pour son propre compte ou celui de grands laboratoires (**).

Discrétion érigée en règle d'or

« Nous cryptons l’ensemble des documents imprimés afin de rendre impossible la détection de la structure des molécules en cours d’étude et délivrons avec une extrême parcimonie un droit d’accès à certaines zones », précise Jan Hoflack.

Les personnels d’Oncodesign (63 salariés, dont 15 docteurs) subissent aussi certaines contraintes sécuritaires. La première relève d’une stricte clause de confidentialité spécifiée dans le contrat de travail.

Il leur est également impossible d’aller jeter un coup d’œil sur l’ordinateur du voisin, chaque salarié disposant, suivant sa position hiérarchique, de différents codes d’admission.

« Nous venons d’investir 200 000 € dans le renouvellement de nos serveurs », indique Olivier Duchamp, directeur de la valorisation et du transfert de technologie.

La discrétion est également une règle d’or imposée, surtout en public à l’occasion de réunions professionnelles, car toute révélation pourrait contrecarrer le dépôt d’un brevet potentiel.

La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) est par ailleurs venue rappeler aux scientifiques que les discussions à bâtons rompus dans le TGV, ainsi qu’un ordinateur portable laissé sans surveillance, sont les premières sources d’espionnage.

Philippe Genne, fondateur et dirigeant d'Oncodesign.
Philippe Genne, fondateur et dirigeant d'Oncodesign.

Partage de compétences

« Nous nous méfions aussi des clés USB offertes lors de conférences et qui peuvent se révéler un cheval de Troie », ajoute le directeur général. « Notre meilleure protection reste néanmoins les 100 millions d’€ progressivement investis pour développer nos travaux, qui se révèlent incompréhensibles si l’on ne maîtrise pas toutes les étapes intermédiaires », souligne t-il.

L’autre grand volet de l’intelligence économique d’Oncodesign porte sur le suivi des avancées médicales par une veille technologique constante.

L’éventail des sources de documentation est très large : lecture d’articles dédiés à l’oncologie, achat de banques de données spécifiques, recours à des sociétés spécialisées pour des études de marché et participation à de nombreux congrès.

La biotech en ajoute toutefois une autre avec les projets collaboratifs. Elle en pilote actuellement trois, dont IMODI, labellisé Investissement d’Avenir et doté de 41 millions d’€, qui doit permettre la découverte de thérapies plus adaptées aux patients.

« N’oublions pas qu’entre les premières recherches et la mise sur le marché d’un traitement efficace, il peut s’écouler entre 10 et 15 ans, aussi le mariage de différentes compétences avec partage des résultats fait toujours gagner un temps précieux en évitant les fausses pistes», précise Olivier Duchamp.

oncodesign(*) Fort Knox, camp militaire des États-Unis construit en 1918 et situé dans l'Etat du Kentucky, est surtout connu du public grâce au U.S. Gold Depository du Département du Trésor qui abrite la réserve d'or des États-Unis depuis 1937, autrefois la plus importante du monde.

(**) Objets de contrat très détaillés par des cabinets juridiques spécialisés et épais comme un bottin téléphonique.

Vous pouvez aussi lire un article similaire du même auteur dans le journal Les Echos du 31 janvier 2014.

Crédit photos : Oncodesign

Commentez !

Combien font "10 plus 5" ?