Avec des échanges internationaux qui ne cessent de croître, nombre d’entreprises réalisent à l’international une part plus ou moins significative de leur chiffre d’affaires ou envisagent de développer sérieusement une activité à l’export. Dans les deux cas de figure, la protection des noms et/ou visuels à l’étranger est alors une démarche essentielle pour la sécurisation des ventes. Réponses à des questions-clés à se poser au bon moment avec : Marie Pusel, conseil en Propriété Industrielle et Dorian Guiu, également conseil en Propriété Industrielle et directeur général associé du cabinet qui porte son nom.
• Quand une marque bénéficie déjà d’une protection en France, est-ce suffisant ?
Hélas non. Le droit des marques est régi par un principe de territorialité. En d’autres termes, une protection en France n’est valable et opposable qu’en France. Schématiquement, les tiers sont libres de déposer la même marque en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou encore Chine. Il convient donc de sécuriser la protection de sa marque dans chacun des pays où est déployée l’activité.
• A quel moment doit-on réfléchir à la protection de sa marque à l’international ?
La réflexion doit intervenir en amont de la commercialisation des produits ou services à l’étranger. Lorsqu’on envisage le lancement d’un nouveau produit ou d’une nouvelle offre de service et que l’on a pour ce projet des ambitions à l’international, il faut s’interroger sur la protection du nom associé, non seulement en France, mais également dans les territoires où la commercialisation est envisagée. La réflexion peut également intervenir lorsque le produit ou service a rencontré un succès en France et que la question de son exportation se pose. Si l’on recherche activement des partenaires locaux pour aider à la distribution des produits, il est indispensable de se protéger en amont.

Idéalement, la question de l’export doit être anticipée dès le choix du nom de la future marque, afin de s’assurer que ce choix ne sera pas susceptible de poser à l’étranger des difficultés sérieuses qui pourraient remettre en cause la viabilité du projet dans son ensemble. Il s’agit par exemple de vérifier que sur tel marché stratégique, la signification du nom dans la langue ou le dialecte local ne pose pas de problème, ou encore que le nom est distinctif au plan juridique, de manière à pouvoir obtenir le moment venu une protection par marque, et donc un monopole. Une chose est sûre, le plus tôt est le mieux !
• Que risque-t-on si l’on retarde la protection de sa marque à l’international ?
En droit des marques, la priorité va généralement au premier déposant, ce que l’on pourrait résumer en « premier arrivé, seul servi ». Si un tiers a déposé une marque identique ou similaire à la vôtre dans un territoire donné avant vous, ce tiers pourrait vous empêcher d’obtenir l’enregistrement de votre propre marque, voire de commercialiser vos produits ou services, ce qui pourrait s’avérer dramatique ! En effet, s’il est le premier à détenir des droits, il pourrait être fondé, par exemple, à agir en contrefaçon à votre encontre si certaines conditions sont par ailleurs satisfaites.
• Dans quels pays doit-on protéger sa marque ?
En règle générale, il est recommandé de rechercher une protection dans les pays dans lesquels les produits ou services seront commercialisés et, le cas échéant, dans lesquels les produits seront fabriqués. Vous serez ainsi protégés contre un fournisseur indélicat… Et bien sûr, en cas de nouveaux marchés, la protection de la marque doit être ajustée territorialement.
Certains territoires, tels la Chine, sont par ailleurs connus pour être sources de nombreuses contrefaçons. Ce type de pays doit donc faire l’objet d‘une attention particulière, et les dépôts y sont recommandés, car il serait bien plus difficile et coûteux de lutter « après coup » contre un dépôt frauduleux que de déposer soi-même en amont. Mieux vaut prévenir que guérir… cette recommandation vaut même si l’exploitation de la marque est à ce jour limitée, voire inexistante, mais que la Chine représente néanmoins un territoire que vous envisagez développer dans le futur.
• Comment obtenir une protection dans les pays ciblés ?
Idéalement, on commence par réaliser une recherche de disponibilité. Celle-ci va permettre de déterminer s’il existe des droits antérieurs de tiers qui pourraient constituer des obstacles à l’enregistrement de la marque. La stratégie de dépôt pourra être adaptée en fonction des conclusions de cette recherche.

On choisit ensuite les modalités de dépôt. A cet égard, il existe des marques régionales qui couvrent, par une seule formalité, plusieurs pays. Tel est par exemple le cas de la marque de l’Union européenne qui permet d’obtenir une protection dans les 27 pays membres de l’Union Européenne (ne pas oublier le Royaume-Uni qui doit désormais faire l’objet d’une démarche séparée !). L’examen de cette demande de marque sera réalisé une seule fois, par l’Office européen des marques situé à Alicante (Espagne), selon les règles édictées par le Règlement sur la Marque de l’Union européenne.
Si les ambitions dépassent l’Union européenne, précisons qu’il n’existe pas de « marque mondiale » qui couvrirait en une seule formalité tous les pays du monde. En revanche, il est possible d’exploiter le système de la marque internationale : un grand nombre de pays peuvent aujourd’hui être désignés individuellement via un office central situé à Genève, qui se chargera d’adresser la demande dans chacun des pays désignés. Attention : une taxe doit être réglée pour chaque pays mentionné, et la demande sera examinée par chacun de ces territoires selon les règles locales.
A défaut de pouvoir déposer une demande par le biais d’une marque régionale ou de la marque internationale, ou lorsque cette stratégie n’est pas recommandée au regard d’une situation donnée, il reste possible de réaliser des formalités dans un pays déterminé par le biais d’un « dépôt national ». L’examen de la demande sera alors réalisé par l’office des marques de ce pays, selon sa législation nationale.
Le choix parmi ces différentes voies de dépôt présente de nombreuses implications, notamment en termes de degré de sécurisation, de timing et de coûts. Il doit également tenir compte des législations, jurisprudences et pratiques locales, parfois très différentes de la France. La stratégie doit donc être étudiée avec attention. L’assistance d’un conseil en Propriété Industrielle, rompu à ces sujets, est fortement conseillée.
• La marque est enregistrée. Que faire après ?
Félicitations, d’avoir un droit de marque dans les pays de votre intérêt. Ce droit constitue un monopole qui, pour déployer toute sa valeur, doit être défendu. Il est donc fortement recommandé de mettre en place des surveillances. Celles-ci pourront en premier lieu porter sur les nouveaux dépôts effectués par des tiers (lorsque les autorités locales ne bloquent pas d’elles-mêmes de tels dépôts) : la surveillance permettra d’en être informé en temps utile, et de réagir le cas échéant pour empêcher le tiers d’obtenir et d’exploiter un droit sur un signe approchant. Il pourra également s’agir de surveillances sur le web, afin de déceler et d’empêcher la commercialisation de produits ou services identiques ou similaires aux vôtres, sous un nom identique ou proche de votre marque.
• Protéger sa marque à l’international, combien ça coûte ?
Les budgets nécessaires à l’obtention et à la défense d’une marque à l’international dépendent de nombreux facteurs, et tout particulièrement des territoires pertinents au regard de votre projet. Ils peuvent être rationalisés, voire optimisés par la mise en œuvre d’une stratégie de déploiement international adaptée à votre situation. Il est par ailleurs important de savoir que plusieurs aides régionales ou nationales existent, offrant ainsi une prise en charge au moins partielle des frais.
Ces coûts constituent un investissement indispensable pour pérenniser (ou permettre) une activité à l’export, sécuriser les investissements et créer d’utiles effets de levier vis-à-vis de concurrents ou partenaires. Sous réserve bien entendu qu’ils soient engagés au bon moment et à bon escient, ces frais seront infiniment plus faibles que les conséquences d’un changement de marque contraint, d’une condamnation pour contrefaçon à l’étranger ou encore de copies que vous ne pourrez pas interdire. A bon entendeur…