rougeotRECHERCHE/BOURGOGNE. Présents dans la nature, des champignons microscopiques, baptisés mycorhizes, associés aux racines des plantes donnent à la communauté scientifique un sérieux espoir pour réduire engrais et pesticides dans les cultures.

 

Le laboratoire d’agroécologie qui regroupe des équipes de l’université de Bourgogne, de l'Inra, d'AgroSup Dijon et du CNRS, présente ses travaux sur le sujet ce vendredi soir à la Nuit des chercheurs à Dijon, qui se déroule simultanément à Besançon et à Metz, sur les thématiques locales des organismes publics de recherche.

 

Dans leur laboratoire d’agroécologie à l’université de Bourgogne, Daniel Wipf et son équipe font un retour aux sources. Depuis 2007 qu’il a rejoint l’unité mixte de recherche Université, Inra, AgroSup Dijon et CNRS, le chercheur explore les microorganismes du sol. L’aboutissement de leurs recherches entamées il y a une dizaine d’années a une application directe qui sensibilise de plus en plus le public : réduire l’utilisation des engrais et des pesticides dans les cultures, en laissant faire la nature.

 

Ou plutôt en l’encourageant. Environ 10 millions de micro organismes sont contenus dans un gramme de sol : parmi eux, la mycorhize (du grec : mukès, champignon et rhiz, racine), une association symbiotique entre les champignons du sol et les racines des plantes.

 

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©Inra.

 

Ce champignon microscopique colonise les racines de la plante et la nourrit. Il lui fournit des acides aminés, de l’eau et facilite l’assimilation des phosphates. En échange, la plante apporte au champignon des sucres provenant de la photosynthèse qui favorisent sa croissance.

 

Ces échanges de nourriture produisent un fertilisant, et apportent d’autres bénéfices non nutritionnels. Ils stimulent les mécanismes naturels de défense des plantes vis-à-vis des agents pathogènes et les aident à combattre le stress à la sécheresse et à la pollution.

 

Expériences sur les fraises…

 

Ce phénomène naturel existe dans 95% des plantes terrestres, à l’exception de certaines comme le colza, le chou ou encore la betterave. Mais alors, quel intérêt de mobiliser des chercheurs pour les reproduire ?

 

« Des années de culture intensive, d’engrais et de fongicides ont appauvri les sols si bien que les mycorhizes disparaissent », explique Daniel Wipf, directeur adjoint du laboratoire. L’idée est donc d’insérer dans le sol des cultures, des souches de ces champignons microscopiques afin de réveiller le processus naturel.

 

L’écueil, c’est leur diversité : environ 130 espèces, réunies dans une collection que les chercheurs de Dijon mettent à disposition de toute la communauté scientifique internationale. « Notre travail consiste à trouver les meilleures associations de champignons et d'espèces de plantes », poursuit le chercheur. Il s’agit de repérer les gènes de la plante qui contrôlent la mycorhization et de sélectionner les champignons adaptés à telle ou telle culture.

 

Sous la direction de Daniel Wipf, Nassima Ait Lahmidi, doctorante à l’UMR Agroécologie de Dijon, a fait des essais sur la culture du fraisier. Elle conclut à un réel impact positif des champignons et des bactéries sur la croissance de la plante et la qualité gustative des fruits. « Cependant, il n’existe pas encore de souche unique idéale pour en faire bénéficier les producteurs », commente Elizabeth Lustrat, experte à l’affût des innovations pour le pôle de compétitivité Vitagora.

 

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Daniel Wipf, dirercteur adjoint du laboratoire d'agroécologie de l'université de Bourgogne.

… et la pelouse du tram

 

L’équipe du laboratoire d’agrobiologie de l'université de Bourgogne a également mis en place au printemps 2014, une expérience sur une portion de la pelouse du tramway de Dijon.

 

L’objectif est d’essayer d'obtenir un gazon dont la fréquence de tonte et d’arrosage serait réduite. Plusieurs mélanges de semences mycorhizées sont testées : combinaisons d’inoculas locaux (des bactéries extraites du sol du campus) ou exogènes, avec des bactéries seules, des champignons seuls ou l’association des deux.

 

L’essai doit durer plusieurs années avant d’en tirer des conclusions, estime les chercheurs. Le monde agricole et les semenciers avec lesquel le laboratoire dijonnais travaille en toute confidentialité, sont attentifs à l’avancée des recherches, selon Daniel Wipf.

 

De longues années d’expérimentation - une décennie n’apparaît pas irréaliste - doivent encore s’écouler avant d’aboutir à des produits à base de souches de champignons adaptés aux différentes plantes.

 

La difficulté est également de trouver un inoculum qui permette d’intervenir sur de grandes surfaces. « Les engrais minéraux pourraient être réduits d’un tiers à un quart selon les types de sols et la nature des cultures si la mycorhization était pleinement valorisée », estime le chercheur.

 

En attendant, Daniel Wipf rappelle quelques règles de bon sens. Notamment  la rotation des cultures et un apport raisonné d’engrais et de pesticides. Pourrait-on y ajouter une réduction des surfaces de colza, une des rares espèces végétales non mycoryzée ?

 

(*) L’équipe sera également présente à la Fête de la science les 10 et 11 octobre à Dijon, avec des portes ouvertes à l’Inra.

 

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