CHOCOLATERIE/FRANCHE-COMTÉ. Comme chaque année, avant Pâques, la petite entreprise artisanale de Chalezeule, près de Besançon met les bouchées doubles pour assurer la fabrication des œufs, poules, lapins et autres figures en chocolat.
La vente directe et la visite de l'atelier sont toujours les priorités du Criollo, et la recette fonctionne, puisque le chocolatier est en croissance régulière depuis sa création.
Visite guidée.

Les semaines précédant le week-end Pascal, c’est l’effervescence dans l’atelier de Chalezeule, en périphérie de Besançon. Après Noël, Pâques est la période la plus intense pour cette chocolaterie artisanale employant 17 personnes.
Cette année, le Criollo a été retenu pour fournir à la ville de Besançon, 4 600 petits œufs pour les cantines scolaires ainsi que de la friture pour les crèches. L’entreprise artisanale a aussi préparé quelque 6 000 moulages de cloches, lapins, poules, œufs et autres figures plus ou moins traditionnelles pour la clientèle du magasin attenant.
La maison laisse libre cours à la créativité et à l’imagination de Philippe, Elie, Adnan et Priscilla, ses quatre chocolatiers, qui forment au métier Aurélien et Maxime, en apprentissage. La tendance du moment est aux couleurs tendres. Dans les jardins, les enfants découvriront œufs et lapins joyeusement colorés de pastel jaune, rouge, bleu, gris, beige...
Devant la tempéreuse, une machine arrivée en janvier et destinée à la mise à la bonne température du chocolat, Philippe remplit un moule canard qu’Elie, jeune chocolatier récemment recruté, a auparavant enduit d'un colorant alimentaire. Cette première opération a lieu dans ce que Chantal Maire, la dirigeante de l’entreprise, appelle la « pièce des couleurs ».
Le mélange de beurre de cacao et de colorant alimentaire est appliqué dans le moule au pistolet. « Le produit est maintenu à une température entre 28 et 30 degrés, pour qu’il soit bien brillant », confie Elie. « Pour des opérations plus minutieuses, la couleur peut être appliquée au pinceau », ajoute la dirigeante.
Au moulage, Philippe assure maintenant la première couche fine d’une petite poule en chocolat. Le moule sera ensuite soumis à des vibrations pour enlever les bulles d’air et éviter la casse et les irrégularités de forme. Il est ensuite retourné et vidé et, en quelques minutes, le chocolat va « tirer » (sécher et durcir). Le chocolatier applique ensuite une seconde couche un peu plus épaisse. Le démoulage, moment délicat et magique, aura lieu le lendemain.
Dans l’atelier de conditionnement, les modèles colorés seront garnis de petits œufs pralinés ou de friture, puis attachés avec des rubans de couleurs. Ici, Sophie est la spécialiste des décorations de Pâques. Marion, elle, assure le conditionnement.
7000 visiteurs par an
Fondé en avril 2001 par Chantal Maire et Claude Streit, un chocolatier artiste et passionné qui fut l’un des premiers à introduire les épices dans ce noble produit, le Criollo (le nom d’une fève de cacao) s’est implanté en 2003 dans la zone industrielle de Chalezeule.
Ici, les dirigeants ont pu s’organiser comme ils le souhaitaient : dans cette ancienne cuisine du CCAS (comité communal d'action sociale), en partie vitrée et répondant aux normes alimentaires, ils ont pu mettre en place un circuit de visite de l’atelier et un magasin attenant.
« Nous avons choisi cet endroit parce que nous voulions démocratiser le chocolat, montrer sa fabrication, et nous avons organisé des visites dès le début. » Aujourd’hui, le Criollo (labellisé « Made in chez nous ») accueille environ 7 000 visiteurs par an, des groupes, des scolaires, des centres aérés, des particuliers…
Les visites sont gratuites, chronophages et ne débouchent pas systématiquement sur des ventes, mais Jérôme Freyburger, le responsable de la communication qui s’acquitte aussi de cette mission, les considère comme « un service à part entière ».
70% du chiffre d'affaires en vente directe
L’accès à la zone industrielle de Thise-Chalezeule n’est pas très facile ni très vendeuse, mais la dirigeante n’envisage pas de déménager. La vente directe, sur place, représente plus de 70% d’un chiffre d’affaires qui devrait atteindre le million d’€ pour l’exercice 2014-2015.
« Nous sommes toujours en croissance de 3 à 8% par an », assure Chantal Maire, qui a racheté les parts de Bernard Streit en 2011 et depuis, pilote seule la chocolaterie.
Seize tonnes de chocolat sont transformées chaque année, et les amateurs reviennent pour ses spécialités : les Faïencines, un praliné feuilleté aux épices enrobé de chocolat blanc et bleu qui rappelle les faïences de Nevers ; le Doubs Frisson, chocolat noir avec praliné épicé vendu dans une boîte d’épicéa rappelant le fromage Mont d’Or ; l'Hommage à Victor Hugo, une boîte carrée contenant 9 chocolats, tous différents, inspirés chacun d’un poème du célèbre écrivain né à Besançon.
Les deux premiers sont des créations de Claude Streit, dont les marques ont été déposées, le dernier est issu d’une collaboration avec la chef Jocelyne Lotz-Choquard et convoque des saveurs aussi rares qu’audacieuses : réglisse, safran, champignon, savagnin…
Cet Hommage à Victor Hugo a d’ailleurs reçu un trophée « produit innovant » au SIAL 2014 par le comité de promotion des produits régionaux (CPPR) de Franche-Comté.

Qui est Chantal Maire ?
Elle tenait une pâtisserie salon de thé dans le vieux Besançon lorsqu’elle a rencontré Claude Streit, un chocolatier passionné, qui l’a embarquée dans l’aventure. Chantal Maire assurait la gestion du Criollo, laissant la partie production à son associé.
En 2005, la petite entreprise artisanale de Chalezeule a été distinguée d’un label Gazelle récompensant les jeunes entreprises indépendantes ayant connu une forte croissance.
Lorsqu’il a quitté l’entreprise, en 2011, après avoir tenté un partenariat avec la filière cacao du Cameroun, le chocolatier a transmis à son associée son secret de fabrication.
Elle seule détient désormais la recette de, ce qu’à l’atelier, on appelle le « choc spé », la matière première que les quatre chocolatiers vont travailler à leur tour.
Chantal Maire n’a pas viré de bord pour autant. La démocratisation du chocolat, la vente directe restent pour elle des priorités.
Autodidacte, elle a suivi diverses formations pour renforcer ses compétences, et notamment au CPCE (le Centre de perfectionnement des chefs d’entreprise) de Franche-Comté, dont elle a rejoint le conseil d’administration. « Au CPCE, nous travaillons beaucoup sur l’humain, et c’est ce qui m’intéresse. »