Comme en Côte-d’Or où ils se sont confiés hier 3 novembre à la presse, les représentants du monde patronal demandent au gouvernement de revoir sa copie pour permettre aux commerçants et artisans de recevoir leurs clients, à un moment clé du calendrier du commerce, la veille des fêtes de fin d’année. Ils plaident pour que les préfets puissent, à titre dérogatoire et au vu des conditions sanitaires selon les départements et les régions, autoriser l'ouverture des commerces de vente au détail.
Les entrepreneurs ne veulent pas être sous perfusion, ils veulent … travailler. D’une seule voix, hier 3 novembre à Dijon, les représentants du monde patronal de la Côte d’Or réunis dans le collectif Unpact 21 ont dit leur inquiétude sur les conséquences de ce nouveau confinement sur l’activité économique, le commerce en particulier. Tout a commencé en fin de semaine dernière avec la grogne des commerçants indépendants face à leur obligation de fermer alors que les grandes surfaces conservaient leurs rayons des articles définis comme non-essentiels.
Et dans le même temps, la publication, par plus d’une cinquantaine de maires, d’arrêtés autorisant les commerces indépendants à continuer de recevoir la clientèle. Lire l’article Traces Ecrites News. La fronde des maires face à la fermeture des commerces non alimentaires des centres-villes
Les représentants de ces petites entreprises demandent au gouvernement et au Président de la République, de revenir sur leur position. A défaut, ils encouragent les députés de tous horizons à voter l’amendement adopté par le Sénat prévoyant que les préfets puissent autoriser l'ouverture de commerces de vente au détail, à titre dérogatoire et au vu des conditions sanitaires selon les départements et les régions.
« Ce ne sont pas dans les commerces que se constituent les clusters mais dans la sphère privée », plaide Yves Bard, vice-président de l’U2P de Côte-d’Or (l’Union des entreprises de proximité) et trésorier de l’U2P de Bourgogne-Franche-Comté. « Considérer que les commerçants n’ont pas mis en place toutes les mesures barrière est un acte de défiance », poursuit-il en plaidant la réouverture des commerces qui sont souvent, dans les petites villes, le seul rempart à la désertification. A Châtillon-sur-Seine, dans le nord de la Côte-d’Or, ils étaient environ 80 hier à défiler dans les rues, à l’appel de l’association des Vitrines du Pays Châtillonnais.
La Chambre de Métiers de Bourgogne-Franche-Comté lance auprès des consommateurs un appel au soutien de tous les corps de métiers de l'artisanat (daté du 6 novembre). « Continuez à acheter auprès de vos artisans. N'oubliez pas qu'ils ont toujours été là pour vous dépanner, pour vous concocter de bons produits, pour embellir votre intérieur ou pour vous rendre service quand vous en aviez besoin », écrivent les présidents des huit chambres départementales de la région.
Un confinement au plus mauvais moment du calendrier

Coiffeurs, fleuristes, cordonniers, esthéticiennes : ils sont 2.500 en Côte-d’Or, estime Régis Panneçot, président de la Chambre de Métiers de Côte-d’Or à avoir baissé le rideau. « Ce sont 2.500 artisans qui vivent dans la précarité pour avoir déjà vécu le confinement du printemps et chez eux, il y a un sentiment d’injustice et un véritable désarroi », témoigne t-il.
Pour le commerce, ce nouveau confinement tombe au plus mauvais moment du calendrier.
« Le 4ème trimestre est le plus important de l’année, les ventes qui constituent 40 à 50% du chiffre d’affaires annuel sont aussi une source de trésorerie pour le début de l’année, toujours plus calme », témoigne Daniel Exartier, commerçant dans la chaussure à Dijon et délégué consulaire. 30% des entreprises qui ont fait un Prêt Garanti par l’Etat (PGE) au moment du confinement du printemps seraient incapables de rembourser, selon Geoffroy Secula, président de la CPME Côte-d’Or qui estime que les aides sont « clairement insuffisantes, car les entrepreneurs empêchés de travailler doivent continuer à payer taxes et loyers. »
Le combat que beaucoup avaient mené contre les grandes surfaces en fin de semaine dernière, se retourne désormais contre eux après que le Premier ministre ait, pour calmer le jeu, décidé d’interdire d’ici jeudi 5 novembre (*), aux grandes surfaces de continuer à vendre livres, jouets, articles de la maison etc., « Le gouvernement fait maintenant le lit des géants de l’e-commerce », s’indigne David Butet, président du Medef 21.
Toutes les CCI, chambres de métiers et syndicats ont mis en place une « task force » pour aider leurs adhérents à passer le cap. Et pas seulement ceux qui ont du fermer boutique. Tri dans les aides, – complexes – reconnaissent leurs représentants, assistance à une réflexion pour une diversification en attendant des jours meilleurs, ajustement de l’organisation de l’entreprise.
Leurs représentants insistent pour que leurs ressortissants osent se confier à eux « pour rompre la solitude du dirigeant. » Et lorsque cela reste la seule solution, il faut se résoudre au dépôt de bilan (redressement judiciaire) qui, souligne Xavier Mirepoix, président de la CCI Côte-d’or « n’est pas une honte. »

Les représentants du monde patronal avaient pourtant fait des propositions pour « rassurer » le gouvernement, comme les achats sur rendez-vous « Ce qui se fait chez le médecin », mais cela leur a été refusé. Un petit tour au centre-ville après la conférence de presse a suffi à constater que les commerçants se sont pris en man pour maintenir un minimum d’activité. Beaucoup pratiquement le clic & collect, mode de vente (commande en ligne, par mail ou téléphone avec livraison à domicile ou retrait en magasin) relayé par les chambres consulaires qui animent des plateformes collectives en ligne, comme Achat-Ville.
« Il faut apprendre à vivre avec le virus, il n’est pas prouvé que les cycles de confinement et reconfinement soient efficaces sur le plan sanitaire », estime David Butet, le président du Medef 21, et sur le plan économique, « ils sont carrément mortels. » Car en dehors des liquidations à prévoir, pour l’heure retardées par le ralentissement des procédures de redressement judiciaire au printemps, les représentants des entreprises soulèvent des situations sociales précaires, notamment dans les entreprises récemment créées.
La CPME 68 fait sienne la déclaration de la CPME nationale associée au Medef et à une vingtaine d’organisations de filières, qui demandent « solennellement » de rouvrir dès le 13 novembre l’ensemble des commerces dans un cadre « responsable. »
Les ventes en ligne, note t-elle, « ne représentent en moyenne que 10% de l’activité des commerces de détail. Par conséquent, les solutions alternatives mises en place – click and collect, prise de rendez-vous, livraison – permettront seulement de maintenir une part résiduelle de l’activité des points de vente mais en aucun cas elles n’assureront la survie des commerces. »

Partout, les partenaires du monde économique tentent de faire incliner le gouvernement. C’est le cas à Nancy où la CCI 54 (Meurthe-et-Moselle) interpelle les pouvoirs publics pour donner « une autorisation immédiate pour tous les commerces de proximité à ouvrir sur rendez-vous », en complément des autorisations d’exercer par retrait de commande (clic & collect) et livraison à domicile.
Pour formaliser ce mode de vente, les élus consulaires de Meurthe-et-Moselle demandent que l’autorisation de sortie intègre « au plus vite » ce motif, avec l’ultimatum du 12 novembre 2020
« Nous appelons ainsi le gouvernement à faire confiance à la responsabilité des commerçants et chefs d’entreprise pour trouver une voie alliant les impératifs sanitaires et la survie de notre économie [...] », commente François Pélissier, président de la CCI 54 dans un communiqué.
(*) Le décret publié mardi 3 novembre modifie le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 (voir chapitre 3). Les produits que les grandes surfaces de plus de 400 m2 doivent à priori retirer de leurs rayons : livres et DVD, jouets, prêt-à-porter, fleurs, décorations et arts de la table, électroménager, meubles, bijoux, maquillage. Les grandes surfaces peuvent continuer de vendre des produits de toilette, d'hygiène, d'entretien et de puériculture, le matériel de bureautique et la quincaillerie. (Liste non exhaustive du fait de la difficile interprétation du décret)