BÂTIMENT/BOURGOGNE. Emmanuel Chevasson, repreneur en 2011 de l’entreprise de menuiseries Pacotte et Mignotte à Dijon, n’est pas du genre vindicatif, mais parfois il en a marre.
Marre du non-respect chronique des délais de règlement, de certains donneurs d’ordres privilégiant systématiquement le moins-disant ou l’offre la moins chère grâce à des produits à bas coût.
Et surtout marre qu’on ne défende pas plus judicieusement l’un des trésors économiques de notre pays : le savoir-faire de ses industriels. Alors, ce fabricant de menuiseries en bois, PVC et aluminium pour le bâtiment, qui demeure rentable, le dit et réagit.
Explications…
Rencontrer Emmanuel Chevasson, président du groupe PM, un samedi matin au siège social de son entreprise, implantée en zone nord de Dijon, est un moment privilégié. Le repreneur en 2011 de l’entreprise Pacotte et Mignotte, fabricant de menuiseries intérieures et extérieures pour le bâtiment, sait recevoir, prend son temps et digresse volontiers autour d’un café sur l’une de ses grandes passions : la musique jazz et blues.
Mais lorsqu’on le rebranche sur son activité, il fait montre d’un profond agacement en nous glissant sous les yeux l’état de ses impayés en cours. Pas moins de 1,24 million d’€ dehors, au mépris de la loi de modernisation de l’économie (LME) qui impose de ne pas dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours nets. « Cela me coûte 20 000 € de recommandés par an, jusqu’à 30% de mon temps en relance et médiation du crédit, l’utilisation de concours bancaires à court terme et l’intervention de Bpifrance. »

Au final, le dirigeant a très peu d'impayés, mais que de perte de temps et d’argent pour y parvenir. « En 2014, 20 000 PME ont mis la clé sous la porte à cause de difficultés de trésorerie, ce qui a pu entraîner la mise au chômage de 40 000 salariés. En légiférant correctement sur ce point et en faisant en sorte que la loi soit appliquée, nous pourrions rendre 2 ou 3 milliards aux PME françaises dans les six mois », indique Emmanuel Chevasson, citant mot pour mot les propos tenus par Jean-Hervé Lorenzi, ancien président de l’Observatoire des délais de paiement, dans une interview accordée au Moniteur du BTP (n°5821 du 19 juin 2015).
Incivisme économique
Outre des amendes dissuasives - mais pas forcément toujours efficaces -, le menuisier prône comme autre solution de publier le nom des mauvais payeurs, car martelons le, le coût global des retards de règlement est une véritable gangrène : « Quand on pense que le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) bénéficiera à hauteur de 20 milliards d’€ aux entreprises, et que les 120 premiers groupes français accusaient un retard de 4 milliards d'€ auprès de leurs fournisseurs à fin avril, il n’y a pas meilleur moyen d’annuler les effets bénéfiques d’une telle mesure », commente le dirigeant.
Autre sujet de courroux du patron de Pacotte et Mignotte, rebaptisée PM : l’attitude de certains acheteurs privés comme publics privilégiant systématiquement les offres moins-disantes, au mépris du meilleur rapport qualité-prix. « J’accepte toujours qu’une commande me passe sous le nez si le concurrent retenu utilise les mêmes atouts industriels et commerciaux. »
Une affaire l'irrite tout particulièrement. Celle d’un marché public bourguignon où l’entreprise choisie fait fabriquer en Europe de l’Est entre 10 et 30% moins cher. « C’est purement et simplement de la déloyauté, car le produit n’a de loin pas la même qualité et quant au SAV, je demande à voir comment ils vont l'assurer. » Face à de tels comportements, cet homme d'une nature aimable et conviviale se fâche et se lâche.
Il met en avant qu’il emploie 182 personnes, dont 70 à la production - 142 salariés au moment de la reprise -, le forme en permanence, embauche, acquitte taxes et impôts localement et investit régulièrement dans son outil de production, puis tacle avec un large sourire : « qu’une bonne démocratie se mesure entre le cul d’un élu et le pied du citoyen. »
Préserver les savoir-faire
En réaction, le patron du groupe PM montre sa dernière fierté : le tout frais label Origine Garantie France pour l’ensemble de ses fenêtres PVC. Porté par l’association Pro France, présidée par le Bisontin Yves Jégo, député de Seine-et-Marne, il se veut un référentiel rigoureux. Six mois de travail ont été nécessaires à cette obtention, car plus de 50% des composants doivent provenir de sous-traitants français et être transformés au sein de l’entreprise.
PM atteint 74,5% et lance aujourd’hui la même démarche pour sa gamme de fenêtres en aluminium. « C’est une carte que je compte utiliser pour notre développement, en ce qu’elle démontre l’engagement de nos fournisseurs et de nos propres collaborateurs à préserver ce qu’ils ont de plus précieux professionnellement : leur savoir-faire », argumente Emmanuel Chevasson.
Le groupe PM affiche 20 millions d’€ de chiffre d’affaires consolidé avec ses trois filiales situées à Dijon et en région parisienne. Il exploite aussi deux établissements secondaires, à Besançon et Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) et réalise 3,5 millions d’€ d’activité avec les menuiseries intérieures et la conception de mobilier. La vente directe aux particuliers, dans un magasin d’usine entièrement rénové (*), s’élève à 4,5 millions d’€. « Quel que soit le produit acheté, nous installons toujours et assurons le SAV. » Question de crédibilité.
(*) Inauguré ce jeudi 2 juillet à 11 heures en présence d'Alain Millot, maire de Dijon et président du Grand Dijon.
Photos fournies par le groupe PME.