MATÉRIAUX/MARNE. Après avoir fait le “Pari du Végétal” - amorce, sous forme associative, d’une Green Valley française -, Châlons-en-Champagne fait celui de l’herbe à éléphant dans le bâtiment.
Les premiers programmes immobiliers réalisé avec du béton de miscanthus doivent démarrer en 2018 dans la Marne et en Seine-et-Marne. Son atout est d’être seul bloc porteur parmi tous les bétons biosourcés.
Découverte au dernier Siñal, le salon dédié aux agromatériaux, à la chimie du végétal et aux bioénergies à Châlons-en-Champagne (Marne).

Appelée aussi herbe à éléphant ou roseau de Chine, le miscanthus est déjà cultivé en Champagne-Ardenne, sur une surface d’environ 450 hectares, principalement par la coopérative agricole de déshydratation Luzeal.
Si cette plante sert pour l’instant d’agrocombustible et de source d’énergie dans les fours de déshydratation, elle semble aussi promise à un bel avenir dans l’industrie (l’automobile, la plasturgie, l’aéronautique, les cosmétiques) et surtout dans la construction, en qualité de matériau biosourcé.
C’est précisément le secteur de la construction qui était mis à l’honneur, au dernier Siñal, le salon dédié aux agromatériaux, à la chimie du végétal et aux bioénergies à Châlons-en-Champagne (Marne).
L’association d’origine francilienne Biomis G3 (1) - à laquelle adhère la communauté d’agglomération de Châlons-en-Champagne -, Ciments Calcia et Alkern (fabricant de produits préfabriqués en béton) sont venus présenter le fruit de leurs recherches : le bloc porteur en béton de miscanthus.
Comme son nom l’indique, celui-ci est composé à 60 % d’herbe à éléphant, qui se substitue en grande partie au sable et au granulat traditionnels.
« Il s’agit du seul bloc porteur parmi tous les bétons biosourcés », souligne Mélanie Shink, de Ciments Calcia. Moyennant un surcoût de 2 % sur l’ensemble de l’ouvrage, le parpaing de miscanthus offre donc la même résistance qu’un parpaing classique.
Le même procédé constructif qu’avec un parpaing classique

Le parpaing de miscanthus a les mêmes dimensions, obéit au même cahier des charges et est mis en œuvre selon le même procédé. Tout juste faut-il adapter le liant. « Le matériau change, pas le procédé constructif », insiste Bernard Cosnier, d’Alkern.
Déclinable en poteau, planelle, éléments de chaînage et bientôt peut-être en panneaux isolants, le béton de miscanthus offre également une forte résistance thermique, une excellente tenue au feu et se montre insensible aux champignons comme aux termites. Il stocke le CO2 et est bien sûr recyclable.
La plante elle-même se pare de nombreuses vertus, car si elle se montre aussi gourmande en eau que ses cousins le maïs ou la canne à sucre, elle ne demande qu’un peu de désherbant lors de son installation, puis ne coûte plus rien en entretien.
Sa culture dure dix, quinze ou vingt ans, et offre des rendements élevés. Le miscanthus se satisfait de sols pauvres, et pousse sans problème sur des terres polluées, dégradées ou délaissés, comme celles d’une friche industrielle, où elle n’entre pas en concurrence avec l’agriculture alimentaire.
La plante se révèle toutefois chère à l’installation et ses débouchés actuels offrent des revenus insuffisants aux agriculteurs qui se lancent dans l’aventure. C’est pourquoi les cultivateurs fondent de gros espoirs sur les nouvelles applications.
Il faut trois tonnes de miscanthus pour construire une maison de 120 m2 de façade (soit 1.200 blocs), un hectare d’herbe à éléphant permettant de bâtir trois maisons.
Le premier programme immobilier réalisé avec ce nouveau matériau commencera à sortir de terre début 2018 à Chanteloup-en-Brie, en Seine-et-Marne, sous la forme de 46 logements sociaux.
Le second chantier verra le jour en lisière de la préfecture de la Marne, sur la commune de Compertrix, courant 2018. La Renaissance Immobilière Châlonnaise y implantera onze pavillons en béton de miscanthus.

« Nous prenons un risque, car nous ne connaissons pas l’évolution sur la durée du produit » (2), souligne Jérôme Mât, vice-président délégué au développement économique à Châlons-en-Champagne Agglo, et président de la Société d’Economie Mixte de Châlons-en-Champagne (Semcha).
Mais un risque pleinement assumé par l’élu, qui parle « d’opportunité économique » tout en mettant l’accent sur la « dynamique territoriale » et l’intérêt d’être précurseur dans une filière qui s’inscrit totalement dans la stratégie du département de la Marne : s’imposer comme le leader de la bioéconomie.
Rien n’interdit de penser que les blocs de béton de miscanthus puissent être produits sur place, diminuant ainsi encore un peu plus l’empreinte écologique des bâtiments, renforçant l’idée de circuit court et d’économie circulaire chère au directeur de l’Agence régionale de la construction et de l’aménagement durables en Champagne-Ardenne (Arcad), Frédéric Sailly, et apportant une alternative crédible face à la pénurie de granulats extraits des carrières.
(1). L’association Biomis G3 est née en région parisienne, mais a vocation à essaimer dans d’autres régions, à commencer par le Grand Est. Elle fédère des agriculteurs, des industriels, des scientifiques et des collectivités locales.
(2). Le bloc porteur de béton de miscanthus devrait recevoir un avis technique du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) d’ici à la fin de l’année 2017.