AVIS D'EXPERT/DROIT DU TRAVAIL. Les ordonnances Macron de septembre dernier, bouleversent le droit du travail en France et de manière plus large toute l’organisation du travail.

Adoptées en un temps record, elles modifient aussi bien les relations individuelles du travail : indemnités de rupture du contrat, règles de pénibilité…, que collectives : regroupement des institutions représentatives du personnel en un Conseil Social et Economique, négociation des accords collectifs...

Avocat spécialiste en droit du travail au cabinet du Parc à Dijon, Pierrick Beche décrypte les nouvelles règles du licenciement qui donnent aux entreprises une meilleure visibilité du coût de la séparation et du risque prud’homal.

 

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Pierrick Beche, avocat spécialiste en droit du travail au cabinet du Parc. © Traces Ecrites.

 

• Licenciement : quelles formalités ?

 

Pierrick Beche : Dans un souci de flexibilité, et pour mettre fin à une trop grande incertitude pour les entreprises quant au formalisme des procédures de licenciement, la rédaction même de la lettre de licenciement est simplifiée. Ainsi, est créé un « droit à l’erreur » permettant à l’employeur de préciser les motifs du licenciement postérieurement à celui-ci.

 

Pour rappel, le licenciement d’un salarié doit impérativement être motivé. Initialement, la lettre de congédiement fixait les bornes du litige si bien qu’en cas de contentieux, les conseillers prud’homaux devaient s’en tenir strictement au contenu de la lettre dans l’analyse de la légitimité de la rupture. Si l’existence d’un motif de rupture persiste, l’employeur peut désormais apporter des précisions sur la raison du licenciement, et ce par deux voies possibles.

 

Dans l’hypothèse où l’ancien salarié estime la lettre de rupture peu précise et viendrait à solliciter des explications directement à l’entreprise - en principe dans un délai de 15 jours après la notification de la rupture -, cette dernière pourra y répondre en apportant les motivations nécessaires, dans un délai de 15 jours également d’après le projet actuel de décret d’application.

 

Dans la seconde hypothèse où le travailleur solliciterait des explications uniquement dans le cadre d’un contentieux, c’est à ce stade que l’employeur pourra fournir ses explications.

 

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• Licenciement : quel coût ?

 

Il est constant que la rupture du contrat ouvre droit pour le salarié à une indemnité de licenciement (sauf faute grave), dont le montant est fixé par les conventions collectives ou, à défaut, par le Code du travail.

 

Avant l’entrée en vigueur de la réforme, cette indemnité était calculée sur la base d’un cinquième de mois de salaire brut par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans d’ancienneté puis d’un tiers au-delà. Le montant est revalorisé à un quart jusqu’à 10 ans et reste à un tiers au-delà, sans que les accords collectifs ne puissent définir de montant inférieur.

 

Autre évolution en faveur des salariés : une telle indemnité est due dès que le salarié bénéficie d’une ancienneté de huit mois, contre un an auparavant.

 

• Licenciement : quel risque pour l'employeur ?

 

Un des points majeurs de la réforme, grandement débattu, est la fixation d’un barème d’indemnisation en cas de licenciement illégitime.

 

Les dommages et intérêts pour licenciement dit dépourvu de cause réelle et sérieuse, sont encadrés par des planchers et plafonds dépendant de l’effectif de l’entreprise d’une part et de l’ancienneté du salarié d’autre part.

 

A titre d’exemple, un ancien salarié d’une entreprise de plus de onze salariés bénéficiant d’une ancienneté de 15 ans et licencié à tort percevra des dommages et intérêts d’un montant compris entre trois et treize mois de salaire brut. Dans cette fourchette, le montant sera fixé par les magistrats en fonction du préjudice subi qu’il appartiendra au salarié de démontrer. Il sera fonction de son âge, de sa capacité à retrouver un emploi…

 

Précisons toutefois que ce barème ne s’appliquera pas dans les cas de licenciement nul pour lesquel le salarié peut prétendre à une réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, à une indemnisation.

 

Il s’agit par exemple d’un salarié licencié alors qu’il était en arrêt de travail suite à un accident du travail, ou un salarié licencié par discrimination, ou d’un salarié jouissant d’une protection particulière, tel un représentant du personnel éconduit sans autorisation administrative.

 

 

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© Traces Ecrites.

 

• Licenciement économique : quelle appréciation ?

 

Au-delà des cas de rupture du contrat inhérente à la personne du salarié, il arrive parfois que l’entreprise rencontre des difficultés structurelles et/ou conjoncturelles telles, qu’elle soit contrainte de se séparer de son personnel en tout ou partie.

 

Si la question du licenciement économique n’est évidemment pas une nouveauté, le périmètre d’appréciation des difficultés est pour sa part complétement redéfini. Ainsi, les difficultés économiques à l’appui d’un licenciement ne s’apprécient plus au niveau du groupe dans son ensemble (périmètre géographique international) mais au niveau national. Il en est de même du périmètre de recherche de reclassement, étape préalable à tout licenciement économique.

 

De même, la notion de groupe en droit du travail est désormais identique à celle du droit des sociétés et fait référence aux liens capitalistiques entre différentes structures nationales et non plus au seul critère de permutabilité de l’emploi.

 

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• La rupture conventionnelle collective : quelle nouveauté ?

 

En toute franchise, pas beaucoup. Si ce mode de rupture de plusieurs contrats de travail fait son entrée dans le code du travail, il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une adaptation législative des Plans de Départs Volontaires (PDV), issus, pour leur part, de la jurisprudence.

 

Tout d’abord, une telle rupture devra être encadrée par un accord collectif et ne sera, en conséquence, mise en place qu’après négociation avec les représentants du personnel. L’accord devra prévoir notamment les modalités d’aide au retour à l’emploi (formation, reclassement…) et les modalités financières de la rupture du contrat. Celle-ci ne sera ensuite pas imposée aux salariés qui pourront, ou non, se porter candidats.

 

Enfin, dans un souci de sécurisation, l’accord sera soumis au contrôle de l’administration. Si ce nouveau mode de rupture est donc très proche des PDV, il reste toutefois quelques différences puisque les salariés ne bénéficieront pas avec la « rupture conventionnelle collective » de certains avantages du licenciement économique, comme par exemple le recours au contrat de sécurisation professionnelle (le fameux CSP qui permet un suivi spécifique dans l’aide au retour à l’emploi).

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