Considérée comme prioritaire, la filière du recyclage a poursuivi son activité pendant le confinement, mais au ralenti, par manque de déchets industriels en raison de l’arrêt de certaines industries manufacturières et de l’approvisionnement en provenance des déchetteries municipales qui n’ont rouvert que courant avril. Témoignage de Bourgogne Recyclage,
Le secteur du recyclage ne s’est pas arrêté. Ou juste le temps d’adapter les flux de production aux gestes barrières. « Nous avons fermé les vestiaires, le réfectoire, les employés viennent à l’entreprise vêtus d’une surcote, s’organisent individuellement pour la pause de midi, certains des postes ont été réaménagés pour tenir la distance d’un mètre », énumérait quelques jours après le confinement, Geoffroy Secula, directeur général de Bourgogne Recyclage, dont le siège est à Ruffey-lès-Beaune (Côte-d’Or). Et les services administratifs ont été mis en télétravail.
L’entreprise familiale qui dispose de neuf sites en Bourgogne-Franche-Comté et à sa frange, en Seine-et-Marne et dans le Loiret, collecte, trie et valorise toutes sortes de déchets des entreprises, métaux, cartons, plastiques, gravats… et ceux des ménages, issus des déchetterries et des poubelles jaunes.
Les marchés industriels représentent 70% d’un chiffre d’affaires de 60 millions d’€ en 2019. Par simple conséquence de l’arrêt ou du ralentissement de l’activité manufacturière, et de la fermeture des déchetteries, au moins jusqu’à la mi-avril, en mars, le chiffre d’affaires a fondu de « seulement » 32% par rapport au même mois de 2019 « grâce à un très bon début de mois », puis il a dégringolé de 65% en avril. Geoffroy Secula entrevoit une amélioration en mai avec un recul limité à 30% par rapport à mai 2019. Le dirigeant ne prononce pas pour l’instant sur juin. « Tout dépendra du rythme de la reprise. »
Le directeur général et ses salariés se tiennent prêts. « Je tiens à vous faire part de la bonne volonté des équipes, c’est la force d’une PME d’avoir un dialogue direct avec ses salariés et de trouver rapidement des solutions qui conviennent le plus possible à chacun », assure le dirigeant. Le chômage partiel a été activé fin mars pour un quart des 240 collaborateurs, un autre quart a pris ses congés payés et 10% de l’effectif était en congés maladie ou garde d’enfants.
La semaine du déconfinement, l’effectif a remonté : 15% des salariés étaient encore en chômage partiel (en comptabilisant les congés pour garde d’enfants) et 10% en congés payés. « Pour apporter un peu d’activité, nous avons réinternaliser les transports et petit à petit, la reprise de l’industrie et des chantiers du BTP, vont réalimenter les chaînes de tri des déchets industriels », prévoit le dirigeant.
Un volume croissant à valoriser pour limiter la mise en décharge

Examinée par filière, l’activité illustre parfaitement la situation que vit le pays depuis le 17 mars. Ce sont les plastiques (moins 10% en volume) et les papiers-cartons (moins 40%) qui ont le moins manqué sur les chaînes de tri, les ménages ayant plus consommé chez eux que d’habitude et les activités de livraison à domicile ayant été très sollicitées.
A contrario, les volumes de déchets industriels banaux (DIB) ont fortement reculé, de 60%, le métal de 70% et le bois, de 80%. La perte de chiffre d’affaires se mesure aussi dans la vente de pièces détachées, Bourgogne Recyclage ayant une activité de déconstruction de véhicules (Lire encadré) et de vente de métaux.
En dehors de ce contexte exceptionnel, la profession de recycleur doit gérer un paradoxe : la promesse d’un volume croissant à valoriser sous la contrainte de la loi qui tend à vouloir réduire la production de déchets ultimes pour limiter la mise en décharge, et une distorsion de concurrence entre les matériaux nobles et les recyclés, les premiers ayant une valeur marchande plus avantageuse.
Un mal pour un bien : les cours de la ferraille et des matériaux non ferreux (cuivre, aluminium, zinc) qui se sont effondrés pendant le confinement devraient à moyen terme remonter, en réaction à une pénurie de matière première neuve.

Au fil du temps, Bourgogne Recyclage a appris à maîtriser plusieurs filières. L’arrière grand-père des actuels co-dirigeants, Geoffroy Secula et son frère Guillaume, revendait des ferrailles et collectait des peaux de lapin. Puis vint le temps, dans les années 1980, des premiers marchés des collectivités locales. Dix ans plus tard, naît la première déchèterie de Côte-d’Or, à Travoisy, initiative suivie de la création d’un centre de tri de déchets ménagers.
Aux désormais classiques filières de recyclage des métaux, des papiers et cartons, du bois, de nouveaux se sont imposés au fil des réglementations et des usages : le plastique dont la valorisation tangue entre les problèmes techniques et économiques, le plâtre, le PVC.

L’avenir de cette filière la conduit cinq ans plus tard à investir dans une nouvelle unité de production pour augmenter la capacité de 30%. Les fours des cimentiers sont le principal débouché face à l’utilisation encore timide dans des centrales d’énergie, pouvant par exemple alimenter des réseaux de chaleur urbains. A terme, la profession espère voir cette énergie renouvelable se développer grâce à une incitation fiscale.
En plein développement, le recyclage des déchets organiques (ou biodéchets) s’effectue en collaboration avec la Communauté de communes Rives de Saône et l’installation d’une plateforme de fabrication de compost à Allériot en Saône-et-Loire. Les 30.000 tonnes annuelles sont commercialisées auprès des agriculteurs.
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Un développement par extension géographique. Bourgogne Recyclage qui possède un centre d’exploitation dans cinq des huit départements de Bourgogne-Franche-Comté situe son avenir sur l’extension de son périmètre géographique, comme l’illustre les deux récentes implantations : à Villeneuve-la-Gaillarde, au nord de Sens, aux portes de la région parisienne, et à Gien, dans le Loiret. « Tous les sites ont des compétences de gestion globale des déchets collectés en direct ou en provenance des déchèteries avec des outils de production sur certains », décrit Geoffroy Secula. L’adhésion au réseau Praxy qui regroupe des entreprises indépendantes lui permet par ailleurs d’accéder aux appels d’offres nationaux sur des marchés spécifiques comme les piles, le mobilier, les déchets non radioactifs des centrales nucléaires…

« Tous les plastiques ne sont pas recyclables », prévient Citeo. L’écorganisme (qui s'appelait auparavant Eco-emballages) chargé de sensibiliser les industriels et les consommateurs au tri et au recyclage des matières estime que seulement la moitié de la production (5 millions de tonnes par en France) peut être recyclée.
Si le PET renaît depuis longtemps en bouteilles, le PEHD (polyéthylène haute densité, les plastiques opaques) se transforme en canalisations ou encore le PEBD (polyéthylène basse densité, sacs poubelles, emballages sous-vide) en films en plastique, il en est autrement des plastiques mélangés. L’hétérogénéité des polymères, appliqués le plus souvent en différentes couches (comme dans les barquettes alimentaires), les rend techniquement difficile à transformer.
« Tout plastique pris individuellement est recyclable », confirme Geoffroy Secula, le problème se situe dans les plastiques mélangés difficiles à traiter même si la technique existe ; ce sont eux qui finissent en combustibles solides de récupération (CSR) qui permet de tirer parti du fort pouvoir calorifique de ces déchets pour produire une énergie alternative aux énergies fossiles comme le gaz, le pétrole ou le charbon. Bourgogne Recyclage en produit 25.000 tonnes par an de ce combustible.
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