Depuis le début de l’année dernière, le fabricant britannique de systèmes de suspensions et supportages pour la construction, le génie civil et l’agriculture renforce l’activité de fabrication de sa filiale européenne, à Obernai (Bas-Rhin). Dans le contexte de toujours non résolu Brexit, la prudence prévaut. Davantage en raison des délais de livraison depuis l’Angleterre, qu'à cause de potentielles taxes douanières.


Le Brexit va rendre Gripple Europe plus fabricant qu’il ne l’est aujourd’hui. Comptant parmi les rares entreprises d’origine britannique en Alsace, ce spécialiste à Obernai (Bas-Rhin), des pièces de tension pour la construction et l’agriculture a évidemment scruté de près les scénarii de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne qui se sont succédé au fil des négociations.
Or désormais, le « no deal devient une vraie hypothèse », observe Denis Anthoni, le directeur de Gripple Europe. « Et le problème numéro un qui se pose en conséquence vient des délais de livraison depuis l’Angleterre, avant même la question des taxes douanières. »





flandria

 

Dès lors, le groupe rend sa filiale alsacienne un peu plus autonome encore. Née dans une optique de distribution, elle a commencé à développer la fabrication au début de l’année dernière, pour en porter la part dans son activité à 15 % (moyennant 500.000 € d’investissements récents).
Dans le contexte du Brexit, cette proportion est appelée à augmenter. « Nous évaluons l’ampleur de cette montée en puissance », indique le directeur. Pour les mêmes raisons, l’activité d’entreposage d’Obernai va croître. « Rien qu’en étendant nos capacités au sol, nous pouvons les augmenter de 50 %, et nous avons encore des réserves d’extension en hauteur », complète Denis Anthoni.

Un seuil de progression d'au moins 10 % par an sauf circonstances exceptionnelles

grippleagri
Historiquement, Gripple fabrique des rabouteurs et des tendeurs de fils de fer pour la viticulture et l’arboriculture. © Bartosch Salmanski


Ces perspectives prolongeront l’histoire d’amour entre Gripple, Hugh Facey son charismatique fondateur, l’Alsace en général et Obernai en particulier. Elle a débuté en 1999 – la filiale a fêté ses 20 ans le 30 septembre dernier avec retard, Covid oblige.
Jeune collaborateur au siège de Sheffield, Denis Anthoni a su convaincre Hugh Facey que « pour vendre en Europe continentale, il fallait que l’entreprise s’y installe », rappelle-t-il.
De proche en proche, le choix s’est porté sur la coquette cité bas-rhinoise au pied des Vosges, afin de servir le marché agricole par l’offre de tendeurs-rabouteurs pour fils et clôtures que Gripple avait inventée au début des années 1990 dans ses ateliers britanniques, une ancienne usine d’armurerie convertie du XIXème siècle.

D’autres débouchés n’ont pas tardé à suivre pour Gripple Europe :  l’agriculture-viticulture représente encore 25 % d’un chiffre d’affaires porté à 40 millions d’€ en 2019 (soit quatre dizièmes du total du groupe). La construction est devenue le secteur phare (60 %) : les installateurs de chauffage-climatisation-ventilation (CVC), les électriciens, les décorateurs et les spécialistes de la tuyauterie ont été séduits par les systèmes de suspension par câble et de supportage. Que ceux-ci soient sophistiqués ou simples d’apparence, mais astucieux comme le récent collier à prise universelle qui s’adapte aux différents diamètres dans une installation de chauffage.

 

baplcjuillet




Un autre marché, plus récent, connaît une croissance rapide : le génie civil, grâce à une nouvelle solution d’ingénierie géotechnique pour la stabilisation des pentes et le contrôle de l’érosion des sols et à des solutions d’expertise sismique. Plusieurs des innovations sont d’ailleurs codéveloppées par le centre technique alsacien. 


Chemin faisant, Obernai a fait des petits sur les terres du Vieux continent. La filiale européenne, au périmètre de surcroît élargi à l’Afrique du Nord et à la Russie, a créé des antennes en Italie, en Espagne, au Portugal, en Allemagne et en Pologne. Les effectifs du site alsacien se situent à 60 personnes, sur le total de 140 en Europe et de 850 pour le groupe. Mais les nouvelles antennes ne sont pas déployées au détriment de leur grande sœur bas-rhinoise, car chacune a absorbé une partie d’une croissance significative, « de 15 % par an en moyenne », souligne Denis Anthony.

fasttrack
Le Fast Track, une des innovations de Gripple, un système de supportage prêt à l'emploi pour les chemins de câble, les tuyauteries, les gaines de ventilation etc. © Gripple

 
La progression dépasse le seuil de + 10 % fixé par Hugh Facey dans le cadre de son programme d’actionnariat salarial (voir ci-dessous). Sauf cette année, où Gripple Europe n’a pas fait de miracle face au « second caillou dans la chaussure » après le Brexit, reconnaît Denis Anthoni. Le chiffre d’affaires recule depuis le début de l’année de 13 %. Il ramène ainsi l’entreprise à son niveau de 2018. Elle espère repartir de l’avant dès que possible.

 

Tous actionnaires

C’est la facette la plus étonnante d’un entrepreneur atypique : Hugh Facey a cédé en 2011 toutes ses actions de Gripple aux  salariés. Il y a posé toutefois trois conditions : que tous les collaborateurs, anciens et nouveaux adhèrent ; que l’esprit d’innovation se perpétue selon le critère qu’un quart du chiffre d’affaires soit réalisé avec des produits de moins de cinq ans ; et que la croissance atteigne au moins 10 % par an… malgré la hausse mécanique du chiffre d’affaires d’année en année, et sauf cas exceptionnel comme l’est la crise sanitaire actuelle.
Ces actions ne peuvent être vendues.
Le salarié nouvellement entré dispose d’un an pour devenir actionnaire, et ainsi continuer son parcours chez Gripple. Les employés britanniques sont tenus de les acquérir, selon une clause de leur contrat de travail. La législation française  ne permettant pas une telle obligation, Obernai a misé sur le volontariat. Pour la filiale Europe, la mise de départ se monte au minimum à 1.200 €.


denisanthoni
Denis Anthoni, directeur de Gripple Europe à Obernai Denis Anthoni a su convaincre Hugh Facey que « pour vendre en Europe continentale, il fallait que l’entreprise s’y installe. » © Bartosch Salmanski

Commentez !

Combien font "8 plus 10" ?