INNOVATION/BELFORT. La start-up en cours de création a mis au point un moteur qui permet d'exploiter la chaleur perdue dans les ateliers industriels, dite « chaleur fatale » de l’industrie.
Basé sur la cogénération, le système produit à la fois de la chaleur et de l'électricité.
Ananké lance un prototype de démonstration dans une entreprise de l’aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt.
A l’origine de cette innovation, de jeunes ingénieurs et étudiants chercheurs d'Assystem. Leur invention est suivie de près par Bpifrance, la Région Bourgogne - Franche-Comté et le Réseau Entreprendre.

L'estimation de quantité de chaleur perdue par l'industrie à l'échelon européen est énorme. « De l'ordre de 51 terrawatt-heure (*) soit la production de six réacteurs nucléaires », avance Brice Bryon, un des créateurs de la future société Ananké (du nom de la déesse grecque de la fatalité). La chaleur perdue, également baptisée chaleur fatale, provient du fonctionnement d'un site de production : l'énergie dégagée par les process, lignes de production, machines.
C'est en partant de ce constat qu'est née l'idée de créer la société Ananké : son objectif est de récupérer cette chaleur aujourd'hui gaspillée afin de produire à nouveau de l'énergie.
Pourtant, l'idée première de Brice Bryon, alors qu'il était responsable de la recherche et développement chez Assystem à Belfort, relevait du défi technologique : celui de rendre autonome une maison, grâce à un moteur à apport de chaleur externe. Le bois devait engendrer de la chaleur, laquelle engendre à son tour de l’électricité.
Mais le marché de l'industrie s'avère beaucoup plus prometteur, tout en alliant des objectifs écologiques, notamment sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. « On crée de la valeur ajoutée à partir d'un rejet industriel : l'industrie est un véritable gisement, » s’enthousiasme Brice Bryon.
L'énergie primaire de l'industrie étant le plus souvent d'origine fossile, maximiser sa productivité permet à la fois de la rentabiliser et d’amenuiser ses effets néfastes : l'énergie produite par le moteur d'Ananké réduit d'autant le recours à de nouvelles énergies fossiles.
Le principe de ce moteur est de récupérer la chaleur dans les conduits de fumée, par l'adjonction d'un collecteur, à la façon d'un système de récupération d'eau de pluie. La chaleur ainsi récupérée dilate l'air du moteur, ce qui crée un mouvement, lequel met en action un alternateur qui produit de l'électricité. Avec l'échappement de l'air chaud et la production d'électricité, il s'agit bien de co-génération.
Les rejets de l'industrie sont un véritable gisement

Brice Bryon est à l'origine ingénieur en aérospatiale, formé à l'IPSA Paris. Il travaille sur ce projet avec Thibault Cartigny, responsable d'un bureau d'étude chez Assystem, Mathieu Doubs, doctorant au laboratoire Femto-ST du CNRS et Pierre Ranc, doctorant chez Assystem qui prépare une thèse sur les moteurs à apport de chaleur externe.
Le brevet du moteur a été entériné en 2015. Cette même année, Bpifrance a décidé de soutenir le projet, suivie en 2016 par l'Ademe, la CAB (communauté d'agglomération de Belfort), la Vallée de l'Energie et le Réseau Franche-Comté Entreprendre.
Un premier prototype de laboratoire a validé le concept. Il produisait 1 kw.h (kilowatt-heure). Un autre, cette fois de démonstration, d'une puissance de 40 kw/h, est en cours de développement pour être testé dans une entreprise de l'Aire urbaine Belfort-Montbéliard, et une deuxième entreprise pourrait en accueillir un second prochainement.
Plusieurs autres prospects ont été identifiés, mais rien n'est engagé avec eux pour l'instant. Le marché européen à quelque 40 à 50 millions d’€ en quatre ans.
Les statuts d’Ananké vont être prochainement déposés. Outre 50.000 € de fonds propres, le Réseau Entreprendre apporte un prêt d'honneur de 60.000 €, la Région Bourgogne - Franche-Comté une avance remboursable de 110.000 €. Le budget jusqu'à la fin de l'industrialisation est estimé à 500.000 €. L'entreprise devra donc compléter par l'emprunt ou par l'appel à des investisseurs.
Mathieu Doubs devant terminer sa thèse d'ici quelques semaines, il sera le premier salarié d'Ananké. Trois à cinq emplois sont prévus en 2017, 6 à 9 en 2018, une quinzaine fin 2019 avec l'intégration de la production des pièces au sein de l'entreprise, car au début la fabrication sera sous-traitée, pour limiter le risque industriel.
Parallèlement, la recherche et le développement se poursuivront avec Assystem, notamment à travers la thèse de Pierre Ranc, pour développer une nouvelle gamme de moteurs. Le prix actuel du système d'Ananké est de l'ordre de 120.000 €, avec un retour sur investissement estimé entre 3 et 5 ans.
(*) 1 terrawatt-heure = 1000 gigawatt-heures.