BANQUE/BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ. Antoine-Sylvain Blanc, pour la Caisse d’Epargne et Michel Grass pour la Banque Populaire, président ces banques régionales mutualistes qui appartiennent à leurs sociétaires et sont, par nature, très ancrées dans la vie locale.
Tous deux représentent cette large communauté de femmes et d’hommes qui y ont ouvert un compte et ont acquis des parts sociales, détenant ainsi une portion du capital de leur établissement financier.
Ils sont actuellement 162.000 côté Banque Populaire, pour un capital social de 663.830 millions d’€, et 250.000, version Caisse d’Épargne, pour un capital de 475.307 millions d’€.
Les deux hommes s’appuient sur une équipe désignée comme eux pour assurer deux missions : le contrôle et la surveillance.
Qui sont-ils, comment fonctionnent-ils et, évitent-ils le rôle de simples figurants, pour ne pas dire de potiches ?

Répondre à cette dernière question, invite déjà à connaître aussi bien Antoine-Sylvain Blanc que Michel Grass. Le premier préside le conseil d’orientation et de surveillance (COS) de la Caisse d’Épargne depuis 2015 et appartient à cette instance depuis 2005. « J’assume aussi depuis 2009 la présidence du comité d’audit », souligne-t-il pour bien marquer une implication totale.
C’est dire si cet homme de 68 ans connaît sa banque sur le bout des doigts. Bourbonnais d’origine, né dans un petit village près de Vichy (Allier), il embrasse la carrière militaire en intégrant la gendarmerie en plein épisode de mai 68.
Il y découvre le droit et entame un parcours d’officier à 35 ans qui le conduira au garde de colonel à l’issue de cinq affectations. Passionné par les enquêtes, il suit nombre d’affaires criminelles.
Pour ses 53 ans, Antoine-Sylvain Blanc prend sa retraite comme le prévoit le statut des militaires, mais embraye directement comme délégué du procureur de la République durant un bail de 15 ans.
Client depuis toujours des Caisses d’épargne, il préside l'une des 12 sociétés locales d’épargne, celle de Nord Côte-d’Or, qui détiennent chacune une partie du capital coopératif. C’est à ce titre qu’il a été élu président du conseil d’orientation et de surveillance en 2015, pour six ans par ses pairs.
Des caractères bien trempés
Michel Grass, son homologue de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté depuis 2010, est devenu le nouvel homme fort de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne). Vendredi 19 mai, il a décroché la présidence du conseil de surveillance du second groupe bancaire français, issu de la fusion en 2009 de la Caisse nationale des Caisses d’Epargne et de la Banque fédérale des Banques Populaires.

Né à Paris, diplômé d’une maîtrise de sciences de gestion, il s’essaye d’abord brièvement comme commercial chez un transporteur picard, puis à 25 ans se voit confier la direction d’une clinique à Sens (Yonne), sa ville d’adoption. Devenu copropriétaire de l’établissement de soins, il en fait au gré de croissances externes un groupe, baptisé Avenir Santé, qui a exploité pas moins de trois cliniques en Bourgogne et un centre de convalescence.
« Si j’ai pu mener à bien toutes mes affaires, que j’ai entièrement cédées en 2010, je le dois à la Banque Populaire qui m’a soutenu à chaque instant », assure cet homme de 59 ans. Très impliqué sur le territoire du Sénonais, qu’il arpente avec son chien, Michel Grass a aussi tutoyé la politique.
Élu LR en 2014 sur la liste conduite par Marie-Louise Fort, la mairesse de Sens, il devient son troisième adjoint à la ville et son vice-président chargé du développement économique à le communauté d’agglomération.
Mais, le couple ne durera pas bien longtemps pour ingérence à ses yeux dans son action. Il rend toutes ses délégations, mais ne démissionne pas « par respect pour les électeurs ». En avril 2016, il adhère au tout jeune mouvement En Marche d’Emmanuel Macron. Avec des personnalités différentes, les deux présidents partagent la même force de caractère.
Une gouvernance dualiste
Si Antoine-Sylvain Blanc a les yeux rieurs et le visage enjoué, Michel Grass plus austère assure, un rien pince-sans-rire, qu’il n’est pas un « joyeux drille », sa seconde épouse le qualifiant même de mormon en raison de ses cinq enfants.
Au sein de leur instance respective de travail, ils veillent avec leurs collègues : 14 administrateurs pour la Banque Populaire, 18 membres au conseil d’orientation et de surveillance (COS) de la Caisse d’Épargne, au contrôle des comptes, à la maîtrise des risques et à la légalité des actions engagées.
« Nous surveillons aussi le respect des orientations stratégiques définies sur l’exercice », ponctue Michel Grass. Pour que tout fonctionne, sans grain de sable, une complicité professionnelle, sans complaisance ni copinage, doit s’instaurer avec les organes de direction des deux établissements financiers : un directoire que préside Jean-Pierre Deramecourt à la Caisse d’Epargne, un comité de direction que dirige Bruno Duchesne à la Banque Populaire.
C’est le cas aujourd’hui, mais il en a pas toujours été ainsi par le passé. « Je n’étais pas président, mais j’ai assisté à deux clash car nous ne sommes surtout pas une chambre d’enregistrement et à l'occasion des sujets complexes, il n’y pas toujours eu unanimité lors des votes », déclare Antoine-Sylvain Blanc. « Nous préparons tout en amont pour offrir un visage uni lors des conseils d’administration, mais il y a régulièrement discussion et échanges sur le fond », ponctue son collègue.
L'obligation de se former
Tous deux assurent par ailleurs, d’une seule voix, ne jamais influer sur la gestion. Ils concèdent toutefois être intervenus pour demander une seconde relecture d’un dossier particulier, mais « sans s’occuper ensuite du choix final ». Pour siéger au conseil d’administration ou COS, il faut être élu par ses pairs. L’indépendance se fait aussi jour à ces occasions.

« Nous n’aimons pas nous voir guider nos choix et il y a eu des refus », certifie Antoine-Sylvain Blanc. « Les administrateurs doivent refléter au plus près les sociétaires et les territoires », ajoute Michel Grass, pas peu fiers d’avoir fait entrer six femmes en sept ans. Une fois désigné, être administrateur n’est pas une sinécure, car faut être présent aux réunions et se former en permanence, l’ingénierie financière n’étant guère une science toujours limpide.
Les représentants de deux banques sont intraitables sur le sujet. Un plan de formation est établi pour chaque nouvel arrivé. Les cours se déroulent au siège régional ou à Paris, mais également par Internet avec des modules souvent vidéos. Ils sont dispensés par des personnels bancaires ou des intervenants extérieur. Et gare à ceux qui s’en dispenseraient.
La Banque Européenne agrée d’ailleurs tous les administrateurs. « Il ne faudrait toutefois pas que ce soit un frein pour des représentants de métiers manuels », espère Michel Grass qui n’aime rien tant que la diversité sociologique.
Dernière précision : que gagnent les deux hommes pour leur mission ? 100.000 € par an pour Michel Grass. Quant à Antoine-Sylvain Blanc, il préfère garder confidentiel le montant de son indemnité compensatrice, tout en assurant « ne pas être là pour faire fortune ».