Pas facile de recruter, ni de conserver ses salariés pour une PME française frontalière de la Suisse. Micro Érosion, spécialiste de l’usinage de pièces métalliques de précision, mise sur une politique sociale et environnementale ambitieuse pour relever ce défi.
À Pontarlier, dans le Doubs, Micro Érosion usine des pièces métalliques de haute précision en petites et moyennes séries, en s’appuyant sur plusieurs technologies dont l’électro érosion par fil. La PME de 24 salariés fait face à des problématiques de recrutement, classiques dans ce territoire frontalier de la Suisse, qui aspire les employés avec des salaires très supérieurs à la France.
Conséquence directe, le recrutement d’employés formés à l’usinage s’avère très difficile, poussant la société à former des profils éloignés de son métier. « Notre seule exigence, c’est l’envie d’apprendre et le savoir-être, qui sont deux valeurs clés de Micro Érosion », résume Alain Laude, gérant de la SARL. Les salariés sont invités à partager, en continu, leurs connaissances et peuvent suivre des cours d’anglais gratuits, deux demi-journées par semaine. Ces cours basés sur le volontariat sont payés par l’entreprise et pas par le compte formation des salariés.
Si Alain Laude porte une telle attention à ces questions de transmission des savoirs, c’est largement du fait de son expérience de vie, marquée par une forte dyslexie qui l’a pénalisé dans ses études. « Je n’ai pas le bac », sourit timidement le bientôt sexagénaire. « Je me suis beaucoup formé, j’ai beaucoup travaillé. Tout le monde peut rencontrer des soucis dans son parcours, avec le travail, on peut les dépasser ».
La transparence managériale est également de mise. Dans l’atelier, deux écrans affichent les nouvelles de l’entreprise et de ses clients. Une réunion quotidienne est consacrée au planning de production. « Je ne veux pas que les informations soient détenues par une seule personne, je crois à l’horizontalité dans les rapports humains », assure le gérant.
La politique RSE de Micro Érosion passe aussi par l’amélioration des conditions de travail, notamment en déchargeant les salariés des tâches répétitives et fastidieuses. Tous les documents et ordres de production sont classés automatiquement dans un système de gestion électronique des documents (GED) : chaque production bénéficie d’un étiquetage QR Code limitant les saisies à un simple passage de « douchette » infrarouge.
Côté environnemental, l’entreprise récupère la chaleur fatale de son parc de machines pour chauffer ses locaux, par le biais d’un impressionnant groupe d’eau glacée et propose, sur son parking, une borne de recharge pour véhicule électrique.
Des petites et moyennes séries comme un volant de productions récurrentes

L’ensemble de cette politique RSE porte ses fruits : les effectifs sont stables, le personnel jeune et largement féminisé, avec pas moins de 6 femmes sur un effectif de 24 personnes. Grâce à une politique favorisant la polyvalence chez ses salariés, la PME a pu s’adapter à un environnement concurrentiel mouvant. Lors de sa fondation, en 2000, elle travaillait essentiellement pour la téléphonie, en réalisant des connecteurs électroniques et pour l’automobile.
Ces marchés initiaux se sont réduits, la production se déplaçant vers des pays à bas coût de main-d’œuvre. Elle s’est alors dotée de plusieurs solutions d’électroérosion, dans l’eau et dans l’huile, de machines de tournage, de fraisage-usinage à grande vitesse 5 axes continus et de rectification, pour être capable de répondre à la demande d’une clientèle plus exigeante, dans les domaines du spatial, de l’aéronautique, du luxe et des nouvelles technologies.
La PME s’est également dotée d’un bureau d’étude et de R&D lui permettant de proposer son expertise dès la conception des pièces chez ses clients. « Nous usinons des petites pièces, souvent très complexes, et il faut que nous soyons en mesure de conseiller nos clients très en amont, pour que les pièces demandées soient réalisables », détaille Émilie Laude, responsable qualité et fille du fondateur de l’entreprise familiale.
Aujourd’hui, Micro Érosion déploie un savoir-faire reconnu, qui lui permet de se développer à l’international, où elle réalise 60 % de son chiffre d’affaires, avec des clients en Suisse, en Belgique, au Canada et en Norvège. « Nos lourds investissements dans notre parc de machines nous permettent de nous positionner sur le développement de pièces de petites et moyennes séries, de 30 à 50 unités, ce qui nous permet d’asseoir notre chiffre d’affaires sur un volant de productions récurrentes », estime la responsable qualité.
Cette année, l’entreprise espère retrouver un chiffre d’affaires d’un niveau comptable à celui de l’année pré-Covid, 2,4 millions d’€. L’année 2021 a été close avec 1,8 million d’€.

Micro Érosion participe à un projet très novateur de pompe cardiaque implantable, capable d’imiter le pouls humain en faisant varier le débit sanguin. Encore largement couvert par le secret industriel, ce projet français implique notamment l’acquisition d’une machine très spécifique d’électroérosion par fil molybdène. « L’utilisation de ce métal comme électrode de découpe permet d’assurer qu’il n’y a aucun dépôt résiduel sur la surface de coupe, ce que ne permettent pas les autres types d’électrodes », précise Émilie Laude, responsable qualité.
Lancé en 2016, ce programme est itératif, chaque génération de prototype de pompe exigeant la création de pièces spécifiques en titane, de très petite taille, usinées par Micro Érosion. L’entreprise a investi près de 1,5 million pour acquérir 4 nouvelles machines de découpe en molybdène et de tournage-fraisage. Un lourd investissement pour sa taille, allégé par un soutien du plan France relance à hauteur de 675.000 €.
