Trois ans après avoir activé une procédure de sauvegarde, Les Boulangeries Demeusy qui possèdent un réseau de dix boulangeries à Belfort et emploient 105 personnes, repartent de l’avant. La tempête semble aujourd'hui passée. Narration d’un rétablissement.
Pierre Demeusy a pris les rennes des Boulangeries Demeusy (SAS Demeusy) en 1997. Si la première boulangerie a été créée par son grand-père en 1922 à Belfort, il ne se destinait pas, a priori, à reprendre la société que son père, Claude, avait développée jusqu'à sept boulangeries à Belfort et 40 salariés. Il avait en effet suivi une formation d'ingénieur en électrotechnique.
Lorsqu'il décide de rejoindre l'entreprise familiale, Pierre Demeusy commence par parfaire sa connaissance du pain en se formant à l'Institut National de la Boulangerie et de la Pâtisserie (INBP) de Rouen. Il passe ensuite au fournil pour y apprendre « la méthode Demeusy » : une subtile alchimie basée sur une hydratation plus élevée que la moyenne et un temps de repos également plus long, de façon à développer les arômes, décrit-il.
Une méthode qu'il cherche à améliorer régulièrement, de façon à retrouver les saveurs du pain d'autrefois. « Nous pétrissons peu, de façon à laisser les flaveurs s'épanouir et à garder les arômes des blés originels. La pâte est une matière vivante ; il faut la sentir, s'adapter chaque jour, par exemple en fonction de la météo, du temps que le blé a passé dans le silo, etc. »
Ce savoir-faire, père et fils pensaient pouvoir le valoriser sur une nouvelle ligne de production découverte auprès d'un fournisseur allemand et qu’ils ont acquise en 2011. « Mon père avait été bluffé par la qualité du pain obtenu », se souvient Pierre Demeusy. Hélas, jamais la qualité obtenue chez le fournisseur n'a pu être reproduite dans l'entreprise.
L'investissement consenti se transforme en galère. Des heures de réglages n’ont abouti, au bout de deux ans, qu’à une qualité jugée « acceptable », même s'elle ne correspondait pas à leur idéal.
Rebondir en redonnant de l'autonomie aux magasins

Un an plus tard, Pierre Demeusy se décide alors à développer les grands comptes. Déjà fournisseur de l'hôpital de Belfort, il décroche des contrats dans plusieurs autres hôpitaux, de Strasbourg à Besançon. Les grandes surfaces et la restauration font également partie de son plan de redressement, avec un approvisionnement en pré-cuit surgelé. Ce marché représente désormais 40% du chiffre d'affaires.
Mais ces initiatives ne masquent pas les difficultés financières engendrées par l’investissement dans la nouvelle ligne de production en 2011, conjuguées à un déménagement de Belfort à Bavilliers, dans des locaux de 1.800 m² (dont 400 m2 de bureaux et 150 m² de magasin). S'est ajouté le renoncement d'un nouveau gros client en 2015 sur lequel il comptait pour assurer le développement lié à l'achat de la nouvelle ligne de production.
En 2016, il décide donc de placer son entreprise en procédure de sauvegarde. « Ce fut un acte de gestion ; cela ne nous a pas été imposé », insiste-t-il. Le gel, puis l'étalement des créances et des emprunts sur dix ans lui permettent de respirer. Après dix-huit mois d'observation, l'administrateur judiciaire donne son feu vert au plan de sauvegarde qu'il propose. Les effectifs qui étaient montés jusqu'à 130 en 2017 sont ramenés à 105 personnes avec dix magasins. Trois des moins rentables sont fermés.

Pour repartir de l’avant, Pierre Demeusy change de braquet : il réinstalle des fournils dans chaque magasin où cela est possible (si ce n'est pas le cas, le magasin le plus proche fournit le voisin) et donne une autonomie à ses boulangers. « L'idée est de libérer les initiatives », explique Pierre Demeusy. Et le résultat est là : il retrouve la qualité de pain qu'il espérait, et ses boulangers lui proposent de nouveaux produits. Le chiffre d'affaires de certains magasins bondit de 20%, assure- t-il.
Malgré la fermeture de trois magasins, le chiffre d'affaires consolidé de l'entreprise reste au même niveau : 8,5 millions d’€. Et les résultats devraient redevenir positifs cette année. Sa société à priori « sortie d’affaire », Pierre Demeusy envisage de nouveaux développements de son réseau de magasins.
En attendant, il savoure la reconnaissance obtenue récemment par le Collège culinaire de France, un groupement de 2.700 adhérents, dont 800 producteurs et restaurateurs, qui met en avant « la qualité artisanale française ».

Bravo à l'ensemble du personnel de ne jamais avoir baissé les bras... Et fier d'avoir apporté une pierre à cet édifice.
À quand l'ouverture d'une boulangerie Demeusy à Besançon? Puis, pourquoi pas? Dijon?
Découvrez également
Réseau Femmes du Medef 21, la sororité entrepreneuriale en Côte-d’Or
Le Jurassien Siobra, champion de l’amélioration de la qualité dans l’automobile de l’Est
En Côte-d'Or, Reval Plastiques passe du recyclage à la fabrication d’un matériau innovant