Avis d’expert. François Rebsamen est maire de Dijon depuis 2001. À l’aune de cette expérience, il explique pour Traces Écrites News les changements intervenus dans la gestion d’une ville d’importance, de surcroît capitale régionale. En tant que président du Grand Dijon, il évoque le nouveau rôle des communautés d’agglomération et fait le lien avec son mandat national de sénateur qui lui permet de défendre à Paris les grands projets dijonnais.

Le métier de maire a t-il beaucoup changé depuis votre première élection en 2001 ?

Je souhaite distinguer deux périodes. Jusqu’au début des années 2000, nous avons vécu l’âge d’or des collectivités locales et, ceci est bien sûr valable pour les communes. Un maire pouvait concevoir de grands projets, les financer, car les ressources de sa ville étaient en grande partie suffisantes. En un mot, il était maître chez lui. Depuis, faute de moyens financiers, il passe son temps à courir après les cofinancements car, seul, il ne peut plus porter les gros investissements. Son métier a changé en profondeur. De développeur, il est devenu un super VRP, tendant sa sébile et passant son temps à faire du lobbying pour sa ville.

Mais, l’intercommunalité, avec notamment, la mise en place des communautés d’agglomération, n’a-elle pas été justement créée pour mutualiser ces gros investissements ?

La communauté d’agglomération du Grand Dijon, que je préside, mutualise les projets importants, notamment les équipements structurants : salle de spectacles, piscine olympique…, dont profitent d’ailleurs de nombreux habitants de Côte-d’Or et même de Bourgogne. C’est une très bonne chose pour la cohérence de l’action publique à l’échelle d’un plus vaste territoire. N’en reste pas moins que cela réduit le rôle du maire à celui de gestionnaire. Lorsqu’il intervient en tant que gestionnaire de proximité pour régler les problèmes de ses concitoyens, il est dans sa fonction noble. Si son action se limite à la gestion de ses services, je trouve la très réductrice, car il n’a pas été élu démocratiquement pour cela.

Que préconisez-vous alors comme solution ?

Gagner les prochaines élections présidentielles et législatives afin qu’un nouveau gouvernement mette en place une véritable république décentralisée, redistribuant une part de l’impôt national aux collectivités locales. Elles seules font la croissance économique, impulsent le dynamisme culturel et favorisent le développement social. Les élus locaux doivent retrouver leurs responsabilités pleines et entières avec des ressources adaptées. Et, il y urgence à intervenir.

N’êtes-vous pas quelque peu en contradiction avec certains de vos amis, grands centralisateurs, comme Pierre Joxe, ancien député, ancien ministre et ancien premier président de la cour des comptes, qui vous a d’ailleurs mis le pied à l’étrier en politique ?

Vous vous trompez. Pierre Joxe et moi sommes des Jacobins convaincus en ce qui concerne les grandes missions régaliennes d’un État : police, justice, défense nationale, politique étrangère, équilibre entre les territoires. Pour le reste, nous défendons bec et ongles la décentralisation, mise en place, je le rappelle, par la gauche en 1982 et vidée depuis de sa substance.

En tant que sénateur, vous siégez au sein d’une assemblée qui représente les collectivités locales. Est-ce un atout pour défendre Dijon ?

Ce mandat m’offre la possibilité de rencontrer plus facilement les ministres, leur cabinet et de hauts fonctionnaires pour évoquer tel ou tel dossier dijonnais. C’est un atout inappréciable. Quant au Sénat, je déplore qu’il soit encore trop imprégné de l’esprit de canton. Il y a surreprésentation en son sein des conseils généraux. Il y a donc surreprésentation du monde rural au détriment des centres urbains. Ce manque d’équilibre et, je le déplore, pénalise la réflexion de fond de la haute assemblée en matière de développement local, qui passe à mes yeux de plus en plus par le couple : région et intercommunalité.

Crédit Photo: ©ville de Dijon

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