Avis d'expert. Pascal Sainson, 53 ans, président d’Europorte (*), filiale du groupe Eurotunnel créée début 2001 et titulaire en 2004 de la première licence d’entreprise ferroviaire, nous explique la réalité et l’avenir du fret ferroviaire.

Cet ingénieur de l’aviation civile, passé au fer, démystifie certains faux débats sur ce mode de transport de marchandises parmi les plus écologiques avec la voie d’eau.

Il sera présent le 16 juin prochain à Venarey-les-Laumes (Côte-d’Or) pour baptiser une nouvelle locomotive utilisée dans le transport des céréales du groupement de coopératives céréalières Cérévia.

Que pèse aujourd’hui en France le fret ferroviaire ?

Il subit une réelle décroissance. En 2008, le fret ferroviaire atteignait 40,4 milliards de tonnes/km. Il n'a pas dépassé les 31 milliards de tonnes/km l’an dernier.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Il suffit d’écouter les anciens clients qui se sont détournés de ce mode de transport mais souhaiteraient pour beaucoup d’entre eux y revenir. Tous reprochent un manque évident de qualité dans le service fourni et une relation commerciale inadaptée.

L’arrivée sur le marché d’opérateurs privés comme Europorte peut-elle relancer cette activité logistique et enfin lui donner une image porteuse ?

Si nous n’y croirions pas, nous ferions autre chose. Mais pour vous répondre plus précisément, il suffit de regarder ce qui se fait de bien ailleurs : en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et en Angleterre. Ces dernières années, le fret ferroviaire y a progressé de plus de 22%. C’est dire qu’avec une bonne organisation de la chaîne logistique et un matériel performant nous pouvons miser, sans problème, en France sur une croissance à deux chiffres.

Et qu’on ne me dise pas que la voie ferrée n’est adaptée qu’aux longues distances. Ces exemples étrangers démontrent la totale efficience du chemin de fer sur des distances moyennes d’environ 300 km.

Le coût des péages pratiqués par RFF, le propriétaire du réseau de voies ferrées, n’est-il pas un frein à votre développement ?

Il faut pondérer cette affirmation. Le coût des péages est aujourd’hui largement compensé par l’État pour relancer le fret ferroviaire et doit le demeurer tant que nous serons confrontés à une mauvaise qualité des sillons, c’est-à-dire les créneaux de passage sur une voie ferrée. Il y a urgence à assurer une parfaite maintenance de l’infrastructure ferroviaire avec une bonne coordination dans la gestion des travaux et là, une augmentation raisonnable des péages ne représentera pas un frein.

Pardonnez-moi de prendre l’exemple du tunnel sous la Manche, long de 51 km, dont 36 sous la mer. Notre maison mère Eurotunnel y accueille jusqu’à 400 trains par jour ce qui implique un entretien constant et parfois des réparations plus lourdes. Pour chacune de ces opérations, nous nous organisons afin de ne pas arrêter le trafic.

Que voulez-vous montrer en vous rendant à Venarey-les-Lames, en Côte-d’Or, le 16 juin prochain ?

Je souhaite déjà rendre hommage à Cérévia, une union de coopératives céréalières de l’Est qui nous a confié en juillet dernier l’acheminement, à partir d'une trentaine de silos, de 400 000 tonnes de blé et d’orge vers le port maritime de Fos-sur-Mer, soit 600 km. Ce contrat, d’une durée de trois ans, représente un trafic de six trains par semaine que nous gérons avec une approche logistique globale.

Lors de cette rencontre, nous baptiserons l’une de nos dernières acquisitions : une locomotive Euro 4000. Cet engin diesel de forte puissance bénéficie d’un poids à l’essieu qui lui permet de se rendre dans différents sites reculés. L’événement illustrera nos efforts considérables d’investissement dans du nouveau matériel, gage de crédibilité, pour nous faire plus largement confiance.

(*) La société Europorte a réalisé 100 millions d’€ de chiffre d’affaires en 2010. Elle en attend 140, voire 150 millions cette année. Cette croissance sera en partie liée à l’acquisition, il y a un an, de Great Britain Railfreight, le troisième opérateur de fret ferroviaire britannique. L’entreprise avait déjà repris en 2007 certaines activités fret de la SNCF : la traction des trains de marchandises dans le tunnel sous la Manche et la gestion de la gare de triage de Frethun, toute proche. Fin 2009, elle poursuit ses opérations de croissance externe en rachetant trois filiales de Veolia Cargo. Elle s’occupe également depuis peu des réseaux ferrés internes des ports de Dunkerque et de Nantes/Saint-Nazaire et vient de gagner l'appel d'offres du Port de Bordeaux concernant l'élaboration du règlement de sécurité.

Crédit photo : Europorte

Et en version anglaise :

“Rail freight can only grow”

Expert opinion. Pascal Sainson, 53, CEO of Europorte (*), a subsidiary of the Eurotunnel group created in early 2001 and holder of the first railway undertaking licence in 2004, explains to us the current situation and the future of rail freight.

A civil aviation engineer who switched to rail, he debunks some of the myths about one of the most environmentally friendly modes of goods transport alongside waterways.

He will be in Venarey-les-Laumes (Côte-d’Or) on 16 June to name a new locomotive used to transport grain for the group of cereal-growing cooperatives Cérévia.

How big is rail freight in France today ?

The sector has really been shrinking. In 2008, rail freight reached 40.4 billion tonnes per kilometre. Last year it was no more than 31 billion tonnes per kilometre.

How do you explain this ?

You just need to hear what former customers have to say: those who gave up on this mode of transport, but many of whom would like to return. They all mention poor quality of service and inappropriate commercial relations.

Could the advent of private operators like Europorte revive rail freight and boost its image ?

If we didn’t think so, we’d be doing something else. To give you a more precise answer, you just need to look at what’s being done well elsewhere: in Germany, Austria, the Netherlands, the UK. Over the last few years, rail freight has grown there by more than 22%. In other words, with good organisation of the logistics chain and high-performance rolling stock we can aim for growth in France in the double figures - no problem whatsover.

Nobody can tell me that rail is not suited to long distances. These examples abroad show the total efficiency of rail over average distances of around 300 km.

Won’t the cost of the tolls charged by RFF, the rail network owner, hold back your growth ?

It’s not as straightforward as that. The cost of the tolls is now largely being offset by the government to revive rail freight and should remain so as long as we are being given difficult train paths (the time slots when we can run on the track). It is very important to ensure rail infrastructure is perfectly maintained with proper coordination of the management of track works, so in fact a reasonable increase in tolls would not hold us back.

To take the example of the Channel Tunnel, which is 51 kilometres long with 36 kilometres under the sea. Our parent company Eurotunnel allows 400 trains a day through the Tunnel, which means that constant maintenance and sometimes more substantial repairs are required. For each of these operations, we make arrangements to ensure traffic is not stopped.

What are you trying to show by going to Venarey-les-Laumes in Côte-d’Or on 16 June ?

I want to pay tribute to Cérévia, a group of cereal-growing cooperatives in Eastern France, which awarded us a contract last January to transport 400,000 tonnes of wheat and barley from dozens of silos to the seaport of Fos-sur-Mer, a distance of 600 km. This three-year contract amounts to traffic of six trains per week, which we will manage using a comprehensive logistical approach.

At this meeting we will be naming one of our latest acquisitions: a Euro 4000 locomotive. This powerful diesel engine has an axle load that allows it to get to various fairly remote sites. The event will illustrate our considerable efforts to invest in new rolling stock, as proof of our credibility, showing we are truly a company to be trusted.

(*) Europorte achieved turnover of 100 million euros in 2010. It expects this to increase to 140 or 150 million this year. This growth is linked in part to the acquisition one year ago of Great Britain Railfreight, the third largest UK rail freight operator. The company had already taken over some of SNCF’s freight activities in 2007: traction of goods trains in the Channel Tunnel and management of the marshalling yard at Frethun nearby. At the end of 2009, it continued its external expansion by taking over three subsidiaries of Veolia Cargo. It has also recently taken over the running of the internal railways at the ports of Dunkerque and Nantes/Saint-Nazaire and has just won the public tender offer of the Port of Bordeaux to prepare its safety and operating regulations reference document.

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